Nous reproduisons ici une partie de la causerie donnée par l'Hon. Solon Low au poste CHLT, de Sherbrooke, le 21 octobre, d'après la traduction faite par Edmond Major.
Pendant que les armées victorieuses des Nations-Unies fraient leur chemin vers Berlin ou Tokio, et que la fin de la guerre approche, nous du Canada devons faire face à une situation infiniment critique, ici même, dans notre propre pays.
La guerre une fois terminée, nous devrons envisager la lourde tâche de la restauration avec tous ses problèmes. La présente administration libérale à Ottawa devra porter la pleine responsabilité d'un Canada sortant du conflit aussi complètement impréparé pour la paix qu'il le fut pour la guerre.
Tout ce que le gouvernement a fait, c'est de préparer un certain nombre de mesures désespérées, incomplètes, mesures de rapiéçage, — comme l'assurance-chômage obligatoire, l'assurance-maladie obligatoire, et des tas de plans pour des travaux publics.
Mais l'on ne prévoit d'aucune façon au financement de ces projets, si ce n'est par le vieux système de dettes et de taxes — un système qui a conduit notre pays et tous les pays du monde sur le bord du désastre avant la guerre. Durant la guerre, ce système n'a survécu qu'en bâtissant une dette à un rythme sans cesse grandissant, et, en remontant les taxes à un nouveau niveau devenu fantastique.
Durant cette même période, tout l'édifice national a échappé à la ruine au moyen d'un système de conseils, de commissions, de bureaux et de comités, amenant une infinité de contrôles, de règlements, d'interdictions et de punitions. Il ne semble pas qu'il soit venu à l'idée des autorités fédérales qu'un système qui fit un tel ravage au cours des années d'avant-guerre ne puisse jamais venir à satisfaire nos besoins dans la période de rajustement d'après-guerre.
Vous vous souvenez qu'après la dernière guerre devant permettre au monde d'avoir la démocratie, l'on nous assurait l'espoir d'une ère de paix, de prospérité et de progrès. L'agression avait été écartée. La tyrannie était défaite. La démocratie sortait victorieuse.
Qu'arriva-t-il ? Après quelques années, le chômage, la pauvreté, les restrictions, la stagnation du commerce et l'insécurité générale vinrent à l'ordre du jour. Il n'y eut ni paix ni prospérité. Le progrès fut fait de reculons. La démocratie ne fut jamais dans un plus grand péril. Les dictatures poussèrent comme des champignons. La révolution et la révolte se répandirent comme une plaie dans l'univers.
Pourtant le monde n'avait jamais été si bien organisé pour produire une abondance de produits et de services, qui, par une sage distribution, aurait permis une ère de prospérité et de progrès sans précédent.
Qu'est-ce qui faisait défaut ? Pourquoi ne fournissait-on pas cette abondance ? Pourquoi condamnait-on des millions d'êtres humains à la misère, quand on restreignait la production ?
Les partisans du socialisme nous disent que c'est simplement parce que quelques capitalistes faisaient de gros profits, laissant le grand nombre sans moyens d'acheter les produits ; que le pauvre était pauvre parce que le riche était riche. Examinons cette prétention.
Si c'était vraiment là la cause du chômage et de la misère sur une grande échelle, tout ce qu'il y avait à faire, c'était d'établir un système de taxes très échelonné par lequel on aurait réduit les revenus des riches pour en distribuer le produit aux pauvres et aux délaissés. On l'a fait — spécialement en Grande Bretagne — mais le seul résultat obtenu, ce fut d'empirer la situation. Voilà donc une prétention qui ne tient pas debout. Dire que le pauvre était pauvre parce que le riche était riche, c'est stupide à première vue, quand on sait que nous pouvons produire l'abondance pour tous.
Le peuple était-il dans le besoin parce que les producteurs ne voulaient pas produire ? Nous savons que ceci est faux. Partout les producteurs démontrèrent leur anxiété de produire par les efforts déployés pour la vente de leurs produits — pour trouver des marchés. Les distributeurs et les marchands étaient aussi anxieux de passer les marchandises au peuple. La majorité du peuple était dans un besoin criant des choses que l'on aurait pu produire en abondance — mais ils n'avaient pas d'argent, pas de pouvoir d'achat, pour se les procurer.
Le problème était un problème d'argent. Parce que le peuple n'avait pas assez de revenus et ne pouvait pas acheter ce qu'il voulait, les marchandises s'empilaient dans les magasins : l'on diminuait les commandes aux maisons de gros ; les grossistes ne pouvaient acheter de l'industrie ; les manufacturiers devaient diminuer la production ; ceci amena le renvoi des employés ; le chômage s'accrut ; dans leurs efforts pour vendre leurs marchandises, les manufacturiers abaissèrent les prix ; l'on réduisit les salaires ; les prix des produits premiers tombèrent à un niveau ridicule comme vous le savez bien, vous autres cultivateurs. Brièvement, le problème était un problème d'argent.
Si l'on avait reconnu cette vérité, et distribué l'argent nécessaire pour permettre au peuple d'acheter les choses produites, le tableau aurait changé immédiatement. Avec une telle réforme, les magasins de détail en achetant les marchandises auraient fait pleuvoir des commandes sans restriction sur l'industrie par l'intermédiaire des marchands de gros. La production aurait repris. L'emploi aurait augmenté. On aurait amélioré les conditions de salaire. Une ère de prospérité aurait commencé.
Voilà ce que soutinrent les Créditistes, qui non seulement fournirent la preuve de leurs avancés quant à la cause de la crise économique dans laquelle le Canada se débattait, mais firent des propositions bien définies pour redresser le système monétaire et faire l'ajustement dans l'édifice économique rénové par celles-ci.
Qu'arriva-t-il ? D'abord, les financiers et les économistes — les pontifes de la haute finance — tournèrent le Crédit Social en ridicule. Ensuite alarmés de ses conquêtes, ces hommes qui nous avaient conduits à travers la crise à la porte du désastre, déclenchèrent une attaque plus acharnée et plus hypocrite. Le Crédit Social fut sali, boycotté, mal interprété et attaqué de tous côtés.
Puis vint l'élection de l'Alberta en 1935. Le peuple de cette province plaça un gouvernement créditiste au pouvoir par une majorité écrasante. Ce fut la panique parmi les intérêts financiers. On employa toute la propagande imaginable pour discréditer et disloquer le gouvernement de l'Alberta. Leur législation fut désapprouvée et déclarée ultra vires ; l'on refusa le consentement royal à leurs lois, une chose qui ne s'était jamais vue dans l'histoire de la démocratie britannique ; on les menaça même de l'emploi de la force. On ne permit pas à l'Alberta d'établir une économie créditiste.
En dépit de cette opposition, le gouvernement créditiste de l'Alberta a placé cette province à la tête de tout le Canada par une législation progressive et une sage administration. Après neuf ans, le gouvernement créditiste fut réélu en Alberta, au mois d'août dernier, malgré la dure campagne organisée contre lui, et il fut réélu par une majorité aussi grande que lors de son écrasante victoire de 1935. Comme résultat, le mouvement créditiste déjà en voie d'organisation à travers le Canada, avance maintenant par sauts et par bonds. Dans ce réveil, repose notre espoir pour l'avenir du Canada.
Quelques mois après la déclaration de guerre, l'on nous disait qu'au sortir de la dévastation d'un
monde tourmenté par la guerre, naîtrait un ordre nouveau de liberté, de sécurité, de paix et de prospérité. Nous sommes maintenant avertis par ces mêmes hommes qui, dans leur panique au cours des heures les plus sombres de la guerre, criaient après un ordre nouveau, que nous devons nous attendre à de dures épreuves après la guerre.
Durant cette guerre, au nom de la démocratie, nous avons avancé pas à pas vers la dictature d'État totalitaire, celle-là même que nous nous étions engagés à renverser. Par un système de conseils, de bureaux, de commissions, d'ordres-en-conseil et de tas de réglementations, la personne a été graduellement contrôlée, dirigée, forcée, taxée, contrainte, rationnée, réglementée et enrégimentée jusqu'à ce qu'elle soit devenue la simple créature d'un État bureaucratique. On nous assurait que c'était nécessaire pour l'effort de guerre — et les Créditistes ont consenti à l'admettre.
L'on nous dit maintenant crûment que, bon gré mal gré, le tout ou une grosse partie de ce contrôle et de cette enrégimentation, par une immense bureaucratie d'État, va continuer, et probablement s'intensifier après la guerre. Le cynique serait bien excusable de se demander "alors que voulait dire la lutte contre Hitler"...
Pour avoir la sécurité possible avec l'abondance moderne, il faudrait, nous dit-on, se soumettre à la domination et à l'enrégimentation par l'État. Le peuple devrait devenir le serviteur des politiciens en fonction. C'est-à-dire établir le Socialisme d'État, dans lequel l'État Suprême, fonctionnant au moyen de commissions de planificateurs, de conseils et de hordes de favoris politiques, réglementerait la production, la distribution, les prix, les salaires et le reste.
Sous le présent gouvernement libéral, nous avons déjà fait beaucoup de chemin sur cette route. C'est le programme libéral officiel. Et maintenant le parti C.C.F. nous offre de finir la "job" et de nous donner le Socialisme d'État, d'une façon beaucoup plus complète. C'est le chemin de la dictature et de l'esclavage du peuple à la tyrannie la plus impitoyable, la tyrannie de l'État Suprême.
Si vous aimez l'avant-goût du Socialisme d'État que nous avons, si vous voulez avoir une vie planifiée, réglementée et contrôlée par des bureaucrates insolents — s'il vous plaît d'être taxés, sermonnés et poursuivis partout, alors naturellement, vous donnerez votre appui enthousiaste à la dictature d'État que l'on nous promet. Vous travaillerez et vous voterez soit pour le parti libéral ou le parti C.C.F., suivant le degré d'enrégimentation que vous désirez ; c'est là leur programme.
Le mouvement Créditiste dénonce cette politique, et c'est le seul groupe d'action politique organisé au Canada qui la dénonce effectivement. Les Créditistes croient que la démocratie — la vraie démocratie — une démocratie fonctionnant convenablement, prenant racines dans les plus hauts idéals et à base de principes chrétiens, est le seul ordre social qui convient à l'avenir du Canada.
Nous croyons que l'État et toutes ses institutions existent pour servir le citoyen comme personne. Nous croyons que la liberté personnelle, et la sécurité économique essentielle à cette liberté, doivent être la pierre angulaire de notre édifice social démocratique. Nous soutenons que presque tous les contrôles, les règlements et les autres caractéristiques de notre système de bureaucratie pourrie et dominée par la finance doivent disparaître. Et, à cette fin, l'on doit assurer à chaque Canadien le plus de sécurité économique possible et une entière liberté.
"Voilà le problème au Canada aujourd'hui — choisir entre Démocratie et Dictature d'État ; entre le Crédit Social et le Socialisme d'État ; la liberté de la personne et son esclavage à l'État !
SOLON LOW