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Vers le Pharaonisme

Louis Even le mardi, 01 décembre 1998. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

par Louis Even

On se souvient d'avoir lu dans l'Histoire Sainte, comment Joseph, vendu par ses frères, puis fait prisonnier en Égypte, sut expliquer au Pharaon le songe des sept vaches grasses et des sept vaches maigres, des sept épis chargés de grains et des sept épis stériles. Comment aussi, il fut fait intendant de toute l'Égypte.

Joseph, devenu intendant, fit bâtir de vastes greniers où il amassait le surplus de récoltes de blé de toute l'Égypte pendant sept années d'abondance. Ce blé, il le payait à très bas prix aux producteurs, justement parce qu'ils ne savaient pas que faire de leurs surplus.

Lorsque vint la sécheresse, ce fut une autre histoire. Les gens avaient faim, mais le blé était dans les greniers du Pharaon.

Les Égyptiens durent aller racheter le blé même qu'ils avaient vendu à Joseph. Joseph leur en vendit, mais à un prix très élevé, si bien que tout l'argent de l'Égypte vint à Joseph, qui le remit au Pharaon. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui l'inflation.

L'année suivante, les Égyptiens furent dans la même détresse. Mais ils n'avaient plus d'argent. Le blé remplissait les greniers, mais leurs huches étaient vides. On appelle cela aujourd'hui : la pauvreté en face de l'abondance inutilisée.

Ils vinrent donc trouver Joseph et lui dirent : "Donne-nous du pain. Pourquoi mourrions-nous en ta présence ? Car, nous sommes à bout d'argent."

Joseph dit : "Amenez vos troupeaux, et je vous donnerai du pain en échange de vos troupeaux, puisque vous êtes à bout d'argent."

Et c'est ainsi qu'après avoir vidé les porte-monnaies des Égyptiens par l'inflation, il acquit tous leurs troupeaux — leurs moyens de production pour le Pharaon. Les chevaux, les troupeaux de brebis et de bœufs, les ânes.

Tout cela pour avoir de quoi manger, pas même pour avoir de quoi semer.

L'année suivante, même détresse, pour cause. Ni chevaux, ni ânes, ni semence : que pouvaient-ils récolter ?

Ils vinrent donc encore trouver Joseph et lui dire : "L'argent est épuisé et les troupeaux de bétail ont été donnés à mon seigneur ; il ne nous reste que nos corps et nos terres. Achète-nous, ainsi que nos terres, pour du pain ; et nous serons, nous et nos terres, serfs du Pharaon."

Ce fut fait. Joseph acquit toutes les propriétés des Égyptiens, toutes leurs terres et le droit de disposer de leurs personnes. Pris par la faim, ils sacrifièrent leur liberté. Et, dit la Genèse, "le pays devint la propriété du Pharaon ; il fit passer les peuples dans les villes, d'une extrémité à l'autre du pays." C'est ce qu'on appelle aujourd'hui le prolétariat, le service sélectif, la mobilisation de la main-d'œuvre, l'ouvrier ayant à choisir entre crever de faim, ou bien aller là où la bureaucratie du gouvernement ou les grosses compagnies lui offrent de l'emploi. Le pain lié à l'embauchage intégral.

Cependant, alors, Joseph donna aux Égyptiens du blé pour leur nourriture et leur semence. Oui, même pour la semence, mais sur des terres qui ne leur appartenaient plus. Et, en outre d'avoir été dépouillés de leur argent, de leurs troupeaux, de la possession de leurs terres, ils devaient, à l'avenir, donner chaque année 20 pour cent de leurs récoltes au Pharaon. Chaque année et pour toujours. C'est ce qu'on appellerait aujourd'hui un impôt de 20 pour cent sur le revenu, pour payer simplement l'intérêt annuel d'une dette perpétuelle.

Tout cela s'était exécuté en exploitant, d'une part le travail, d'autre part l'ignorance, des Égyptiens. En effet, tout le blé qu'il y avait dans les greniers avait été produit par les Égyptiens eux-mêmes ; pas un seul grain par Joseph ni par le Pharaon. Joseph acquérait argent, troupeaux et terres, et il les payait avec du blé produit par ceux-là mêmes qu'il dépouillait.

On appelle cela aujourd'hui astuce financier. C'est dans l'essence même de notre système financier. Plus un pays se développe en produisant des richesses naturelles, plus il s'endette. L'enrichissement national s'exprime par un endettement national. On a seulement perfectionné la méthode. L'intendant ne s'appelle plus Joseph ; il s'appelle Banco.

Il ne fallait pas que les Égyptiens se rendent compte de l'injustice. Il fallait qu'ils prennent l'exploiteur pour un bienfaiteur. On sut y voir.

Dans ce temps-là, il n'y avait en Égypte qu'une classe de gens instruits ; les prêtres. Pas nos prêtres catholiques ; mais les prêtres des idoles de l'Égypte. Le Pharaon, c'était le pouvoir. Les prêtres, c'était l'intellectualité. Il fallait les mettre du côté du pouvoir.

Aussi, les terres des prêtres ne furent pas confisquées. Ils gardèrent leurs terres, sans même avoir besoin de les cultiver, parce qu'ils recevaient un revenu du Pharaon et vivaient de ce revenu. Le peuple payait en sueurs, en taxes et en blé ; les prêtres recevaient les octrois ; le Pharaon avait des défenseurs influents.

Le tout réussit si bien que, non seulement les Égyptiens ne se rebiffèrent pas contre les décisions de Joseph, mais ils s'inclinèrent respectueusement et avec gratitude, en disant : "Nous te devons la vie ! Que nous trouvions grâce devant mon seigneur, et nous serons esclaves du Pharaon."

Les Égyptiens, avilis après avoir été affamés, en étaient venus à considérer leur esclavage comme une faveur, comme une grâce. Il n'y avait pas de créditistes pour les rappeler au sens des réalités, pour leur dire : "La vie, vous la devez à votre blé et non pas à celui qui a volé tout ce que vous aviez." Non. Ils étaient guidés par des bénéficiaires d'octrois, pourvus de revenu par le Pharaon et pourvus de prestige par leur fonction, pour veiller à ce que les esprits se prosternent plus bas que les corps.

C'est ainsi que l'on vit l'étatisation des moyens de production, le socialisme d'État, le planisme, la bureaucratie, les hommes-numéros, trente-huit siècles avant l'an de grâce 1953. (1998)

Cette histoire de confiscations et d'asservissements, vous pouvez la lire dans la Genèse, chapitre 47, versets 13 à 26. Vous n'y trouverez cependant pas les comparaisons avec ce qui se passe aujourd'hui, mais elles sautent à l'esprit.

La technique générale n'a pas changé.

D'abord, créer une situation économique dans laquelle les hommes, le plus grand nombre possible d'hommes, affamés, sont prêts à accepter n'importe quoi pour avoir de quoi vivre. Puis, établir la tyrannie et dépersonnaliser les individus, en prétextant que c'est nécessaire dans les circonstances. On a des formules modernes : les pleins pouvoirs à cause d'une situation anormale. Situation anormale qui se fait perpétuelle, à dessein.

C'est d'autant plus facile aujourd'hui qu'il n'y a plus besoin de vaches maigres naturelles. Les artificielles suffisent. Les famines, modernes, qu'il s'agisse de famines de nourriture, de famines de logement, ou d'autres, sont bel et bien des famines organisées, au moins dans nos pays équipés d'un potentiel de production presque illimité. La sécheresse n'est ni dans le ciel ni dans les champs. Les créditistes chantent : Quand la guerre cesse, L'argent disparaît ; C'est la sécheresse Au porte-monnaie.

Et cette sécheresse-là, la sécheresse du pouvoir d'achat, est tout ce qu'il faut pour faire bénir l'État-providence, l'État-taxeur, l'État-distributeur l'État-acheteur, l'État-vendeur, l'État-assureur, l'État-tout. Et la personne ? La personne, simple numéro dans un fichier.

Plus l'État est loin du peuple, plus le fichier est loin de la personne, plus la bureaucratie est froide, plus les hommes sont la chose des superplannistes dont ils ne connaissent même pas les noms.

Il y avait 46,106 bureaucrates fédéraux en 1939 ; il y en avait 185,137 en 1952.

On s'en va vers le Pharaonisme, appelé aujourd'hui socialisme d'État et dont le terme parfait serait le communisme. (En 1998, on s'en va vers un Gouvernement mondial dictateur et satanique.)

Louis Even

Vers Demain

15 janvier 1953

"À l'homme qui est soumis à la loi terrible du pain incertain, du toit improbable, de l'existence sans cesse précaire, à celui-là, il sera toujours vain d'enseigner l'esprit." Daniel Rops

Louis Even

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