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Un phare de salut

Jean Grenier le dimanche, 01 avril 1945. Dans La vie créditiste

"Phare de salut" — c'est ainsi qu'un patriote septuagénaire, qui signe E.-P. A., appelle l'Union Créditiste des Électeurs. Il écrivait plus particu­lièrement à la suite de l'opposition fructueuse de notre organisation à la nomination d'un Régisseur du logement dans la métropole.

E.-P. A. stigmatise ceux qui, témoins de l'idéal pur et du dévouement sans bornes des créditistes, restent encore à l'écart "par amour-propre. À moins qu'il s'agisse chez eux du vice de l'esprit rétrograde dont parle le Père Sertilanges dans l'un de ses derniers livres. Vice qui n'est en som­me que l'égoïsme soupçonneux de tout autre pro­grès, de tout autre appétit que le sien propre."

Il ajoute :

"Un appréciable service vient donc d'être rendu par l'Union Créditiste des Électeurs, mais ce n'est ni le premier, ni le plus grand. Il faudrait mentionner d'abord le réveil opéré par ce magni­fique groupement d'hommes qui tire d'une léthar­gie mortelle tout un peuple, pour lui redonner confiance en lui-même. Ce sont les projections lumineuses des créditistes sur les misères injus­tifiées des masses, sur le machiavélisme de la dic­tature économique, de ses grands-prêtres, et de tous ceux que hante le désir d'accaparer et d'assu­jettir. Ce sont enfin les encycliques, chartes im­mortelles de justice et d'amour, tirées de leur poussière, pour inspirer des formules concrètes de réalisation.

"Devant la somme des sacrifices consentis, des énergies dépensées, avec l'irréductible volonté de vaincre, l'effort créditiste du Québec, qui se con­tinue inlassable, enthousiaste et impitoyable, peut bien avoir attiré cette réflexion d'un évêque de chez nous causant avec des prêtres de son entou­rage : "le mouvement créditiste est l'effort le plus audacieux, le plus vaste et le plus méritoire du genre qui se soit encore vu pour renverser la dic­tature économique."


Le prisme de Gérard Brady

Certains politiciens voient tout à travers le prisme de leur parti. Certains écrivains jugent tout à travers le prisme de leur amour-propre ou de leur passion.

Gérard Brady, directeur de l'Homme Libre, de Drummondville, s'est servi lui aussi d'un prisme que nous le laisserons définir lorsque, dans sa ré­plique à Edmond Major, dans le numéro du 15 mars de son journal, il écrit :

"Pour ma part, je changerais de revenu avec M. Major, et je me sentirais devenu millionnaire si j'avais celui de M. Louis Even ou une petite partie de ce que perçoit Mlle Gilberte Côté. Je crois qu'on préférera ne pas insister sur ce sujet presque aussi brûlant que le bûcher de l'autre Jeanne d'Arc."

Nous connaissons assez l'état de fortune d'Ed­mond Major et la ténuité de son revenu, pour conseiller à Gérard Brady, pour sa sécurité per­sonnelle, de ne point changer de revenu avec lui. Quelle que soit la modicité des encaissements de Gérard Brady, il perdrait encore au change.

Et pour suivre la gradation donnée comme as­cendante par le directeur de l'Homme Libre, nous en venons au revenu de notre propre directeur, Louis Even. J'ai personnellement eu l'occasion de constater le niveau de vie de la famille de M. Even, à St-Hyacinthe, et je constate tous les jours la manière de vivre de M. Even lui-même à son ouvrage, pour déclarer que les insinuations de Gérard Brady sont du dernier absurde. Quel que soit l'abonnement à Vers Demain, quelles que soient les contributions faites par les créditistes à la propagande et à l'organisation de leur mouve­ment, son directeur touche la même somme fixe chaque semaine pour vivre et faire vivre sa famil­le ; et cette somme est inférieure au salaire qu'il recevrait comme simple typographe à Garden City Press, d'où il est parti volontairement pour se consacrer au Crédit Social. Ce genre de sacrifice dépasse probablement la compréhension d'un journaliste tombé de la lutte pour l'idéal à la chasse aux annonces payantes.

M. Brady rappelle, dans son article, les années où il ouvrait les colonnes de son journal chaque semaine à un article de M. Even. En ce temps-là, M. Brady maniait la plume pour toutes les bon­nes causes. Il s'en est lassé. Lui-même disait un jour à notre directeur : "J'ai fini de me démener pour des idées. Je laisse le tour à d'autres." At­tristant à entendre de la bouche d'un homme encore jeune. Tout de même, libre à lui. Mais qu'il ne cesse pas pour cela d'admettre que d'au­tres puissent encore continuer à placer leurs énergies au service d'un idéal.

Mais, si M. Even est un millionnaire pour M. Brady, Mlle Gilberte Côté est une multi-million­naire. "Je me sentirais devenu millionnaire, dit-il, si j'avais une petite partie de ce que perçoit Mlle Gilberte Côté".

Vous ne pouviez tomber plus mal, cher mon­sieur Brady.. Parce que, si vous touchiez non seu­lement une petite partie, mais tout ce que perçoit Mlle Gilberte Côté, vous ne percevriez pas un sou.

Cela peut vous renverser encore, parce que votre propre enthousiasme est éteint. Mais c'est pourtant un fait indéniable. Depuis sept, ans que Mlle Gilberte Côté consacre au Crédit Social tout son temps, ses forces — et même sa réputa­tion — elle n'a jamais tiré un sou de l'entreprise. Et non seulement cela, mais chaque année, elle aide généreusement la cause de son argent de fa­mille.

Le journal Vers Demain est sur un tout autre palier que l'Homme Libre. Un tout autre objectif, un tout autre moteur. Toute la différence est là.

Vers Demain n'est pas une entreprise à profit. Pas une seule personne n'en a jamais retiré et n'en retire un seul sou de dividende. Les recettes sont employées exclusivement à financer le déve­loppement du mouvement, et c'est pour cela que le mouvement avance. Sans doute que ceux qui doivent y consacrer leur plein temps doivent aussi, de nécessité, en tirer leur minimum vital. Cela fait partie des frais du mouvement. Mais, dans chaque cas, le minimum vital est très infé­rieur à ce que ces mêmes personnes obtiendraient dans un emploi équivalent au service de n'importe quelle compagnie. Et encore une fois, il y a même une exception au minimum vital : c'est le cas de Mlle Côté qui, considérant qu'elle a suffisamment de quoi vivre dans la maison de sa mère, croit, selon l'enseignement de saint Thomas, que tout le surplus, en temps, en énergies physiques et intellectuelles, est dû à la société.

Nous n'avons point l'habitude de proclamer ces choses. Dans les milieux créditistes, on les comprend. Mais ailleurs, ne risquons-nous pas de jeter des perles devant des pourceaux ?

Toutefois, il peut être nécessaire de dénoncer le venin, avant que des faibles ne s'y laissent prendre, faute de renseignements. Et le but du jet de venin de M. Brady perce dans l'alinéa suivant :

"Si les créditistes avaient accès aux livres de comptabilité du mouvement, ils seraient surpris du montant canalisé par des propagandistes à gages et venant des poches de gagne-petit, et je parierais bien ma dernière chemise que le nombre des souscripteurs diminuerait du jour au lendemain ! Et après dix ou douze ans de ce régime, qui donc parmi les fidèles sincères adeptes en a profité réellement, personnellement ou pour la communauté des humains ?"

Ne risquez pas ainsi votre dernière chemise, monsieur. Les créditistes savent à quoi s'en tenir sur le résultat de leurs efforts et de leurs sacrifices.

Vous les insultez en leur demandant quel profit réel ils en ont tiré. Questionnez-les, ils vous répondront. Il est sorti quelques piastres de leur poche, mais il est entré énormément dans leur tête et dans leur cœur. Cela doit bien compter. Les gagne-petit en argent sont devenus des gagne-beaucoup en connaissances et en détermination : leur abonnement à Vers Demain est un placement fructueux. Trouve-t-on de ces fruits-là dans un abonnement à l'Homme Libre ?

Lorsque le journal Vers Demain fit ses débuts, avec pas un sou en caisse en novembre 1939, lorsque son directeur-fondateur devait parcourir les campagnes de la province pour chercher des abonnements, lorsqu'il acceptait de faire vivre sa famille avec un revenu réduit de presque de moitié, personne ne jalousait le journal naissant. Aujourd'hui, on se scandalise de son succès. Il n'aurait jamais atteint le quart de sa circulation avec les vieilles formules mercantiles. C'est un miracle du dévouement, et le miracle continue, parce que le dévouement et l'abnégation conti­nuent, des directeurs jusqu'au plus modeste des membres de l'Institut d'Action Politique.

Le prisme dégoûtant à travers lequel Gé­rard Brady cherche à représenter l'œuvre de Vers Demain fut déjà manipulé par d'autres en une couple d'occasions, toujours à leur propre honte. Tel ce notaire de Québec qui, il y a deux ans et demi, essayait en sourdine de propager la rumeur que Mlle Gilberte Côté et M. Louis Even accumulaient l'argent des pauvres pour partir sous peu et aller mener la vie sous d'autres cieux, abandonnant à leur déception la foule des crédi­tistes de la province de Québec.

Où est la fuite ? Ce sale jeu retombe toujours sur ceux qui s'en servent.

Le dépit d'ambitions contrecarrées, ou l'égoïs­me jaloux du succès des autres, ou la goujaterie politique, ou l'habitude du bourbier, ou le terre-à-terre prolongé d'un esprit atrophié d'idéal, ou plusieurs de ces choses à la fois, rétrécissent la vision, constipent peu à peu le cerveau, faussent le jugement, souillent l'imagination et empoison­nent la langue — ou la plume.

M. Brady n'est pas nouveau dans le journa­lisme. Qu'il entreprenne donc de monter et faire vivre un journal sans annonce ; de renseigner, organiser et mobiliser des dizaines de mille famil­les dans toutes les parties de la province de Qué­bec ; de former un groupe de plusieurs centaines d'hommes prêts à tous les sacrifices pour une cause qu'ils ont comprise ; de constituer le person­nel nécessaire et compétent pour expédier trois à quatre mille lettres par semaines, un autre pour visiter les groupes locaux du nord au sud, de l'est à l'ouest, pour entretenir la flamme en dépit des rebuffades d'adversaires et en dépit de calom­nies de jaloux — qu'il fasse cela, et il nous dira ensuite si c'est la manière de se créer une fortune sur le dos des pauvres.

Jean GRENIER, Secrétaire de l'I.A.P.

Jean Grenier

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