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Un Bill des Droits économiques

le samedi, 01 juin 1946. Dans L'expérience albertaine Aberhart

La Grande Charte

En 1215, le roi d'Angleterre, Jean sans Terre, accorda à ses sujets ce qu'on a appelé la Grande Charte (Magna Carta), qui est le fondement des libertés britanniques.

Avant 1215, les sujets anglais étaient la chose du roi. Depuis 1215, le roi n'agit plus que par ses ministres, soumis à la volonté du Parlement, donc, théoriquement au moins, selon la volonté de ses sujets.

La Grande Charte fut l'affranchissement politi­que des Anglais. Elle proclame les droits politi­ques des citoyens :

Liberté personnelle ;

Inviolabilité de la personne (habeas corpus), nul ne pouvant être emprisonné sans juge­ment ;

Innocence présumée jusqu'à preuve de culpa­bilité ;

Inviolabilité du domicile ;

Liberté d'assemblée ;

Liberté de parole ;

Liberté d'association, etc.

Lacunes de la Grande Charte

Il y a des droits importants que ne mentionne pas la Grande Charte, sans doute parce qu'il n'y avait pas lieu, ou pas possibilité, de les mention­ner à cette époque. Ce sont les droits économi­ques.

Si toute personne a droit à la vie, il faut qu'elle ait par le fait même droit aux biens nécessaires à la vie.

Autrefois, la famille produisait à peu près tout pour ses besoins, ou du moins produisait des biens facilement échangeables contre d'autres. Ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne pouvaient produire les choses nécessaires à leur entretien, tombaient à charge à la charité publique ou à l'association corporative dont ils faisaient partie.

Il était difficile de faire mieux.

Aujourd'hui, l'économie est tout à fait différen­te de cette époque. Les occupations sont très di­versifiées et très divisées. Certaines personnes, par exemple, passent leur vie à poser des boulons sur des châssis d'automobiles ; d'autres à mouler la même pièce de fonte douze mois par année. Évidemment, ces gens ne se nourrissent pas et ne s'ha­billent pas avec les boulons, les pièces de fonte ou autres produits qui résultent de leur travail.

La production est devenue comme une immen­se coopérative à laquelle chaque producteur ap­porte sa partie, et dont le tout est placé devant les consommateurs du pays, chacun étant invité à choisir ce qui lui convient.

Cette manière de produire, surtout avec l'aide de la science et de la machine, est très efficace pour fournir une immense production. On peut dire qu'en temps normal il y a devant les con­sommateurs une abondance de produits pour sa­tisfaire leurs besoins. Encore faut-il que les con­sommateurs aient le droit de puiser à cette abon­dance.

Il paraît donc que le temps soit venu de com­pléter la Grande Charte, en y ajoutant une procla­mation des droits économiques du citoyen : des droits garantissant à chacun une part de cette abondance.

Bill des droits, de l'Alberta

Voilà justement ce que fait le Bill 76 de la session 1946 du Parlement provincial de l'Alberta.

L'Alberta est le premier pays au monde qui ait complété par loi la Grande Charte de 1215. Le Bill 76 répète sommairement l'énoncé des droits politiques du citoyen de l'Alberta, mais y ajoute immédiatement les droits économiques.

Si cette loi est appliquée, chaque citoyen de l'Alberta sera assuré au moins du nécessaire pour vivre, quelles que soient les circonstances dans lesquelles il se trouve, aussi longtemps que sa province sera capable de fournir des produits et des services en suffisance.

Ce sera pour le citoyen de l'Alberta la quiétude de l'esprit, la fin des soucis du lendemain, l'assurance du pain quotidien pour lui et les membres de sa famille, toute la vie durant.

L'enfant recevra en naissant l'assurance des nécessités de la vie, le droit aux soins médicaux adéquats, le droit à l'instruction.

Oui. Jusqu'à l'âge de 19 ans, l'enfant sera soigné en maladie, sans qu'il en coûte un sou à ses parents. Il fréquentera l'école primaire, puis le high school, aussi gratuitement. S'il manifeste du goût et des aptitudes pour une éducation technique ou univer­sitaire, il en bénéficiera, quel que soit l'État de for­tune des parents.

L'autre période de la vie s'étend de 19 à 60 ans. Pendant cette période, tout citoyen de l'Alberta a droit à une occupation lucrative de son choix. Et cette occupation doit lui rapporter au moins $600 par année.

Si, pour une raison ou pour une autre, le citoyen ne trouve pas ce minimum vital par un emploi lucratif, cette somme lui est garantie à titre de pension de sécurité.

Le père et la mère sont donc assurés, à eux deux, d'au moins $1,200 de revenu par année.

À partir de l'âge de 60 ans, le citoyen peut se retirer du marché du travail et recevoir chaque année une pension d'au moins $600, et, en plus, les soins médicaux gratuits.

Le même privilège est accordé aux citoyens in­valides, même s'ils n'ont pas 60 ans.

Le Bill des Droits définit ainsi soins médicaux :

toute hospitalisation et toute opération chirur­gicale, tout service de médecin ou de dentiste, requis par le cas du malade, ainsi que tous soins rendus par un praticien reconnu. Ces services ne coûteront rien jusqu'à l'âge de 19 ans, ni après l'âge de 60 ans, ni pour les personnes invalides, quel que soit leur âge.

Par le travail ou autrement

On voit que le Bill des Droits de l'Alberta ga­rantit le minimum vital, soit par le travail, soit autrement. Mais il le garantit, du berceau à la tombe.

La seule condition pour y avoir droit : être né. La seule circonstance pour y mettre fin : mourir.

Et cela sans enrégimentation. Le bill stipule expressément que le citoyen est libre d'accepter ou de refuser telle ou telle chose, tant qu'il reste dans les limites de la loi et ne nuit pas à la même liberté chez les autres.

Quelques questions

Parlant à la radio le 17 avril, l'Honorable Man­ning, premier-ministre de l'Alberta, après avoir expliqué ces points du Bill des Droits, posait les simples questions suivantes :

    1. Ces droits du citoyen sont-ils justes et raisonna­bles ? Correspondent-ils bien à ce que chaque citoyen de l'Alberta ou du Dominion considère convenable ? Sinon, en quoi peuvent-ils être amendés ?

    2. Les ressources humaines et matérielles de la province sont-elles suffisantes pour rendre pos­sible le niveau de vie garanti à chaque citoyen par le Bill des Droits ?

    3. Êtes-vous d'avis que notre capacité de pro­duction ne doit être limitée que par nos besoins

et nos possibilités, et non pas par une rareté in­justifiable d'argent fabriqué de main d'homme ?

    4. Êtes-vous d'avis que le peuple de cette province doive en tout temps posséder tout le pouvoir d'achat nécessaire pour se procurer toute la production de sa province, ou l'équivalent im­porté de la production exportée ? Et êtes-vous d'avis que, pour garantir cette suffisance de pouvoir d'achat, l'expansion nécessaire de crédit financier doive être contrôlée par le peuple de cette province, par l'entremise de son gouver­nement ?

C'est la sécurité sociale

Nous ne croyons pas que personne puisse atta­quer les principes énoncés dans le Bill des Droits.

Au système de soins médicaux payés par l'État, nous aurions préféré le régime de généreux divi­dende à chaque citoyen, car nous chérissons la pleine liberté dans l'application du revenu, atten­dant seulement de la société qu'elle garantisse un revenu suffisant à chacun. Nous verrions mieux chacun se servir de son propre jugement et de sa propre initiative pour affecter une partie adéquate de son revenu au soin de sa santé. Ou encore, nous serions mieux en faveur de coopératives de santé, librement établies par des citoyens doués de reve­nus suffisants ; cette association stimulerait chacun de ses membres à l'hygiène et aux soins préventifs, et la malchance advenant à l'un d'eux serait adou­cie par la répartition des frais sur l'ensemble des coopérateurs.

Mais, tel qu'il est, le Bill des Droits est déjà une innovation remarquable, que nous saluons avec admiration. C'est une véritable charte de sécurité sociale sous l'égide de la province.

L'économique doit servir les besoins temporels des hommes ; la finance doit servir l'économique ; et la politique doit veiller à ce qu'il en soit ainsi.

C'est toute la raison d'être du Bill 76.

Dans sa deuxième partie, le Bill introduit un mécanisme financier pour garantir ces résultats. (Voir commentaires en page 5.)

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