EnglishEspañolPolskie

Trois manières - Votre choix ?

Louis Even le jeudi, 15 juillet 1943. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

La situation

Plaçons-nous en 1945. La guerre est finie depuis novembre 1944. Une couple de cent mille soldats sont restés à l'armée pour assurer l'observance du traité de paix. Les 600,000 autres ont réintégré leurs foyers. Presque toutes les usines de guerre ont cessé la production d'engins de destruction. Plusieurs d'entre elles, après s'être allégées d'une partie de leur personnel, se réorientent vers la pro­duction de choses utiles.

Voilà du coup un million et demi d'hommes qui prennent le chemin des fermes, de l'industrie civile ou du chômage.

La main-d'œuvre augmentée sur les fermes, et la température aidant, les récoltes sont plus fortes que jamais. La production manufacturière rame­née aux choses utiles, avec le bénéfice des inven­tions développées pendant la guerre, les produits manufacturés lancés sur le marché sont plus abon­dants que jamais.

En face de cette abondance, comment va se com­porter le pouvoir d'achat ?

Les fils d'agriculteurs revenus de l'armée chez leurs parents ne touchent plus de solde, ne sont plus habillés ; pourtant, par leur travail, ils aug­mentent la production agricole. Ils augmentent la production, avec un pouvoir d'achat diminué.

L'industrie continue de payer des salaires, mais à moins de personnes que pendant la guerre, et elle place pourtant sur le marché plus de choses ven­dables que pendant les cinq années de guerre.

Quant aux sans-emploi, ils ne produisent rien et ne touchent aucun pouvoir d'achat, ce qui ne les empêche pas d'avoir besoin de manger pour vivre.

Résultat net : augmentation de production avec pouvoir d'achat diminué. Plus de produits à ven­dre que pendant la guerre ; mais moins d'argent distribué aux consommateurs qui auraient besoin de ces produits.

De quelle manière va-t-on résoudre la situation ?

Manière anarchique

Il y a la manière anarchique, celle qui ne résout rien, parce que jamais l'anarchie n'a réussi l'ordre.

L'anarchie dont nous parlons ici, c'est celle que nous avons connue, pendant les années où l'abon­dance s'étalait sous les yeux de ceux qui crevaient de faim.

La manière anarchique, c'est la manière ban­caire. Parfaitement anarchique, parce qu'elle est en contradiction avec les faits, comme elle est en contradiction avec l'objectif social.

La manière anarchique, c'est d'attendre que l'argent augmente dans la circulation par les em­prunts de quelques industriels assez audacieux pour lancer des entreprises nouvelles alors que le tiers peut-être des usines chôme depuis que la guerre n'engloutit plus la production. Ou encore par les emprunts de quelques gouvernements qui vont occuper les bras sur la voirie ou ailleurs, et endetter le pays envers les banquiers, pour permet­tre aux crève-faim d'avoir quelques morceaux de l'abondance produite par le pays (non pas par les banquiers).

Cette manière-là, le monde n'en veut plus.

S'il faut que chaque développement agricole et industriel se traduise par une dette, il est aussi bien de cesser tout développement productif et de se mettre en neuvaine pour qu'une autre guerre se déchaîne sur le monde.

L'anarchie monétaire du système rothschildien, le non-sens financier, le progrès matériel paralysé ou financé par une usure dévorante, ont vécu et dégoûté les peuples. La guerre a démontré qu'il faut mettre ces restrictions de côté pour défendre sa vie ; va-t-on les reprendre pour abaisser le ni­veau de vie du temps de paix au-dessous du niveau de vie du temps de guerre.

Nous ne croyons pas qu'aucun gouvernement puisse tenir en selle en revenant à l'inertie coutu­mière d'avant-guerre. Ce serait la révolution à brè­ve échéance, et elle serait parfaitement justifiée. Après s'être fait dire, pendant cinq ans, qu'un peu­ple a le droit, et le devoir, de tuer un ennemi qui le menace de l'extérieur, on croira certainement avoir le droit, et le devoir, d'immobiliser, même violemment si c'est nécessaire, les ennemis inté­rieurs qui interdisent au peuple l'accès aux pro­duits de son pays.

Manière socialisante

Mais il y a une autre manière de faire face à la situation. C'est la manière employée par Hitler dès 1934. C'est la manière que rendrait possible au Ca­nada la perpétuation du service sélectif.

Des politiciens, bouchés avant la guerre, ont appris une chose pendant la guerre : à passer outre à l'absence de fonds et à exploiter à plein les res­sources humaines et matérielles du pays. Ils l'ont fait pendant la guerre au moyen de la finance défi­citaire, en haussant simplement le plafond de la dette nationale. Ils peuvent continuer par la même méthode après la guerre. Ils peuvent aussi, en pre­nant à leur propre compte l'émission de l'argent et du crédit, arriver au même résultat sans endetter davantage le pays.

Mais, dans l'un ou l'autre cas, ces politiciens-là voient la solution dans l'embauchage de la main-d'œuvre disponible par le gouvernement, pour des travaux qui ne se vendent pas. L'argent ainsi dis­tribué aiderait, à acheter les produits vendables sor­tis de l'industrie privée.

Autrement dit, le gouvernement se constitue­rait propriétaire et usager de l'argent nouveau, ré­sultant soit d'un accroissement de la dette natio­nale, soit d'une émission nationale directe. Il s'en constituerait propriétaire et premier usager. De sorte que c'est lui qui dicterait les activités du tra­vail disponible.

Et comme tout progrès mécanique, toute nou­velle application de la science libère de plus en plus du labeur humain tout en augmentant la pro­duction, cela voudrait dire que le progrès jetterait de plus en plus les travailleurs à l'emploi du gou­vernement.

Ce serait la marche vers le socialisme d'État, à moins que l'humanité fasse machine en arrière vers les méthodes de travail à la main.

Cette manière socialisante n'est pas pour dé­plaire aux gouvernements des régimes démocra­tiques, qui y voient un fameux moyen de se lier des électeurs. Plus on dépend du gouvernement pour son gagne-pain, moins on est libre de son vote, de ses paroles ou de ses écrits.

Le progrès aurait ainsi comme résultat la perte de la liberté. Le pain sur la table s'achèterait au prix de la liberté. Travail forcé et assurance de trois repas par jour : exactement comme les escla­ves d'autrefois ; mais avec l'aggravation que, cette fois, c'est le gouvernement qui est le maître et les citoyens esclaves. Et le gouvernement est autre­ment puissant qu'un particulier.

Faut-il s'être battu pendant cinq années contre les dictateurs d'Europe pour accepter l'orientation vers un régime semblable chez nous ?

C'est tout de même vers cela qu'on va. On y va à grands pas, et l'on assure que cette manière so­cialisante est le seul moyen d'éviter la manière anarchique qui ne règle rien.

Et pourtant, il y a une autre manière. Il est temps et grand temps de la crier sur les toits, sur les places publiques, dans les enceintes des parle­ments, et surtout dans les oreilles de chaque élec­teur, car c'est de l'électeur que viendra la vérita­ble conversion des politiciens. Et cette troisième manière, c'est simplement la manière créditiste.

La manière créditiste

La manière créditiste prend les faits, les hommes, les objectifs. Elle regarde les biens, les besoins en face de ces biens, et établit le lien le plus rapide — et sans détour, et sans chaînes — pour que les biens viennent joindre les besoins. C'est la véritable fin de l'économique.

Dans le cas 1945 :

La production totale augmentée nécessiterait pour son écoulement facile des uns aux autres une augmentation totale de pouvoir d'achat au cours de l'année. Supposons que cette augmentation né­cessaire soit estimée à 1,400 millions de dollars.

La manière la plus rapide d'augmenter le pou­voir d'achat global de 1,400 millions au cours d'une année, c'est certainement d'ajouter $120 au revenu annuel que chaque citoyen gagne par son salaire ou autrement. Soit $10 par mois.

Cela s'appelle dividende national, si c'est re­mis directement à chaque individu. Cela s'appelle escompte compensé, si c'est remis aux individus sous forme de rabais sur les prix à payer pour leurs achats, le gouvernement compensant le marchand.

De l'une ou l'autre façon, ou par une combinai­son appropriée des deux, ce sont les consomma­teurs qui bénéficient directement de l'argent nou­veau créé par le gouvernement, ou par une com­mission gouvernementale, pour faire face à une augmentation de production.

Le gouvernement crée donc l'argent nouveau, mais n'en est ni le propriétaire ni le premier usa­ger. Cet argent va aux consommateurs eux-mêmes. Et c'est pourquoi les consommateurs vont, par leurs achats, dicter eux-mêmes à la capacité de pro­duction les choses qu'ils veulent en obtenir.

Si le gouvernement veut aussi des choses, il re­demandera aux citoyens, soumis à l'approbation du parlement, tels crédits dont il a besoin. Ce sera la sauvegarde de la démocratie. Ou plutôt ce sera la première fois que la démocratie fonctionnera vé­ritablement,libre de toute dictature.

La dictature des banquiers n'est plus acceptable. Nous ne voulons pas davantage de la dictature d'État. Nous voulons la sécurité économique per­mise par l'abondance de production, mais tout en gardant la liberté politique.

*    *    *    *

La manière anarchique des banquiers empêche la sécurité économique en mettant le progrès sous clef.

La manière socialisante permet une certaine sé­curité économique, mais en mettant la liberté per­sonnelle sous clef.

La manière créditiste garantit à la fois la liber­té personnelle et la sécurité économique.

Le choix n'est pas difficile à faire. Mais la pre­mière manière a une force à son service. La deuxiè­me manière a aussi une force à son service. La troi­sième manière n'aura à son service que la force des citoyens qui s'organiseront eux-mêmes pour la revendiquer.

Louis Even

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.

Panier

Dernière parution

Infolettre & Magazine

Sujets

Faire un don

Faire un don

Aller au haut
JSN Boot template designed by JoomlaShine.com