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Quand les banquiers parlent

le dimanche, 01 août 1937. Dans Cahiers du Crédit Social

"La production régit le pouvoir d'achat" — Tel était le titre d'un article en deux colonnes dans la "Presse" du 17 juin. En sous-titre : Intéressante causerie de M. Beaudry Leman au club Kiwanis St-Laurent.

Après avoir énuméré les noms de quelques gros personnages, présents, à partir du sénateur Casgrain, en passant par les honorables Pamphile Du Tremblay et Georges Simard, jusqu'au vice-président de la Montreal Light, Heat & ; Power Co., le journal dit : M. Leman avait choisi comme sujet de sa causerie : "La pénurie au sein de l'abondance."... Nous voilà en atmosphère Crédit Social ! Beaudry Leman serait-il devenu créditiste ? On va voir.

"Le pouvoir d'achat d'une unité monétaire, dit-il, est basé sur la quantité et la qualité des marchandises." Ce serait juste moyennant des déterminatifs. Tel que rapporté, c'est imprécis et dénué de sens. S'il veut dire : sur la quantité, la qualité et l'utilité des marchandises par rapport au volume de la monnaie, nous sommes avec lui. Placez un total de 10 tonnes de bonne et utile marchandise en face d'un total de monnaie de $100, dans un cas, et dans un autre cas, la même quantité, la même qualité et la même utilité de marchandise en face d'un total de monnaie de $200 ; il nous semble que l'unité monétaire du second cas sera dépréciée par rapport à celle du premier. C'est sans doute ce que le conférencier signifiait, ou même exprimait, si le journaliste a estropié son compte rendu.

Continuons : "Il est absolument impossible d'augmenter le pouvoir d'achat dans un milieu sans le diminuer ailleurs — c'est un fait mathématique qu'aucune manipulation monétaire ne peut affecter." Le président de la Banque Canadienne-Nationale pense ainsi gifler les Créditistes, il se gifle lui-même, puisque immédiatement après, citant Ezekiel (pas le prophète juif, mais un économiste américain), il appuie sur le fait que la production régit le revenu, le pouvoir d'achat. Ne peut-on pas augmenter la production dans un milieu sans la diminuer ailleurs ? Alors, que signifie votre galimạtias ?

Pour nous prouver qu'un gouvernement ne peut distribuer l'abondance en augmentant le volume de la monnaie, il nous cite le cas du gouvernement de Moscou qui, voyant le peuple russe face à la famine, s'est emparé des biens de la terre au lieu de faire une émission monétaire, "S'il avait suffi d'une émission de monnaie pour empêcher la famine en Russie, le gouvernement russe l'aurait certainement faite."

Pourquoi cette réflexion et que vise-t-elle ? Quel rapport y a-t-il entre une émission de monnaie pour distribuer une abondance qui existe et une émission de monnaie pour tirer un peuple de la famine résultant du manque de denrées ? Jamais les partisans de la réforme monétaire, les créditistes du moins, qui ont un peu plus de jugement que ne leur en suppose M. Leman, et s'expriment avec beaucoup plus de logique que lui, n'ont demandé une émission de monnaie pour remplacer la production.

Après la Russie, l'Allemagne ! "Le chancelier Hitler, connaissant les résultats d'une des plus grandes expériences jamais tentées... en inflation monétaire, a publiquement déclaré que c'est chercher à se tromper soi-même que d'augmenter les salaires sans augmenter la production.” Il y a beaucoup de sens dans la déclaration d'Hitler... Il faudrait la compléter en ajoutant que, si la production augmente, le pouvoir d'achat effectif doit s'accroître parallèlement pour toujours l'équilibrer, autrement elle va s'arrêter. Les argents distribués en cours de production ne suffisent pas à établir cet équilibre, à cause surtout de l'appétit désordonné et déréglé de la sangsue bancaire ; une économie vraiment humaine ferait, selon les besoins, une injection de pouvoir d'achat libre de la ficelle bancaire, directement au consommateur, pour combler la différence. Mais c'est pure, hérésie aux yeux de notre économico-banquier.

Il saute en France et nous cite le ministre de l'Économie Nationale du cabinet Blum : "Nous devons augmenter la production. C'est le mot d'ordre que chacun doit faire sien. Sans cela, toute diminution des prix de revient et toute amélioration des conditions de travail des classes ouvrières sont impossibles et irréalisables. De cette augmentation de la production dépend entièrement le retour à la prospérité économique et l'établissement du bien-être général au pays." (Discours du 12 janvier 1937). :

Beau discours ; mais à remarquer que c'est aussi le gouvernement français qui, il n'y a pas si longtemps, dans des décrets-lois, décidait la mort de 286,000 vaches et l'arrachage de 156,000 hectares de vigne, pour "assainir” le marché, c'est-à-dire pour faire monter les prix ! Toujours le gouvernement français qui, trouvant excédante la récolte de blé de 1934, achetait 20,000,000 de quintaux de blé aux paysans et faisait dénaturer ce blé à l'éosine et au bleu de méthylène pour le rendre inconsommable.

Faut-il voir imbécillité ou moquerie dans les déclarations de tous ces politiciens soumis au même système financier si cher à notre Beaudry-Leman ?

Et pourquoi nous transporter si loin ? N'avons-nous pas, chez nous, nos chômeurs, nos ouvriers jetés sur le pavé, parce que la production ne se vendait pas ?... Augmentez la production !

Le conférencier prend comme sujet de sa causerie : La pénurie au sein de l'abondance. Il reconnaît donc la pénurie de consommation et l'abondance de production et, comme remède il vous prône l'augmentation de la production !

 Cultivateurs qui ne pouvez écouler vos produits, qui revenez du marché avec la moitié des légumes que vous y avez portés, vous vous plaignez de ne pouvoir acheter d'habits et de chaussures à cause de la mévente de vos propres produits : le remède ? Cultivez... davantage, augmentez votre production !...

— Mais il nous en reste !

—Ça ne fait rien, augmentez votre production. Le banquier Beaudry-Leman vous le dit — et ses confrères ne pensent pas autrement.

Industriels des villes, vous ne pouvez acheter la production des cultivateurs, parce que vos propres produits ne se vendent pas ; le remède ? Augmentez votre production, fabriquez plus de vêtements et de chaussures. Le banquier Beaudry-Lemän vous le dit et ses confrères ne pensent pas autrement.

Ô sainte Phynance, tes voies sont insondables pour les petits écervelés que nous sommes !

Le pouvoir d'achat doit être régi par la production et il le sera sous un régime de crédit social ; il ne l'est pas sous un régime de crédit bancaire. La production battait son plein en 1929 ; le système bancaire a soudain comprimé les crédits ; la production est tombée... pour cause. Et c'est un banquier qui vient nous prêcher la production pour rétablir le pouvoir d'achat. Il nous semble entendre un dynamitard qui vient de faire sauter un pont dire, d'un air savant, aux citoyens embarrassés pour la circulation : "Pauvres arriérés, si vous voulez traverser la rivière, il n'y a qu'un moyen, bâtissez donc un pont !..."

Ces contrôleurs de notre crédit social, ces saboteurs de nos industries nous mettent en garde contre les dangers de l'inflation dès qu'on réclame un système monétaire plus humain et moins idiot.

Ce sont eux qui pratiquent l'inflation ou la déflation, à grosses ou petites doses, se jouant du patient tant qu'il ne meurt pas. À quelle production étaient liés les huit milliards et demi de crédit placés à la disposition des spéculateurs à la Bourse de New-York par le système bancaire à l'été de 1929 ? Et à quelle diminution de production fut liée la contraction de ces crédits à leurs tiers à l'automne de cette même année ?

Aų reste, nous sommes pour la production, mais nous envisageons le sujet autrement que vous, cher Leman. Nous voulons la production pour la consommation. C'est la consommation rendue possible, non vos discours, qui activeront la production. Quoi qu'en dise le collègue de Blum sous la tutelle de la Banque de France, c'est à la partie consommation qu'il faut placer le baromètre pour mesurer le degré de prospérité du pays. C'est le niveau de vie du consommateur qui compte. Et ce niveau de vie ne doit pas dépendre de la petite communauté financière.

La bancocratie nous a fait et nous fait encore beaucoup souffrir. Nous n'avons pas de directives à prendre d'elle. Elle s'est tue pendant qu'elle nous volait notre crédit social, qu'elle continue de se taire pendant que nous liguons les forces vives de la société pour reprendre le contrôle de notre crédit.

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