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Pour combattre efficacement l’inflation

Louis Even le samedi, 01 janvier 2022. Dans Crédit Social

Un escompte sur les prix remboursé au marchand

Puisque l'inflation est dans les prix, c'est sur les prix, et non ailleurs, qu'il convient d'agir.

Est-ce à dire qu'il faille fixer les prix par décret du gouvernement ? — Pas du tout. Les prix sont affaire des producteurs, des intermédiaires, des marchands.

Le producteur, par exemple, doit inscrire, dans le prix des produits qu'il livre au grossiste, tous ses frais de production, la dépréciation de son outillage y comprise, plus son profit, qui est aussi légitime pour lui que le salaire l'est pour l'employé.

De même pour le grossiste, de même pour le détaillant. Les prix sont affaire de comptabilité ; et nul n'est plus compétent pour les établir que ceux qui assument les frais de production, de manutention, de transport, de ventes.

Alors, comment abaisser les prix ? Comment le faire sans nuire à ceux qui doivent récupérer leurs frais de production avec un profit légitime ?

Cette question a été étudiée et une proposition concrète offerte par l'Écossais C. H. Douglas, fondateur de l'école créditiste. Douglas abordait le problème en ingénieur qu'il était, concevant les moyens en fonction des fins — et non pas en esclave de formules désuètes, avérées inefficaces. Il y a déjà un peu plus de 100 ans de cela. Si sa proposition avait été adoptée alors, on n'aurait pas eu à déplorer la grande crise des années 30, ni l'inflation croissante d'aujourd'hui, ni bien d'autres non-sens économiques dont les effets ont causé et causent des maux incalculables.

En quoi donc consiste cette proposition du Crédit Social, ou démocratie économique ? — Elle consiste à établir deux prix :

Le prix comptable, par les méthodes courantes ;

Le prix escompté et, compensé — l'acheteur ne payant que le second.

L'introduction d'un double prix ne serait pas une innovation. Tout le monde est déjà familier avec la pratique d'un double étiquetage ; par exemple : prix régulier, 80,00 $ ; « prix spécial » pour cette vente, 64,00 $. Le « prix régulier », 80,00 $, c'est le prix comptable. Le « prix spécial », 64,00 $, c'est le prix escompté. L'escompte, le rabais, est ici de 16,00 $, soit 20% du prix comptable.

Dans ce cas, c'est évidemment le marchand qui fait les frais de l'escompte. Il le fait pour stimuler la vente de produits dont l'écoulement languit. Son profit sera moindre, peut-être minime, mais mieux que rien. Il peut aussi avoir pris des arrangements avec le grossiste ou avec le producteur pour un partage de ce sacrifice de profit. De toute façon, il y a dans ce cas particulier une véritable déflation du prix à payer par l'acheteur, une déflation de 20 pour cent.

Eh bien, la méthode proposée par le Crédit Social utiliserait, elle aussi, le double prix, mais avec ce perfectionnement que l'escompte serait généralisé, qu'il porterait sur tous les produits, serait au même pourcentage pour tous et serait compensé au vendeur. Autrement dit, le vendeur toucherait son prix comptable, mais l'acheteur ne paierait que le prix escompté.

Cet escompte général appelé par les créditistes escompte national compensé, pourrait varier d'un terme à l'autre, selon la situation de l'économie, mais il s'appliquerait à tous les comptoirs de détail, indistinctement.

La question qui se pose est : par qui, et comment l'escompte sera-t-il compensé au vendeur, si le vendeur doit toucher son plein prix ?

Par un organisme monétaire approprié

Disons tout de suite que la désignation du taux de l'escompte et la compensation au vendeur seraient faits par un organisme monétaire établi par le gouvernement, mais indépendant du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions, déduisant mathématiquement le taux de l'escompte des statistiques périodiques de la production et de la consommation, donc sans la moindre ingérence politique ni influence d'intérêts privés. Ce serait quelque chose comme l'organisme judiciaire, où les juges sont nommés par le gouvernement, mais rendent leurs jugements d'après des lois qu'ils n'ont pas faites et sur la preuve de faits dont ils ne sont point les auteurs.

Cet organisme monétaire pourrait être une adaptation fonctionnelle de la Banque du Canada, ou être une fonction des banques à charte agissant dans ce cas comme agences de la société, ou tout autre appareil approprié à cette fin.

Sur présentation périodique des bordereaux de ventes attestant l'escompte accordé aux clients, l'organisme créditerait le marchand du montant de cet escompte. (L'inverse de la taxe de vente, que les marchands doivent collecter de leurs clients et remettre au gouvernement : donc, opération plus agréable, sans plus de complication.)

Ces crédits octroyés aux marchands, pour combler un vide monétaire, reposeraient exactement sur la même base que les crédits créés et prêtés par les banques à des emprunteurs sur la capacité de production du pays, qui est un bien national, et non pas un bien bancaire. Base sans laquelle tout l'argent du monde ne vaudrait rien, mais base qui reste inutilisée quand il n'y a pas de crédit financier pour permettre sa mise en œuvre. La meilleure preuve de ce fait, c'est que la restriction du crédit financier diminue les activités productrices, alors même que la capacité de production est toujours là.

La base disponible pour des émissions de crédits comprend toute la différence entre la capacité totale de production du pays et la capacité totale de payer dont dispose la population. Or, les crédits proposés comme compensation d'escomptes sont loin de couvrir tout ce champ, puisqu'ils tiennent compte, non pas de toute la capacité de production, mais seulement de la production déjà réalisée et offerte aux consommateurs, et seulement si cette production convient aux consommateurs puisqu'il faut qu'elle soit vendue pour qu'il y ait escompte.

— Mais l'inflation ? Ces crédits libérés ne contribueraient-ils pas à l'activer au lieu de l'éteindre ?

— Il ne peut y avoir d'inflation là où il y a déflation. Il ne peut y avoir augmentation de prix quand il y a diminution de prix.

L'erreur commune est d'appeler inflation tout accroissement d'argent dans la circulation. Il peut y avoir lien à inflation quand l'émission de crédit entraîne comme conséquence une augmentation des prix. C'est assez le cas des émissions faites sous forme de prêts bancaires à intérêts : l'intérêt est facteur d'inflation, puisqu'il faut l'ajouter au prix. Mais une émission subordonnée à un abaissement des prix devient facteur de déflation, et non pas d'inflation.

Une objection peut demeurer : le vendeur ne va-t-il pas grossir son prix comptable, puisqu'il est assuré de récupérer tout ce prix, l'escompte étant lui-même plus gros quand le prix est plus élevé ?

Réponse — Premièrement : la concurrence entre vendeurs continuerait de jouer, tant pour les prix que pour la qualité des produits. Les acheteurs n'iront pas où les prix sont plus élevés. Or, sans vente, le marchand ne touche ni le prix escompté ni l'escompte.

Deuxièmement : Une augmentation de pouvoir d'achat atteignant ainsi les consommateurs, sans passer par l'industrie, n'affecte aucunement le coût de revient. Pourquoi donc le prix monterait-il ? La difficulté à comprendre cela vient de ce que, aujourd'hui, tout argent entrant en circulation passe par l'industrie, donc entre dans les prix.

Troisièmement : Si toutefois, malgré la concurrence, on devait constater des abus en certains endroits, rien n'empêcherait d'insérer une clause protectrice dans les modalités de la compensation. Cette compensation est faite au nom de la société, et elle profite au marchand autant qu'à l'acheteur. La société peut donc exiger que les bénéficiaires conviennent de s'en tenir à un pourcentage raisonnable de profit dans l'établissement de leurs prix comptables. La sanction serait la perte du privilège d'escompte ce qui ferait certainement les acheteurs aller là où l'escompte demeure, chez les vendeurs respectueux de l'équité.

Louis Even

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