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Paix, abondance et liberté par le Crédit Social

Louis Even le vendredi, 15 juin 1945. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Guerre et conscription

On a pu le constater pendant la campagne élec­torale, dès qu'ils sortent du domaine de la fiscalité, dans notre province au moins, les politiciens en quête de votes s'escriment surtout à parler contre la conscription et pour l'indépendance du Canada.

L'indépendance du Canada et l'anti-conscription­nisme répondent sûrement aux désirs de la grande majorité des Canadiens français. Mais il ne faut pas oublier que quarante autres nations, indépen­dantes depuis longtemps, sont tout de même en­trées dans la grande boucherie malgré leur indé­pendance  ; et que nos voisins du Sud, aussi amants que nous de la liberté, ont eu une conscription en­core plus rigide que la nôtre.

Nous, créditistes de Nouvelle-France, sommes autant que quiconque en faveur de l'indépendance totale du Canada, tout comme nous sommes en faveur de l'autonomie complète de la province de Québec, de l'autonomie de la famille et de l'auto­nomie de chaque personne.

Mais nous savons fort bien que toute indépen­dance ou toute autonomie, pour être réelle et s'exercer effectivement, nécessite d'abord l'indé­pendance financière. Dans le monde moderne, la servitude financière signifie la paralysie ou l'escla­vage dans tous les domaines d'ordre temporel.

Quant à ce qui est de la participation aux guer­res et de la conscription qui en découle, il faut bien se rendre à l'évidence, aucune guerre moderne dans laquelle trempe une grande nation ne peut être circonscrite en territoire. Les premiers essais de chars d'assaut à la fin de la première guerre sont devenus des cavaleries perfectionnées de chars puissants au début de la deuxième. Les premiers essais de bombes volantes et de bombes-fusées qui ont marqué la fin de la présente guerre seront des torrents de feux volants lancés à travers les océans dès le début de la prochaine. Il n'y a pour tout pays qu'un moyen d'y échapper  : faire en sorte qu'il n'y ait plus de guerre. C'est alors seulement que la conscription sera chose vécue.

Que sert-il de parler avec véhémence contre la conscription et contre les mesures de guerre, si l'on ne s'occupe pas surtout de détruire les causes de guerre  ?

Les causes des guerres modernes

Les causes des guerres modernes sont surtout d'ordre économique. Prenons un exemple qui n'est pas tout à fait de l'invention pure, même si, pour la clarté, nous le réduisons à une forme rudimen­taire  :

L'Allemagne a besoin de pétrole. L'Angleterre n'en manque pas, parce qu'elle possède de riches concessions en divers pays.

L'Allemagne se tourne donc vers l'Angleterre  : Je veux du pétrole.

— Très bien, répond l'Angleterre  ; je puis vous en vendre autant que vous voudrez bien en payer.

— Je vais vous payer, répond l'Allemagne, avec des marks allemands qui vous permettront d'ache­ter les produits de l'industrie allemande.

— Ah  ! non, répond l'Angleterre. Si vos pro­duits entrent en Angleterre, les ouvriers anglais vont chômer. L'entrée de vos produits chez nous va nous appauvrir au lieu de nous enrichir. Payez en or.

— Je n'ai pas d'or.

— Alors, ne payez pas, mais nous aurons des cré­ances sur vous. Avec ces créances, des capitalistes anglais vont aller établir des industries chez vous, y employer vos hommes et se payer en profits.

— C'est une insulte, répond l'Allemagne. Nous ne permettrons pas à des étrangers d'exploiter nos ressources et notre capital humain. Nous avons nous aussi des bras à employer, mais nous les em­ploierons nous-mêmes. Et puisque vous ne voulez pas de nos bons produits pour payer votre pétrole, nous allons faire d'autres produits que nous vous imposerons de force  : des bombes, des obus, des avions bombardiers, des chars d'assaut. Puis nous irons chercher de force le pétrole que vous ne vou­lez pas échanger contre nos produits de paix.

Le remède

Si l'Angleterre avait chez elle un régime de dis­tribution de l'abondance, les Anglais auraient tout l'argent anglais qu'il leur faut pour acheter toute la production anglaise. Lorsque l'Angleterre four­nirait du pétrole à l'Allemagne, elle serait contente d'obtenir en échange des produits allemands. Les Anglais emploieraient à acheter les produits alle­mands l'argent qu'ils n'emploient pas à acheter le pétrole britannique vendu à l'Allemagne. Anglais et Allemands pourraient travailler moins dur et avoir davantage  ; des loisirs remplaceraient la pré­paration à la guerre. Et le monde aurait la paix.

Les deux côtés seraient satisfaits par cet échan­ge facile des surplus réels de chaque pays.

Mais à cette petite condition  : que, dans chaque pays, la population ait un pouvoir d'achat global égal à sa production globale. Et le premier pays qui établira ce régime sera le premier à en jouir et à se faire des amis des autres nations, en même temps qu'il posera un exemple si attrayant que tous les autres voudront l'imiter.

Hélas  ! ni l'Angleterre ni aucun autre pays n'a encore osé décréter que sa population aura des droits d'acheter égaux à sa capacité de produire.

On sait bien, par exemple, qu'au Canada, les produits abondaient ou pouvaient abonder avant la guerre, mais l'argent pour les acheter n'était pas entre les mains des Canadiens.

Comme quoi le problème de la paix dans le mon­de rejoint le problème de la distribution de l'abon­dance. Le pays qui mettra dans ses propres famil­les un pouvoir d'achat au niveau de sa propre pro­duction, aura plus fait pour la paix universelle que tous les pourparlers de San Francisco et que tous les canons de tous les arsenaux du monde.

La distribution de l'abondance

En économique, pour le bien des habitants du pays comme pour la paix entre les pays, c'est donc la distribution de l'abondance qui devrait être la première préoccupation de tout gouvernement.

Or, seuls, les créditistes réclament la distribution de l'abondance. Les autres groupes politiques, an­ciens ou nouveaux, réclament seulement de l'em­ploi, du travail. Le travail est fait pour produire l'abondance. Mais lorsqu'elle existe, il faut un moyen de la distribuer. Ce qui manque, ce n'est pas la production, mais la distribution.

Les créditistes offrent un moyen simple et effica­ce pour distribuer facilement l'abondance  : en pla­çant entre les mains de tous les citoyens, quel que soit leur statut d'âge ou d'emploi, un droit à l'a­bondance de leur pays. Et ce droit serait propor­tionnel au volume de l'abondance du pays. Pas seulement proportionnel à l'emploi comme le sa­laire, parce qu'il y a de plus en plus de produits qui viennent avec de moins en moins de travail. Le pouvoir d'achat doit donc être alimenté par une autre source que les salaires seulement.

Cette autre chose qui doit donner aux citoyens ce que les salaires ne suffisent pas à donner, les créditistes l'appellent le DIVIDENDE NATIONAL. Dividende national, parce qu'il est réglé d'après l'abondance de la nation  ; national encore, parce qu'il va à tous les membres de la nation  ; à chaque homme, femme et enfant du pays, du ber­ceau à la tombe.

Voilà donc la plateforme économique des crédi­tistes.

Régime de liberté au lieu de servitude

Et en politique, qu'est-ce qui distingue les cré­ditistes de tout parti, ancien ou nouveau  ? C'est la politique de la liberté.

Nous sommes sous un régime de servitude. Et nous payons chaque année un tribut à ceux qui nous tiennent en servitude. Avant la guerre, ce tribut était de 140 millions par année, pour ne par­ler que du tribut payé par l'intermédiaire du gou­vernement fédéral. Après six années de lutte pour la liberté, le tribut annuel de notre servitude est passé à 500 millions. Servitude presque quadruplée pendant la guerre pour la liberté  !

Aucun parti politique n'a commencé à dénoncer cette servitude. Seuls les créditistes, non seulement la dénoncent, mais offrent le moyen d'en sortir  ; et seuls, ils travaillent à éclairer le peuple et à le grou­per pour secouer ses chaînes.

N'est-il pas honteux qu'un pays qui lésine pour dépenser 200 millions en allocations à ses familles, sert annuellement, sans broncher, un gâteau de 500 millions aux financiers qui le contrôlent et do­minent son gouvernement  ?

Ce régime de servitude est bâti par l'abdication de la souveraineté du gouvernement aux mains du monopole de l'argent. Le gouvernement a passé son sceptre aux banques. Et le pays ne peut plus se défendre en temps de guerre, il ne peut plus se dé­velopper en temps de paix, sans augmenter sa ser­vitude, puisque tout argent pour le développement vient à l'état de dette envers les banques.

Ici encore, le régime de servitude, le régime de dettes perpétuelles toujours croissantes, ne peut se terminer que par un régime de dividendes. Les dé­veloppements d'un pays facilitent sa production et ses moyens de transport  ; mais pour que la pro­duction ainsi augmentée puisse s'écouler, il faut une augmentation de pouvoir d'achat aux mains de la population.

Ce sont donc bien des dividendes aux citoyens et non des dettes aux banques qui devraient mar­quer chaque progrès du pays.

La dette publique représente des dividendes na­tionaux accaparés par quelques individus. Un ré­gime de liberté, un régime créditiste, rechangera cette dette nationale en dividendes nationaux qu'il distribuera graduellement à tous les citoyens, à mesure que la production pourra y répondre.

Liberté personnelle

Tout ramène donc au dividende national  : la distribution de l'abondance, la suppression des cau­ses de guerre, la libération économique du pays. Et la liberté personnelle aussi. La liberté person­nelle  : c'est la liberté pour chacun de choisir son mode de vie, de faire ses propres plans de vie, tant et aussi longtemps qu'il n'empiète pas sur cette même liberté chez les autres.

A-t-on cette liberté quand on doit accepter des conditions d'emploi imposées, soit par le gouver­nement, soit par des compagnies, sous peine de crever de faim. Le salaire peut permettre de man­ger, mais il ne donne pas la liberté, puisqu'il est conditionné, il est lié à des conditions faites par d'autres.

Seul, le dividende à tous et à chacun, du seul fait de la naissance dans un pays d'abondance, en as­surant au moins le strict nécessaire, peut permet­tre à un homme de s'orienter librement et de dé­ployer ses activités selon ses aptitudes et ses at­traits.

La liberté de l'individu y gagne, et la production totale du pays aussi  ; parce qu'on ne travaille ja­mais aussi bien que quand on travaille à ce qu'on aime.

En réclamant le dividende national, les créditis­tes réclament à la fois la paix, l'abondance et la liberté.

Louis Even

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