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On Nous Critique

Louis Even le dimanche, 01 novembre 1936. Dans Cahiers du Crédit Social

Une illusion de M. Lemay

Un récent numéro du "Quartier Latin" contenait un article intitulé : "Une illusion du Crédit Social" et signé Henri-Paul Lemay, avocat, H.E.C. ‘38.

L'auteur a lu le numéro d'octobre des "Cahiers du Crédit Social" et trouve qu'on y a "laissé séjourner des erreurs contraires aux plus sains principes d'économie politique.” Il s'en prend particulièrement à cette phrase : "Si l'État a le droit de fabriquer la monnaie, pourquoi manque-t-il toujours d'argent ?"

Là-dessus il explique comment la monnaie intervient comme moyen d'échange pour remplacer le troc : étude très bien et très simplement présentée que nous reproduirons peut-être un jour pour l'avantage de nos lecteurs.

Puis il vient à sa critique. Citons et commentons. L'italique est de lui, le romain de nous :

"Nous comprenons maintenant que si l'État a le pouvoir exclusif de frapper la monnaie, il n'a cependant pas un droit de frappe illimité."

Nous sommes parfaitement d'accord là-dessus.

"En d'autres termes, si l'État est titulaire d'un droit, ce droit, de même que pour les individus, ne doit être exercé que dans les limites de la justice."

Très bien encore.

"N'en déplaise à certains, la monnaie d'un pays ne demeure pas saine lorsque son gouvernement ne tient pas compte de cette confiance et imprime, comme c'est arrivé pour l'Allemagne et plusieurs pays, des billets de banque non garantis et si nombreux que nous nous trouvons en pleine inflation. La monnaie se dévalorise alors totalement et le pays se trouve acculé aux portes de la banqueroute."

Nous ne pensons pas autrement. Et si l'Allemagne avait été sous un régime de Crédit Social comme nous l'exposons, jamais cette inflation et cette catastrophe n'auraient eu lieu.

"Une monnaie-papier ou monnaie fiduciaire ne peut demeurer saine qu'en autant que l'État a dans ses coffres des valeurs ou un métal précieux, relativement rare et très utile tel que l'or."

Ici nous différons totalement. Nous croyons que quand bien même un État n'aurait ni or, ni métal précieux dans ses coffres, s'il y a des biens dans le pays, s'il y a des producteurs et des consommateurs, le pays a tout de même le droit d'avoir de la monnaie et que cette monnaie échangera parfaitement les produits. On ne nous fera jamais croire que s'il n'y a pas de métal dans les coffres du gouvernement, nous devons laisser pourrir le grain dans nos champs, périr nos animaux domestiques et mourir de faim ou vivoter dans la misère nos hommes, nos femmes et nos enfants. Si c'est là de l'économie politique saine, ne faudra-t-il pas songer à construire un pavillon pour ses professeurs dans nos asiles d'aliénés ?

"Les tenants du crédit social désirent trouver une autre base de garantie pour remédier à la concentration de l'or. Nombre d'entre eux ont pour théorie que l'argent crée la richesse."

Cela ne fut jamais la doctrine du Crédit Social. Nous ne disons pas que l'argent crée la richesse, mais que la richesse (et non pas le gré du banquier) devrait créer assez d'argent pour permettre son écoulement.

"Il n'y a, disent-ils, qu'à imprimer du papier-monnaie ou à émettre de la monnaie scripturale pour enrichir le pays. Et comme exemple ils donnent le cas d'une banque qui prête à un client $50,000 et dit que le pays s'est enrichi de $50,000.".

Non, monsieur, les “Cahiers" disent qu'après le prêt, il y a $50,000 de plus en circulation, mais pas que le pays se soit "enrichi" de $50.000. Nous n'avons pas encore osé écrire que les banquiers "enrichissent" le pays. C'est l'industriel auquel le banquier a octroyé ce crédit qui, par son initiative et le travail de ses ouvriers, enrichit le pays. La richesse est une chose, la monnaie une autre. Nous le savons mieux que tous nos critiques, fussent-ils avocats. D'ailleurs, qu'ils se donnent la peine de lire ce qui est écrit.

L'illusion de M. Lemay est une illusion d'optique. Don Quichotte en avait de pareilles et lui aussi partait en guerre.

Notre sympathique preux termine par des réflexions qui ne nous déplaisent pas en rappelant qu'il ne sert de rien de réformer les choses sans réformer les hommes. Nous lui souhaitons de se consacrer de tout cœur et avec succès à cette réforme des hommes c'est un apostolat — mais sans trop oublier la réforme du système, surtout d'un système déformateur de mentalités, d'un système qui lie le bonheur de l'homme à l'existence de métal dans les coffres de l'État. Un bon système et des hommes honnêtes feront merveille. On vous sert une méchante omelette ; vous vous en prenez à la cuisinière... elle est maladroite, distraite, inintelligente, il faut la changer... Fort bien, faites venir une diplômée, mais donnez-lui tout de même pour préparer votre omelette autre chose que des œufs pourris.

* * *

[Comme nous allons sous presse, on nous communique le numéro du "Quartier Latin" du 23 octobre, contenant une magnifique réplique à M. Lemay, par Jean et Joseph Gagnon, de Chicoutimi Ouest.  — Bravo, jeunes gens !

Ce “Cabet”

"L'Information" de Montréal, consultée par un lecteur sur ce qu'il faut penser de nos Cahiers, répond qu'elle y trouve d'excellentes choses, mais met en garde contre les utopies. Puis elle rappelle l'aventure — que “La Presse" avait déjà racontée dans le même but, mais sans mentionner le Crédit Social parce qu'elle est plus lâche.

Le "cabétisme" est de 1840 et ne ressemble pas plus au Crédit Social qu'un voyage de rêve dans Mars ou Jupiter ne ressemble à une excursion réelle sur le Saint-Laurent. Le Crédit Social ne cherche pas la richesse dans une "Icarie" inconnue, pas même au Tibet ni au Mexique. La richesse est chez nous, à portée de notre main, elle crève les yeux. Le journal financier de Montréal pourrait en "informer" ses lecteurs et les “informer" aussi de ce qui leur barre l'utilisation de cette richesse.

Louis Even

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