EnglishEspañolPolskie

Naissance de l'argent de comptabilité

Louis Even le dimanche, 15 novembre 1942. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Fonctionnement

Qu'est-ce au juste que l'argent de comptabilité ?

Paul a un compte de banque, ou de caisse populaire, de $150. Il achète un lit qui coûte $32. Paul peut payer le lit en passant au marchand, M. Gervais, un chèque de $32.

M. Gervais déposera ce chèque à sa propre banque. La banque de M. Gervais augmentera le compte de M. Gervais de $32.. S'il avait à son crédit auparavant $4,800, il y a maintenant $4,832.

La banque de M. Gervais envoie ensuite le chèque à la banque, ou la caisse populaire, de Paul. Le comptable diminue le compte de Paul de $32. Son compte montrait auparavant un crédit de $150 ; ce crédit n'est plus maintenant que de $118.. Le lit a été acheté, payé, livré. Pas une piastre de métal ou de papier n'a remué. Mais un compte a augmenté, le compte du vendeur ; un autre compte a diminué, le compte de l'acheteur.

Tout s'est fait proprement, dans un bureau bien tenu, par la plume très nette d'un comptable qui sait additionner et soustraire avec exactitude, dans un livre dont toutes les entrées sont vérifiées chaque soir, après la fermeture du guichet.

Est-il meilleur argent que celui-là ?

Où naît l'argent de comptabilité ?

Mais où commence cet argent qui fonctionne si souplement ?

L'argent de comptabilité ne peut commencer ailleurs que dans un livre de comptabilité. Pour que des crédits soient transférés d'un compte à un autre, il faut d'abord qu'ils soient dans quelque compte.

Mais, si l'on veut comprendre clairement où commence l'argent, il faut distinguer nettement entre l'argent qui commence et l'argent qui continue.

Dans l'exemple ci-dessus, il s'agissait d'argent de comptabilité déjà dans des comptes et qui continuait de circuler.

Si Paul achetait 20 poches de patates, pour $30, d'un cultivateur qui n'a pas encore de compte de banque, Paul pourrait quand même payer le cultivateur avec un chèque, parce que lui, Paul, a un compte de banque. Le cultivateur pourrait présenter ce chèque à une banque et se faire donner $30 en papier ou en métal. Mais le cultivateur pourrait aussi, s'il le désire, déposer le chèque de Paul et se faire ouvrir un compte, dans une banque ou dans une caisse populaire.

Dans tout cela, il n'y a pas commencement d'argent, mais simplement continuation. Même le compte nouvellement ouvert du cultivateur n'est pas un commencement d'argent, c'est la continuation : le compte diminué de Paul a permis le commencement du compte du cultivateur. Le total de l'argent du pays reste le même après la transaction.

De même, Fernand n'a pas de compte de banque. Il a en poche $80 en argent de papier. Il décide de déposer ces $80. dans une banque. La banque ouvre à Fernand un compte de $80. Pour Fernand, c'est un compte nouveau. Mais ce n'est pas de l'argent nouveau. C'est la transformation de $80. d'argent de poche en $80. d'argent de comptabilité.

Si l'on remontait à l'origine des $80, on verrait que cet argent de papier a pris pour la première fois le chemin de la circulation lorsqu'un banquier l'a servi au guichet, en échange d'un compte déjà existant.

Aujourd'hui, l'argent nouveau commence sous forme d'argent de comptabilité. L'autre, l'argent de métal ou de papier, ne prend la route que si de l'argent de comptabilité, créé antérieurement, rentre à la banque.

Mais l'argent de comptabilité, celui qui précède l'autre, celui qui commande l'autre, où donc commence-t-il ?

Il commence évidemment, lorsqu'un compte commence sans rien diminuer nulle part. Lorsqu'un compte commence sans rien sortir de la poche ou du compte de personne, c'est nécessairement un compte fait d'argent nouveau. L'argent commence lorsque le total de l'argent est augmenté.

Où cela arrive-t-il ? Cela arrive à la Banque, lorsque la banque prête de l'argent en plaçant un crédit au compte de l'emprunteur. Nous allons l'expliquer.

Naissance de l'argent de comptabilité

Jules veut grossir son industrie. Cela lui prendrait un capital-argent de $25,000, qu'il n'a pas.

Jules possède des propriétés pour une valeur bien supérieure à $25,000, mais il ne tient pas à les vendre. Il aime mieux emprunter $25,000, les utiliser pour acheter des machines et du matériel, produire, vendre à profit et rembourser son emprunt. Il garderait ainsi ses propriétés tout en développant son industrie.

Jules a raison : doué d'initiative, d'habileté administrative, d'énergie, et bon travailleur, Jules peut créer des valeurs nouvelles sans sacrifier celles qu'il a déjà acquises.

Jules s'adresse à un banquier. Son cas exposé, le gérant de la banque accepte de lui prêter. Jules signe un billet, une promesse de rembourser dans un an, avec intérêt à 8 pour cent. Pour un emprunt de $25,000, cela fait $2,000 d'intérêt. Jules signe et gage ses propriétés en garantie dû remboursement.

Le gérant de banque rédige alors ce qu'il appelle un "chèque d'escompte", ordonnant à la banque de payer $25,000 à Jules, puis envoie Jules au guichet du caissier.

Jules endosse le chèque et le passe au caissier. Le caissier lui demande s'il tient à emporter de l'argent avec lui, ou bien s'il préfère déposer le montant entier du chèque, et tirer sur le compte que cela lui donnera, au fur et à mesure de ses besoins.

Jules est un homme d'affaires et, plutôt que se promener avec $25,000 dans ses poches, il dépose le plein montant, quitte à s'en servir pour faire ses paiements par chèques, à la manière expliquée plus haut.

Le caissier prend le chèque endossé par Jules, ouvre son grand-livre (ledger) à la page du compte de Jules, ou lui consacre une page s'il n'en a pas encore. Puis, au compte de Jules, le caissier inscrit un crédit de $25,000. Pour balancer ce crédit, le caissier débite de $25,000 le compte d'escompte.

Le banquier s'assure ordinairement le paiement de l'intérêt avant la sortie de l'emprunteur. Pour cela, le caissier crédite $2,000 au compte d'intérêt de la banque et débite $2000 au compte de Jules.

Il reste alors à Jules un crédit net de $23,000, dont il fera ce qu'il voudra d'ici un an ; mais dans un an, il devra rapporter $25,000.

Jules, sort donc de la banque avec un compte nouveau de $23,000, et la banque a un crédit nouveau de $2,000 dans son compte d'intérêt. Les $23,000 de Jules et les $2,000 de la banque sont de l'argent de comptabilité, utilisable au même titre que l'argent de papier ou de métal.

Dans toute cette opération, il n'est pas sorti un seul sou de la poche d'une seule personne au Canada. Il n'a pas été ôté un seul sou du compte d'une seule personne au Canada. Tout le monde a exactement le même argent qu'auparavant ; mais Jules a $23,000 de plus et le banquier a $2000 de plus.

Où étaient ces $25,000 avant l'emprunt de Jules ? Ils n'existaient pas, personne ne pouvait s'en servir. Où sont-ils maintenant ? Dans le compte de Jules et dans le compte de la banque, et ils peuvent s'en servir. L'argent total du pays est augmenté de $25,000.

Voilà donc $25,000 venus au monde, et venus sous la forme la plus moderne d'argent, de l'argent de comptabilité.

Qui a fait cet argent de comptabilité ? Le gérant de banque, lorsqu'il a rédigé un chèque d'escompte en faveur de Jules.

L'argent naît dans la banque, d'un trait de plume du gérant qui consent un prêt.

Ignorance dissipée

Bien des gérants de banque ont ainsi fait de l'argent nouveau, au Canada et dans tous les pays où ce système fonctionne, sans savoir du tout qu'ils faisaient de l'argent nouveau.

Ces gérants-là vous auraient juré que la banque ne fait jamais d'argent nouveau, que seul le gouvernement fait tout l'argent et que la banque prête seulement l'argent qu'elle a.

Ils vous auraient juré cela, alors qu'eux-mêmes faisaient couramment l'argent au nom de leur banque, alors qu'ils faisaient ce qu'aucun ministre des finances ni aucun chef d'État moderne n'ose faire au nom de son pays.

Depuis une couple d'années, au Canada, dans la province de Québec, les gérants de banque savent à peu près tous qu'ils sont des créateurs d'argent. Mais ce n'est pas la banque qui leur a expliqué ce qu'ils faisaient ; ce sont les créditistes qui ont fait cette partie de l'éducation des gérants de banque... Et la banque n'a pas payé les créditistes pour ce service !

Pourquoi le voile ?

Pourquoi les faiseurs d'argent eux-mêmes ignoraient-ils qu'ils étaient des faiseurs d'argent ?

Pourquoi, de 1935 à 1940, chaque fois qu'un créditiste proclamait la création d'argent par la banque, les banquiers et leur presse criaient-ils le contraire ?

Les banquiers, les vrais banquiers de la haute, savaient pourtant que c'était vrai. Ils le savaient depuis 248 ans. Une fois le voile déchiré par les créditistes, les banquiers se sont vus forcés d'avouer que les banques à charte créent l'argent. Le président de la Banque du Canada, M. Graham Towers, ancien vice-président de la plus grosse banque à charte du Dominion, l'a clairement affirmé sous serment, devant le Comité des Banques de la Chambre des Communes, à Ottawa.

Pourquoi alors cachait-on la vérité ? Pourquoi, sinon parce que cette création de l'argent par les banques est entachée d'un caractère odieux contre lequel des gens renseignés ne peuvent que s'insurger ?

Aussi tard que 1938 et 1939, les banquiers niaient encore. L'Association des Banquiers Canadiens dépensait des centaines de mille dollars, pour faire dire, à la radio en Alberta, et dans une série d'annonces payées dans tous les journaux du pays entier, que les banques ne font pas l'argent.

La création facile d'argent de comptabilité, qui pourrait être utilisée pour le bien commun, est devenue le moyen pour une petite clique d'hommes de contrôler l'argent et le crédit de la nation, se constituant par là les maîtres de nos vies et nous conditionnant le droit de respirer.

C'est l'étude des tares de l'argent à sa naissance dans les banques qui fera l'objet de notre prochaine leçon ; puis nous dirons comment l'argent de comptabilité peut naître pour servir et non pour asservir.

Louis Even

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.

Panier

Dernière parution

Infolettre & Magazine

Sujets

Faire un don

Faire un don

Aller au haut
JSN Boot template designed by JoomlaShine.com