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Les péchés d'Aberhart

Louis Even le mercredi, 01 mai 1940. Dans L'expérience albertaine Aberhart

On nous transmet cette remarque, qui n’est pas neuve, d’un gros bonnet de Québec :

"Les Albertains se vantent d’augmenter leurs travaux publics, et même de diminuer leurs dettes, tandis qu’ils ne paient ni leurs dettes, ni les intérêts qu’elles comportent."

On admet donc d’abord que les Albertains sont mieux sous le régime d’Aberhart qu’ils étaient auparavant. Est-ce que ce n’est pas le but de tout gouvernement de chercher la plus grande félicité temporelle de ses administrés ?

DETTES NON REMBOURSÉES

Le gouvernement d’Edmonton ne paie pas ses dettes à l’échéance. Quel gouvernement le fait ? La dépêche suivante se trouvait récemment dans les journaux, et ce n’est qu’un mince cas entre cent autres de même nature :

"La Colombie-Britannique emprunte 3 millions de la Banque Canadienne du Commerce pour rembourser un prêt obtenu en 1937."

Ce qui veut dire qu’elle remplace une dette par une autre. On a l’habitude d’appeler cela une conversion de la dette, dans laquelle on tâche d’obtenir un taux d’intérêt plus bas. Le gouvernement fédéral a fait la même chose en octobre dernier : il empruntait de la plume des banques 120 millions pour remplacer une dette de 120 millions formée de la même manière et atteignant échéance.

Entre le 1er avril 1936 et le 1er juin 1939, le gouvernement d’Alberta a fait défaut à sept échéances de dettes, dont le total s’élève à $11,855,200. S’il avait payé ces dettes, il aurait simplement fait ce que ni le fédéral ni les autres provinces ne font, et sa dette totale, au lieu d’être diminuée de 7 millions, l’aurait été de 19 millions. Sept millions, c’est déjà beau de ce temps-ci.

Mais, Aberhart a-t-il ré-emprunté pour faire de nouvelles dettes à la place des anciennes ? A-t-il "converti", comme on fait d’habitude ? Non, parce que les financiers, de parti pris, n’ont pas voulu coopérer avec lui comme ils coopèrent (quelle coopération !) avec les autres gouvernements.

Ils voulaient punir Aberhart ou l’amener à changer de cœur. Alors Aberhart, qui ne veut pas sacrifier le peuple à la plume, a simplement laissé faire. Mais il continue de payer l’intérêt sur les dettes non remboursées. Quelle est, qu’on nous le dise, la différence entre payer de l’intérêt sur une dette échue ou payer de l’intérêt sur une dette équivalente remplaçant la dette échue ?

TAUX D’INTÉRÊT RÉDUIT

Voilà pour la dette. Mais l’intérêt ? Aberhart, dit-on, refuse de payer l’intérêt sur les dettes contractées.

Le gouvernement d’Edmonton paie fidèlement l’intérêt sur les dettes de la province, mais il en a réduit le taux de moitié, et c’est de quoi on lui fait un crime. Faute d’humanisme de la part des créanciers, il a opéré lui-même la conversion.

Mais c’est immoral ! Oh ! croyez-vous vraiment ?

Voici une "écriture comptable," un trait de plume d’un million qui réclame, outre la promesse de remboursement, un intérêt de 6 pour cent par an pendant vingt ans. C’est, à l’époque de l’engagement, l’équivalent de 50,000 boisseaux de blé par an.

Après des années de servitude fidèle, une crise, due à l’action de la même plume, avilit le prix du blé à la moitié de son ancienne valeur. Pour fournir le même intérêt, il faudrait 100,000 boisseaux de blé. Si l’on ne veut pas tout à fait sacrifier la dernière once de capital humain aux caprices des teneurs de livre, il nous paraît tout à fait conforme à la justice de réduire le paiement annuel du trait de plume à 3 pour cent, ce qui continuera d’être 50,000 boisseaux de blé. L’intérêt réduit représentera le même pouvoir d’achat pour le récipiendaire.

Mais, objectera-t-on, il y a des épargnants qui ont donné, de bonne foi, de l’argent rudement gagné, pour obtenir des débentures du syndicat bancaire qui en faisait la vente.

Très bien, et ce sont les seuls qui devraient toucher intérêt ou remboursement. Le gouvernement d’Edmonton, avant de procéder à la réduction du taux d’intérêt, fit appel aux porteurs d’obligation pour qu’ils s’abouchent avec le gouvernement, en vue d’une entente. Les journaux de Toronto, Montréal et ailleurs publièrent immédiatement un avis émanant d’un certain "Comité de sauvegarde des obligataires de la province d’Alberta", donnant instruction aux porteurs d’obligation de s’abstenir de répondre à l’appel du gouvernement. Les obligataires placèrent les ordres de la finance au-dessus des ordres du gouvernement du peuple. D’où l’action prise unilatéralement par le gouvernement chargé du bien commun de la population.

Et voilà les péchés d’Aberhart, péchés qui lui ont attiré l’ire des exploiteurs et les bénédictions des exploités. Ceux qui pensent qu’un gouvernement existe pour punir le peuple et lui transmettre les décisions des compteurs d’écus n’y voient que du bleu.

1er mai 1940 page 4, 1940_05_No12_P_004.doc

Louis Even

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