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Le Crédit Social n'est pas un parti politique Mais une finance saine et effiace

Alain Pilote le mercredi, 30 septembre 2009. Dans Démocratie économique

La démocratie économique expliquée en 10 leçons - Leçon 8

Compter sur un parti, une illusion

Qu'est-ce que le vrai Crédit Social ?(Le texte suivant est tiré de la brochure de Louis Even «Qu’est-ce que le vrai Crédit Social ? Au-dessus des partis politiques»:)

L’application du Crédit Social instaurerait une démocratie authentique. Démocratie économique, en rendant chaque consommateur capable de commander à la production du pays les biens de vie nécessaires à ses besoins. Démocratie politique, en autant que le peuple pourrait signifier à ses représentants élus, à ses gouvernements, ce qu’il attend d’eux et en exiger des résultats. (Demos, peuple; kratein, régner. — Démocratie: souveraineté du peuple.)

Tout créditiste tant soit peu renseigné sait bien qu’aujourd’hui, le pouvoir suprême n’est exercé ni par le peuple, ni par ses gouvernants, mais par une coterie financière. Des hommes d’Etat, comme Gladstone, Wilson, et bien d’autres, l’ont déclaré explicitement. Mackenzie King promettait, en 1935, la plus grande bataille de tous les temps «entre les puissances financières et le peuple.» Bataille qu’il n’a pas engagée, sans doute parce qu’il jugeait les puissances financières trop fortes et le peuple trop faible.

Faible, le peuple l’est, en effet; et il peut bien l’être quand, premièrement, il ignore à peu près tout de la chose publique et de ce qui se passe dans les coulisses; faible, deuxièmement, quand, au lieu de l’instruire de ces choses, ceux qui s’agitent devant lui le divisent en factions politiques adversaires les unes des autres. Ce n’est pas une faction de plus qui créera l’union, l’union qui ferait sa force, alors que la division accentue sa faiblesse.

Clifford Hugh Douglas
Clifford Hugh Douglas

C’est un homme de génie, Clifford Hugh Douglas, qui a découvert la grande vérité qu’est le Crédit Social; lui qui a fondé l’école créditiste. Il connaissait certainement mieux ce que le Crédit Social signifie, en fait de démocratie, que ces petits hommes de chez nous qui voudraient faire du Crédit Social le fanion de leur course au pouvoir, ou au moins une estrade pour leurs trémoussements à la recherche d’un siège de député.

Or, Douglas déclarait, dans une conférence à Newcastle-upon-Tyne, le 19 mars 1937, qu’il existe en Angleterre deux principaux obstacles à une démocratie authentique, et le premier de ces obstacles, c’est le système de partis.

Il en est de même au Canada, et la solution ne consiste pas à nourrir le système de partis, mais à l’affaiblir. Rendre les partis existants inoffensifs, non pas en faisant une autre coupure dans le peuple, mais au contraire en unissant les citoyens, tous les citoyens, sans distinction de partis, pour exprimer leur volonté commune à leurs élus, quels que soient ces élus et leur couleur politique. Mettre l’accent sur ce qui se fait entre les élections, quand se tisse le sort des citoyens, plus que lors des élections quand se joue le sort des politiciens.

Unir les citoyens. Pour cela, commencer par les faire prendre conscience qu’ils veulent tous les mêmes choses fondamentales; puis les convaincre qu’en insistant de concert pour obtenir ce que tous veulent ainsi, ils l’obtiendraient infailliblement.

C’est encore le Major Douglas qui, en une autre occasion, à Liverpool, le 30 octobre 1936, disait:

«La souveraineté du peuple, c’est-à-dire son aptitude effective à donner des ordres, croîtrait avec son unanimité; et si tout le peuple demandait le même résultat, il n’y aurait aucune possibilité de partis, et il serait également impossible de résister à sa demande.»

Voilà bien, il nous semble, une ligne de conduite toute tracée. Ligne de conduite parfaitement en accord avec le bon sens même.

Vous ne pourrez jamais mettre tout le monde d’accord autour d’une boîte électorale. Mais vous pouvez mettre passablement tout le monde d’accord sur les résultats à réclamer de la politique, si vous avez soin de les présenter dans l’ordre de leur universalité et de leur urgence: la sécurité économique, une suffisance de biens aujourd’hui et garantie pour demain, la liberté de chacun à choisir son occupation et son mode de vie. Tout le monde veut ces choses-là; et, comme le remarque Douglas, même ceux qui ne s’en soucient pas pour les autres les veulent pour eux-mêmes.

Pourquoi donc centraliser l’attention et tourner les activités vers la boîte électorale, vers la chose qui désunit, au lieu de s’appliquer à unir effectivement tout le monde autour de demandes sur lesquelles tout le monde peut être d’accord?

Jamais une réforme importante n’a été obtenue par la formation d’un nouveau parti politique. La plupart du temps, le parti établi en vue d’une réforme majeure meurt faute de succès électoral; et si, par hasard, il arrive au pouvoir, il trouve assez d’obstacles, devant lesquels il finit par s’immobiliser et n’avoir plus d’autre objectif que de rester au pouvoir sans rien faire de plus que les partis traditionnels. Pour vaincre les obstacles, il lui manquait une force: celle d’un peuple suffisamment éclairé et suffisamment formé, politiquement.

D’ailleurs, une réforme ne peut pas naître d’une élection. Elle provient, de façon naturelle et démocratique, de la maturation d’une idée-force bien cultivée; de son acceptation, de sa demande par un nombre suffisant d’esprits pour créer une volonté générale, exprimée sans être liée aux aléas de résultats électoraux.

Le Crédit Social entrera dans la législation du pays quand il sera devenu l’objet d’une demande générale, tellement affirmée que tous les partis politiques l’accueilleront dans leur programme. Le séquestrer dans un parti politique, c’est lier son sort au sort électoral de ce parti. Et ça peut signifier recul au lieu d’avance.

Une idée nouvelle se diffuse par la propagande, elle s’enracine par l’étude. Plus elle est neuve et de vaste portée, plus son expansion et son implantation demandent d’efforts, de temps aussi ordinairement, de ténacité toujours. La cause qui la porte a bien plus besoin d’apôtres que de députés.

Les promoteurs de partis nouveaux jugent sans doute que l’éducation politique du peuple prendrait trop de temps, si toutefois ils se sont arrêtés à cette pensée. Un bon vote leur paraît une méthode plus normale et surtout plus rapide. Résultat: des pierres tombales, que ne visitent même plus ceux qui patronnaient ces partis défunts. Nombre de ces messieurs se sont gentiment casés depuis sous les ailes de partis traditionnels qu’ils avaient pourtant éloquemment dénoncés.

Monter la force du peuple, pour que son poids sur les gouvernements dépasse la force des puissances financières. Ce n’est pas dans un parlement que l’on monte la force du peuple. C’est là où le peuple est — en dehors des parlements. Et c’est là la place d’un véritable mouvement créditiste.

Douglas et l’électoralisme

Le Social Credit Secretariat, organisme fondé par le major Douglas lui-même, vient de rééditer une conférence donnée par le fondateur du Crédit Social, le 7 mars 1936. Ce jour-là, Douglas ne parlait pas à un public quelconque, mais à des créditistes.

Dans cette conférence, Douglas recommande la politique de pression et condamne vigoureusement la méthode parti politique, surtout celle d’un parti «du Crédit Social». Il condamne cette méthode, non seulement parce qu’elle est d’avance vouée à l’échec, mais parce que c’est lier la belle chose qu’est le Crédit Social à une politique de boîte électorale. Douglas va jusqu’à dire:

«Si vous élisez un parti du Crédit Social, en supposant que vous en soyez capables, je puis vous dire que je considérerais l’élection d’un parti créditiste au pouvoir en ce pays comme une des plus grandes catastrophes qui puisse arriver.»

La fonction propre d’un député, expliquait Douglas, c’est de recevoir et transmettre au gouvernement l’expression de la volonté légitime de ses électeurs. La fonction propre d’un gouvernement, c’est d’accueillir cette demande et de donner aux experts l’ordre d’y faire suite (aux experts, donc aux financiers pour la finance). Non pas dire à ces experts comment s’y prendre, mais leur désigner le résultat à obtenir et exiger ce résultat.

Et le rôle du peuple, lui, c’est de prendre conscience des objectifs qu’il veut communément et d’exprimer cette volonté à ses représentants. C’est là que ça doit commencer, de là que ça doit partir, chez les électeurs. Donc, au lieu de placer l’importance sur l’élu, la placer sur les électeurs.

Selon les mots de Douglas: «Si vous admettez que le but, en envoyant des représentants au parlement, est d’obtenir ce que vous voulez, pourquoi élire une catégorie spéciale d’hommes, un parti spécial plutôt qu’un autre? Les hommes qui sont là sont capables de passer vos commandes — c’est là leur rôle. Ce n’est pas leur rôle de dire comment cela sera obtenu. Le "comment" doit être laissé aux experts.»

C’est le «quoi» qui doit être signifié aux experts, et ce quoi doit procéder d’abord des citoyens eux-mêmes.

L’électoralisme a perverti le sens de la démocratie. Les partis politiques ne sont bons qu’à diviser le peuple, affaiblir sa force et le conduire à des déceptions. Y ajouter un parti nouveau ne peut qu’ajouter une autre déception sous un autre nom. Déception encore plus funeste si l’aventure traîne avec elle le vocable d’une cause excellente comme celle du Crédit Social.

Une finance saine et efficace

Une finance saine et efficace((Le texte suivant est tiré de la brochure de Louis Even «Une finance saine et efficace»)

A la racine du mal

Pourquoi critiquer et dénoncer le système financier actuel?

Parce qu’il n’accomplit pas sa fin.

Quelle est la fin d’un système financier?

La fin d’un système financier, c’est de financer. Financer la production des biens qui répondent aux besoins; et financer la distribution de ces biens pour qu’ils atteignent les besoins.

Si le système financier fait cela, il accomplit son rôle. S’il ne le fait pas, il n’accomplit pas son rôle. S’il fait autre chose, il sort de son rôle.

Pourquoi dites-vous que le système financier actuel n’accomplit pas son rôle?

Parce qu’il y a des biens — biens publics et biens privés — qui sont demandés par la population, qui sont parfaitement réalisables physiquement, mais qui restent dans le néant parce que le système financier ne finance pas leur production.

D’autre part, il y a des biens offerts à une population qui en a besoin, mais que des personnes ou des familles ne peuvent se procurer, parce que le système financier ne finance pas la consommation. Ces faits sont indéniables.

Avec quoi finance-t-on la production ou la consommation?

Avec des moyens de paiement. Ces moyens de paiement peuvent être de l’argent métallique, du papier-monnaie légal, ou des chèques tirés sur des comptes de banque.

Tous ces moyens de paiement peuvent être inclus sous le terme de «crédit financier», parce que tout le monde les accepte avec confiance. Le mot crédit implique la confiance. On accepte avec la même confiance 4 pièces de 25 sous en argent, ou un billet de la Banque du Canada d’un dollar, ou un chèque d’un dollar sur n’importe quelle banque où le signataire du chèque a un compte de banque. On sait, en effet, qu’avec l’un ou l’autre de ces trois moyens de paiement, on peut payer du travail ou des matériaux pour la valeur d’un dollar si l’on est producteur, ou des biens consommables pour la valeur d’un dollar si l’on est consommateur.

D’où ce «crédit financier», ces moyens de paiement tirent-ils leur valeur?

Le crédit financier tire sa valeur du «crédit réel». C’est-à-dire de la capacité de production du pays. Le dollar, de n’importe quelle forme, n’a de valeur que parce que la production du pays peut fournir des produits pour y répondre. On peut bien appeler cette capacité de produire «crédit réel», parce que c’est un facteur réel de confiance. C’est le crédit réel d’un pays, sa capacité de production, qui fait qu’on a confiance de pouvoir vivre dans ce pays.

A qui appartient ce «crédit réel»?

C’est un bien de la société. Sans doute que des capacités individuelles et des capacités de groupes de toutes sortes y contribuent. Mais sans l’existence de richesses naturelles, qui sont un don de la Providence et non pas le résultat d’une compétence individuelle, sans l’existence d’une société organisée qui permet la division du travail, sans des services publics comme les écoles, les routes, les moyens de transport, etc., la capacité globale de production serait beaucoup plus faible, très faible même.

C’est pourquoi l’on parle de production nationale, d’économie nationale, ce qui ne veut nullement dire production étatisée. C’est dans cette capacité globale de production que le citoyen, que chaque citoyen doit pouvoir trouver une base de confiance pour la satisfaction de ses besoins matériels. Pie XII disait dans son message de Pentecôte 1941:

«L’économie nationale, fruit d’activités d’hommes qui travaillent unis dans la communauté nationale, ne tend pas à autre chose qu’à assurer sans interruption les conditions matérielles dans lesquelles pourra se développer pleinement la vie individuelle des citoyens.»

A qui appartient le «crédit financier»?

A sa source, le crédit financier appartient à la collectivité, au même titre que le crédit réel d’où il tire sa valeur. C’est un bien communautaire dont doivent bénéficier, d’une manière ou de l’autre, tous les membres de la communauté.

Comme le «crédit réel», le crédit financier est par sa nature même un crédit social.

L’utilisation de ce bien communautaire ne doit pas être soumise à des conditions qui entravent la capacité de production, ni qui détournent la production de sa fin propre qui est de servir les besoins humains: besoins d’ordre privé et besoins d’ordre public, dans l’ordre de leur urgence. Satisfaction des besoins essentiels de tous, avant les demandes de luxe de quelques-uns; avant aussi le faste et les projets pharaoniques d’administrateurs publics avides de renommée.

Est-il possible d’obtenir de l’économie générale le respect de cette hiérarchie des besoins, sans une dictature qui planifie tout et qui impose les programmes de production et gère la répartition des produits?

Certainement, c’est possible, moyennant un système financier qui garantisse à chaque individu une part du crédit financier communautaire. Une part suffisante pour que l’individu puisse commander lui-même à la production du pays de quoi satisfaire au moins ses besoins essentiels.

Un tel système financier ne dicterait rien. La production prendrait ses programmes des commandes venant des consommateurs, pour ce qui est des biens d’ordre privé; et elle les prendrait des commandes venant des corps publics, pour ce qui est des biens d’ordre public. Le système financier servirait ainsi, d’une part, à exprimer les volontés des consommateurs; d’autre part, il serait au service des producteurs pour mobiliser la capacité de production du pays dans le sens des demandes ainsi exprimées.

Pour cela, évidemment, il faut un système financier qui se plie au réel, et non pas qui le violente. Un système financier qui reflète les faits, et non pas qui les contredise. Un système financier qui distribue, et non pas qui rationne. Un système financier qui serve l’homme, et non pas qui l’avilisse.

Un tel système financier est-il concevable?

Oui. Les grandes lignes en ont été tracées par C. H. Douglas, le maître génie qui a présenté au monde ce qu’on appelle le Crédit Social (à ne pas confondre avec les prostitutions de partis politiques qui se parent de ce nom).

Douglas a résumé en trois propositions les principes de base d’un système qui répondrait à ces fins et qui, par ailleurs, serait assez souple pour suivre l’économie dans tous ses développements, jusqu’à n’importe quel degré de mécanisation, de motorisation ou d’automatisation.

Quelles sont ces trois propositions de Douglas?

Douglas a énoncé publiquement ces trois propositions en trois circonstances: à Swanwick, en 1924; devant le Comité MacMillan, en mai 1930; dans une conférence prononcée à la salle Caxton, de Londres, en octobre 1930. Et il les a reproduites dans des écrits de lui, entre autres dans The Monopoly of Credit.

La première de ces propositions a trait à la finance de la consommation, par un ajustement entre le pouvoir d’achat et les prix:

«Les moyens d’achat (cash credits) entre les mains de la population d’un pays doivent, en tout temps, être collectivement égaux aux prix collectifs à payer (collective cash prices) pour les biens consommables mis en vente dans ce pays ; et ces moyens d’achat (cash credits) doivent être annulés lors de l’achat des biens de consommation.»

Douglas n’a rien changé dans les termes de cette proposition: ils étaient les mêmes en 1930 qu’en 1924. Dans cette proposition, pour mentionner les moyens de paiement, numéraire ou argent scriptural, entre les mains des consommateurs, Douglas emploie le terme «cash credits», tandis que, lorsqu’il parle de finance de la production, il dit simplement «credits».

La différence entre les deux, c’est que l’argent entre les mains des consommateurs est à eux: c’est pour eux du pouvoir d’achat, qu’ils emploient selon leur volonté en obtenant des produits de leur choix. Tandis que les crédits à la production sont des avances que le producteur doit rembourser lorsqu’il aura vendu ses produits.

Quel est le but de cette première proposition énoncée par Douglas?

Cette proposition a pour but de réaliser ce qu’on peut appeler le pouvoir d’achat parfait, en établissant l’équilibre entre les prix à payer par les acheteurs et l’argent entre les mains des acheteurs.

Le Crédit Social fait une différence entre le prix de revient comptable (cost price) et le prix à payer par l’acheteur (cash price). L’acheteur n’aurait pas à payer le prix de revient intégral, mais seulement ce prix amené à un niveau correspondant aux moyens d’achat entre les mains de la population.

Le prix comptable doit toujours être récupéré par le producteur, s’il veut rester en affaires. Mais le prix à payer doit être au niveau des moyens d’achat entre les mains des consommateurs, si l’on veut que la production atteigne sa fin, qui est la consommation.

Comment cette double condition peut-elle être réalisable?

Par un mécanisme d’ajustement des prix. Un ajustement, et non pas une fixation des prix: l’établissement des prix de revient est affaire des producteurs eux-mêmes, ce sont eux qui savent ce que la production leur coûte de dépenses.

L’ajustement proposé comporterait un coefficient qui s’appliquerait à tous les prix au détail. Ce coefficient serait calculé périodiquement (tous les trois ou six mois, par exemple), d’après le rapport entre la consommation totale et la production totale pendant le terme écoulé.

Si, par exemple, dans le terme écoulé, la production de toute sorte dans le pays s’est totalisée à 40 milliards de dollars, et si la consommation de toute sorte s’est totalisée à 30 milliards, on en conclut que, quels que soient les prix comptables de revient c’est en réalité 30 milliards qu’a coûté au pays la production des 40 milliards. C’est donc 30 milliards qui est le véritable coût de la production totale de 40 milliards. Et si les producteurs doivent récupérer 40 milliards, les consommateurs, eux, ne doivent payer que 30 milliards. Les 10 milliards manquants doivent être fournis aux producteurs par une autre source, non pas par les acheteurs. C’est au mécanisme monétaire d’y voir.

Dans ce cas, le coefficient appliqué à tous les prix au détail sera de 3/4: les prix de revient seront multipliés par ce coefficient, par 3/4 ou 0,75. L’acheteur ne paiera donc que 75 pour cent du prix comptable.

Autrement dit, un escompte général de 25 pour cent (le contraire d’une taxe de vente) va être décrété sur tous les prix de vente au détail pour la durée du terme qui commence. A la fin de chaque terme, le taux de l’escompte général est ainsi calculé en fonction de l’état de la consommation par rapport à l’état de la production du terme écoulé. On se rapproche ainsi le plus possible du pouvoir d’achat parfait.

On appelle parfois cette opération un prix compensé ou un escompte compensé, parce que l’argent que le vendeur n’obtient pas de l’acheteur à cause de cet escompte, il le reçoit ensuite de l’Office du Crédit National. Cette compensation permet au vendeur de récupérer son plein prix de revient. Personne n’est perdant. Tout le monde y gagne par l’écoulement facilité des produits vers les besoins.

Et quelle est la deuxième proposition de Douglas?

La deuxième proposition de Douglas a trait à la finance de la production. Elle fut exprimée comme suit, par son auteur, à Swanwick et devant le Comité MacMillan:

«Les crédits nécessaires pour financer la production doivent provenir, non pas d’épargnes, mais de nouveaux crédits se rapportant à une nouvelle production.»

A la salle Caxton, en octobre 1930. Douglas variait ainsi la fin de son énoncé:

«de nouveaux crédits se rapportant à la production.»

Il ne dit plus «nouvelle production», mais seulement «production». C’est évidemment que les deux sont synonymes. A mesure que la production se fait, c’est une nouvelle production. De la nouvelle production pour entretenir le flot de production où s’approvisionne le consommateur.

C’est donc à tort que certains ont interprété cette proposition comme s’appliquant seulement à une augmentation dans le volume de la production, ce qui n’est certainement pas le cas d’après le contexte des trois propositions.

Douglas ajoute: «Et ces crédits ne seront rappelés que selon le rapport de la dépréciation générale à "l’appréciation", à l’enrichissement général.»

Pourquoi financer ainsi la production avec des crédits nouveaux et non pas avec de l’épargne? — Parce que l’épargne provient d’argent qui a été distribué en rapport avec de la production faite. Or tout cet argent est entré dans le prix de revient de la production faite. Si cet argent n’est pas employé pour acheter la production, l’écart entre les moyens d’achat et les prix augmentera.

On peut objecter que l’épargne employée à financer un nouveau flot de production, par investissement ou autrement, revient dans la circulation comme pouvoir d’achat. C’est vrai, mais c’est à titre de dépenses faites par le producteur, donc en créant un nouveau prix. Or, la même somme d’argent ne peut pas servir à liquider à la fois le prix correspondant de l’ancienne production et le prix correspondant de la nouvelle production.

Chaque fois que l’argent épargné revient ainsi à des consommateurs, c’est en créant un nouveau prix, sans avoir liquidé un ancien prix laissé sans pouvoir d’achat correspondant lorsque cet argent devenait épargne.

Et la troisième proposition financière de Douglas?

La troisième proposition introduit un élément nouveau dans le pouvoir d’achat: la distribution d’un dividende à tous, employés ou non dans la production. C’est donc un facteur de composition du pouvoir d’achat, qui ne laisse aucun individu sans moyens de paiement.

C’est la reconnaissance du droit de tous à une part de la production, à seul titre de co-capitalistes, de cohéritiers du plus gros facteur de la production moderne: le progrès acquis, grossi et transmis d’une génération à l’autre. A titre également de co-propriétaires des richesses naturelles, don gratuit de Dieu.

C’est aussi le moyen d’entretenir un flot de pouvoir d’achat en rapport avec le flot de production, quand bien même la production se passerait de plus en plus du besoin d’employés. Ce serait donc la solution au plus gros casse-tête actuel, qui fait des économistes lever les bras au ciel et qui fait les gouvernements s’ahurir devant l’insuccès de leur politique de plein emploi, d’embauchage intégral. La poursuite de l’embauchage intégral est une absurdité, difficile à justifier de la part d’êtres intelligents, alors que le progrès s’applique inexorablement à désembaucher, à libérer du besoin d’employés.

Voici comment s’exprime Douglas:

«La distribution de moyens d’achat (cash credits) aux individus doit progressivement dépendre de moins en moins de l’emploi. C’est-à-dire que le dividende doit progressivement déplacer les émoluments et les salaires.»

Progressivement — à mesure, comme l’a exprimé ailleurs Douglas, à mesure qu’augmente la productivité par homme-heure. Ce qui est parfaitement conforme au réel, conforme à la participation prise respectivement par le travail et par le progrès dans le flot de production.

Le progrès — bien collectif — prend de plus en plus de place comme facteur de production, et le labeur humain de moins en moins. Cette réalité devrait se refléter dans la répartition des revenus, par dividendes à tous d’une part et par récompense à l’emploi d’autre part.

Mais n’est-ce pas là proposer tout un chambardement dans les modes de finance de la production et dans le mode de répartition des droits aux produits?

C’est surtout, et bien plus simplement, un changement de philosophie, de conception du rôle du système économique et du système financier, les ramenant à leurs fins propres servies par des moyens appropriés. Il est temps que les fins reprennent leur place, et les moyens la leur. Il est temps que la perversion fasse place au redressement.

Mais tout cela a l’air de supposer que l’argent, ou le crédit financier, peut venir comme ça, séance tenante, pour financer la production et la consommation!

Certainement. Le système d’argent n’est essentiellement qu’un système de comptabilité. Les comptables sont-ils à court de chiffres pour compter, additionner, soustraire, multiplier, diviser, faire des règles de trois, exprimer des pourcentages?

D’ailleurs, les faits sont là, pour montrer que l’argent est affaire de chiffres: chiffres que les monopolisateurs du système peuvent faire surgir ou faire disparaître selon leurs décisions, sans besoin d’objets concrets autres qu’un livre, une plume et quelques gouttes d’encre.

Dans une conférence donnée à Westminster, le 7 mars 1936, C. H. Douglas disait à son auditoire — un auditoire créditiste :

«Nous, créditistes, noue disons que le présent système monétaire ne reflète pas les faits. Nos opposants disent qu’il les reflète. Eh bien, il n’y a qu’à regarder et se servir de son gros bon sens pour voir ce qu’il en est. Comment, par exemple, se fait-il qu’un monde qui paraissait presque fiévreusement prospère en 1929, — du moins réputé prospère, à en juger par les critères orthodoxes — et certainement capable de produire et offrir une surabondance de denrées et de services, le faisant et en distribuant une proportion considérable — comment se fait-il que ce monde-là ait pris figure d’extrême pauvreté en 1930? Transformation d’apparence si fondamentale que les conditions économiques en ont été changées du tout au tout. Est-il raisonnable de supposer qu’entre un jour d’octobre 1929 et quelques mois plus tard, le monde soit réellement tombé de la grande richesse à la grande pauvreté? Evidemment non.»

Douglas faisait cette remarque trois ans et demi avant l’éclatement de la deuxième grande guerre mondiale. Une fois celle-ci déclarée, tout le monde pouvait se poser une question de même nature que celle de Douglas, mais en sens inverse:

Comment se fait-il qu’après une rareté d’argent pendant dix années, on trouve subito, du soir au matin, tout l’argent qu’il faut pour une guerre qui dure six années et qui coûte des milliards?

Même réponse dans les deux cas: Le système d’argent n’est qu’une question de comptabilité et n’a besoin que de chiffres portant le sceau de la légalité. Donc, si l’argent manque en face de grandes possibilités de produire pour satisfaire les besoins humains normaux, et si l’argent devient abondant quand les producteurs et les moyens de production sont réquisitionnés pour les champs de bataille et la production d’engins de destruction, c’est parce que le présent système monétaire impose des décisions, au lieu de refléter fidèlement les faits résultant d’actes librement posés par des producteurs libres et des consommateurs libres.

 

Questions

Après la lecture de cette leçon, le lecteur devrait être capable de répondre aux questions suivantes:

1. Dans vos mots, expliquez pourquoi la création d’un nouveau parti politique n’est pas la meilleure façon de faire appliquer les principes du Crédit Social.

2. Quelles sont les deux raisons pour lesquelles on dit que le système financier n’accomplit pas son rôle?

3. Qu’est-ce que le «crédit réel»?

4. Dans vos mots, quelle est la première proposition de Douglas, et quel est son but?

5. Dans vos mots, quelle est la deuxième proposition de Douglas?

6. Dans vos mots, quelle est la troisième proposition de Douglas?

 

Alain Pilote

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