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Le Crédit Social et l'Alberta

Louis Even le samedi, 15 janvier 1944. Dans L'expérience albertaine Aberhart

Crédit Social, affaire universelle

Pour un grand nombre encore, les mots créditis­tes, Crédit Social, évoquent l'idée d'une théorie propagée en Alberta, d'un gouvernement élu sur cette théorie, et, ajoutent-ils, d'un essai terminé par un fiasco.

Le Crédit Social n'est point une affaire liée à un pays ou à un gouvernement quelconque. C'est la croyance que la société existe pour ses membres, que la politique existe pour servir le peuple, et que l'économique existe pour servir les consommateurs, et non les seuls financiers.

Et pour faire suite à cette croyance, une techni­que appropriée doit rendre l'argent conforme à la production possible du pays et aux besoins de ses habitants — au lieu de plier la production du pays et la satisfaction des besoins de ses habitants à la présence ou à l'absence d'argent, suivant les décrets d'hommes sans mandat.

L'honneur de l'Alberta

Il reste vrai que c'est en Alberta que le mou­vement fit ses débuts en notre pays, et le peuple de cette province a signifié son ralliement autour de la philosophie créditiste en élisant deux fois, en 1935 et de nouveau en 1940, un Parlement voué à faire tous ses efforts possibles pour y conformer les lois de la province.

Il est vrai aussi que le gouvernement d'Edmon­ton a été constamment fidèle à ce mandat, à la différence de tant d'autres gouvernements qui, aussitôt au pouvoir, oublient tout de ce qu'ils ont proclamé la veille.

Il est vrai encore de dire que le gouvernement d'Alberta a voulu appliquer la technique monétaire créditiste en Alberta ; comme il est vrai de dire que le gouvernement d'Ottawa est intervenu pour y mettre obstacle. Ce qui est tout à l'honneur du gouvernement serviteur du peuple en Alberta, et à l'ignominie d'un gouvernement collé aux puissan­ces financières à Ottawa.

Mais il est faux de dire que l'essai du système monétaire créditiste a été fait et s'est terminé par un échec. L'essai n'a pas été fait, justement parce que le gouvernement de Mackenzie King qui, à la veille des élections fédérales de septembre 1935, promettait de faciliter à Aberhart l'expérience du Crédit Social dans sa province, s'empressa de l'en empêcher dès que les premières lois créditistes furent votées par Edmonton.

Un désaveu n'est pas une preuve

La grande presse du pays, unanime à faire le silence sur tout ce qui honore le gouvernement créditiste d'Alberta, s'est toujours empressée d'in­sister sur les désaveux des lois albertaines. Comme si le fait de désavouer une loi dirigée contre la dictature d'argent devait rejaillir en gloire pour les auteurs du désaveu et en humiliation pour les champions de la lutte contre la dictature d'argent.

Les désaveux d'Ottawa n'apportent aucune preuve contre la doctrine créditiste.

Est-ce que les édits contre les chrétiens, par les empereurs romains des trois premiers siècles de notre ère, ont jamais signifié que le christianisme était une doctrine fausse, ou que l'institution de l'Église fut un fiasco ?

Pas du tout de fiasco

La Loi de la Réglementation du Crédit Alber­tain fut votée en 1937. Elle avait pour but de don­ner au peuple de l'Alberta, par l'intermédiaire de son gouvernement, le contrôle du crédit de sa pro­vince. Elle soustrayait la propriété et l'exercice des droits civils, deux choses du domaine provincial, à la domination des banques. Sa mise en vigueur au­rait justement permis au gouvernement d'Edmon­ton d'inaugurer les résultats créditistes impliqués dans le mandat électoral de 1935.

Cette loi, d'ailleurs, n'intervenait aucunement dans les affaires des autres provinces. Elle ne tou­chait qu'à la politique et à l'économie internes de l'Alberta.

Cependant, le gouvernement fédéral d'Ottawa se hâta de la désavouer et d'en interdire la mise en vigueur. À quoi les gogos de toutes les provinces applaudirent, comme si on les sauvait du désastre en protégeant la suprématie bancaire menacée dans un petit coin du pays. Même des soi-disant fervents de l'autonomie provinciale, chez nous, ont niaisement joint le chorus.

Intervention d'Ottawa ? Oui. Fiasco d'Edmon­ton ? Non.

Vous promettez solennellement de vous rendre à pied de Québec à Ste-Anne de Beaupré. Vous commencez à accomplir votre promesse, lorsqu'un malfaiteur survient et vous coupe le pied ou vous attache à un poteau. Devrez-vous devenir la risée de la population pour avoir manqué à votre pro­messe, ou n'est-ce pas plutôt le brigand qu'il faut montrer du doigt et blâmer ?

Ajoutons que le gouvernement d'Alberta n'a point déposé les armes pour autant. On ne lui per­met pas d'assujettir le système existant au service du peuple : il va se mettre à la tâche formidable d'édifier, en marge du système financier dont Otta­wa protège les dictateurs, un autre système finan­cier, partant de zéro, et que le peuple lui-même pourra bâtir petit à petit, pour concurrencer le malfaiteur géant.

Et c'est ainsi que naît le Programme Intérimaire, dont les anciens lecteurs de Vers Demain ont déjà eu des exposés. Nous y reviendrons peut-être.

Pour aujourd'hui, nous voulons plutôt signaler l'administration du seul gouvernement créditiste au monde.

Administration saine et progressive

Les élections provinciales du 22 août 1935 ba­layèrent complètement les vieux partis politiques en Alberta. Elles placèrent au Parlement des hom­mes qui n'y avaient jamais mis le pied, et au pou­voir des hommes qui n'avaient jamais participé à aucun ministère depuis la fondation de la province.

Sans aucune expérience, en face d'un trésor à sec, ridiculisés par toute la presse du pays, Aberhart et ses collaborateurs prirent les rênes. Et l'on vit ce prodige : une province faisant plus de pro­grès que n'importe quelle autre dans n'importe quel domaine.

Un réseau de routes considérablement et rapide­ment amélioré ; un système d'instruction publique, reconnu même par les adversaires comme le plus progressif du continent, donnant aux enfants des campagnes reculées les mêmes facilités d'instruc­tion qu'à ceux des villes ; un mécanisme d'écoule­ment des produits de la province ; des industries nouvelles ; des hôpitaux avec traitement gratuit pour plusieurs maladies, etc. Et tout cela, sans augmenter d'une fraction de un pour cent les taxes provinciales.

Et tout cela aussi sans emprunter un seul sou des banques, sans augmenter d'une seule piastre la dette publique de la province. Au contraire, dans les quatre premières années de l'administration créditiste, la dette provinciale baissait de sept millions, alors que les dettes publiques montaient partout ailleurs ; le chômage diminuait en Alberta quand il se maintenait ailleurs.

Péché impardonnable contre la finance

Il est vrai que le gouvernement d'Edmonton se permit de couper en deux le taux d'intérêt sur les obligations de la province. Ce qui fit hurler la haute finance et ses badauds.

Lorsque les financiers, en comprimant le crédit, font tomber les prix des produits agricoles au-dessous de la moitié de leur valeur courante, per­sonne ne dit rien.

Lorsqu'un cultivateur doit vendre deux ou trois minots de blé ou de patates pour trouver le même argent que lui fournissait auparavant un seul mi­not, personne ne dit rien.

Lorsqu'un homme et sa famille sont mis à la porte de leur maison et de leur ferme, parce qu'ils ne trouvent pas assez de piastres dans un pays où les financiers ont fait la disette de piastres, person­ne ne dit rien.                                       

Lorsque des familles entières doivent vivre dans des taudis et traîner des estomacs vides et des corps en guenilles pendant dix années, personne ne dit rien.

Mais qu'un véritable chef d'État, un vérita­ble chrétien (même s'il est protestant), décide de couper dans les petits de l'argent pour protéger les enfants des hommes, c'est toute une valetaille qui crie au scandale, comme si l'univers allait som­brer dans le néant.

C'est la lutte entre l'homme et l'argent. Le gou­vernement créditiste d'Edmonton s'est toujours placé du côté de l'homme. Les adversaires se sont unis entre eux, contre lui, pour protéger les intérêts de l'argent.

Rappelez-vous la campagne électorale de 1940. La campagne fédérale et la campagne provinciale d'Alberta eurent lieu en même temps. Rouges et bleus se lardaient mutuellement sur les tribunes publiques de tout le Canada dans l'arène fédérale. Et les mêmes rouges et bleus, pendant ces mêmes jours, s'embrassaient et se liguaient contre le gou­vernement d'Aberhart dans l'arène provinciale.

Sous Manning comme sous Aberhart

La lutte a continué, et continue encore, sous la direction dynamique de Monsieur C.-E. Manning, successeur d'Aberhart, et le plus jeune premier-ministre de tout l'empire britannique.

L'Alberta s'est placé au premier rang pour récla­mer une augmentation des pensions aux vieux. L'Alberta traite gratuitement les cas de paralysie infantile et de tuberculose. À la prochaine session provinciale, le gouvernement d'Edmonton va faire passer une loi pour assurer l'hospitalisation gra­tuite à tous les cas de maternité, à partir du 1er avril 1944. Toujours sans emprunter et sans aug­menter les taxes de la province.

L'hospitalisation gratuite des cas de maternité : voilà toujours bien une allocation familiale, une allocation à la mère pour chaque enfant mis au monde. D'autres provinces, et le fédéral lui-même, parlent parfois d'allocations familiales. Mais, en attendant, ils ne pratiquent que les allocations au banquier pour chaque piastre mise au monde.

Pas un autre chef de gouvernement ne prend la radio chaque semaine, pour instruire le peuple et dénoncer la dictature d'argent ; cela se pratique seulement en Alberta. Partout ailleurs, les gouver­nements s'appliquent surtout à servir de coussin d'amortissement entre la voix du peuple tondu et les oreilles des financiers tondants.

À la Convention créditiste de Calgary, le 9 décembre dernier, les délégués ont demandé à leur gouvernement d'inscrire au programme des écoles l'étude du système monétaire et du crédit.

On admet maintenant partout, sous la force d'une argumentation irréfutable, que les banquiers font l'argent et que les gouvernements signent les dettes. Le mystère a plané trois siècles sur cette supercherie des banques, la plus grande supercherie et la plus grande escroquerie des temps modernes. Il est plus que temps que les manuels scolaires, silencieux sur la question, réparent cette lacune, que seule explique la vigilance jalouse de ceux qui gagnaient à couvrir leur exploitation du manteau du mystère.

On peut être sûr que le gouvernement d'Alberta va se rendre à la demande de la Convention, et que le règne des dictateurs de l'argent en Alberta, s'il continue, ne continuera qu'au vu et su de toute la population. Or la projection de la lumière sur le voleur est bien la chose qui le dérange le plus dans ses opérations.

Avez-vous remarqué que, de toutes les provinces à l'ouest de la province de Québec, seule l'Alberta a résisté à la montée de la C. C. F. socialisante ? C'est que le Crédit Social est une doctrine de vie, d'où naîtrait la sécurité économique sans le carcan de l'enrégimentation. Tandis que les vieux partis n'ont que pourriture et inertie à opposer au socia­lisme.

Qu'on ne pense donc pas terrasser les créditistes de Nouvelle-France en leur lançant à la tête le nom de l'Alberta. Si l'on veut nous parler de l'Alberta, très bien, nous en sommes, et ce sera tout à la gloire du Crédit Social et à la honte de ses adver­saires.

Louis Even

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