EnglishEspañolPolskie

La piastre qui doit grossir

le mercredi, 15 septembre 1943. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Ce texte constitue la majeure partie de la cause­rie donnée par l'Union des Électeurs dans ses émissions de la deuxième semaine de septembre.

Les piastres en face des produits

Pour que la piastre signifie quelque chose, il faut qu'il y ait des produits ou des services offerts en face de la piastre.

D'autre part, pour que les produits ou les servi­ces atteignent ceux pour qui ils existent, il faut que ceux pour qui ils existent aient en main des piastres pour les acheter. Sans cela, ils devront s'en passer ou les voler.

Se passer des produits, c'est la crise, c'est le dé­sordre de produits accumulés en face de besoins criants. Les voler, c'est un autre désordre : c'est l'injustice, c'est le découragement de la production, c'est la pauvreté généralisée.

Mettre les produits en face des besoins : c'est la fonction des cultivateurs, des ouvriers, des indus­triels, du transport, des marchands, des profes­sionnels. Et ils s'en acquittent très bien. En temps de paix, produits et services sont offerts en grande abondance.

Mettre les piastres en face des produits, c'est la fonction des fabricants de piastres ; et en temps de paix, ils s'en acquittent très mal. Les piastres man­quent, ou elles se trouvent ailleurs que du côté des besoins. Comment les produits peuvent-ils joindre les besoins ?

Qui fabrique les piastres ?

Mais, qui sont les fabricants de piastres ? Ce ne sont sûrement pas les mêmes que les fabricants de produits.

Ce n'est pas vous, ouvriers, qui fabriquez les piastres ; ce n'est pas vous, cultivateurs ; pas vous, pères et mères de familles ; pas vous, médecins ; pas vous, avocats ; pas vous, messieurs les députés ; pas vous, messieurs les ministres ; pas même vous, mon­sieur le ministre des finances ou monsieur le Tré­sorier ; ni même vous, monsieur le premier-minis­tre.

Vous n'avez jamais fabriqué une piastre. Et pourtant, il y a des piastres dans le pays.

Vous avez appris à gagner des piastres, si vous êtes des travailleurs. Vous avez appris à en pren­dre dans les poches des contribuables, si vous êtes à la tête d'administrations publiques. Mais vous n'en avez jamais fabriqué.

Et quand les piastres manquent partout, ceux qui en ont un peu les serrent précieusement. Vous avez alors plus de difficulté à en gagner, vous, les travailleurs. Vous avez alors plus de difficulté à en extraire des poches, vous, les percepteurs d'impôts. Mais, même alors, vous demandez-vous pourquoi les fabricants de piastres n'en font pas davantage ?

Et lorsque tout arrête, parce qu'il manque des piastres ; lorsqu'on a de tout, excepté des piastres ; lorsque seule l'absence de piastres paralyse la vie du pays et peuple les cimetières de morts préma­turées, pourquoi vous, les chefs du pays, les repré­sentants de la société, pourquoi ne commandez-vous pas aux fabricants de piastres d'en faire un peu plus ? Que manque-t-il donc alors aux fabri­cants de piastres pour en fournir davantage ?

En voilà, bien des questions, n'est-ce pas ?. La réponse à toutes se devine, lorsqu'on sait qui fa­brique les piastres, et de quelle manière ils met­tent leurs piastres nouvelles en circulation.

Les piastres sont fabriquées par les banques.

Pour que l'argent du pays augmente d'une seule piastre, il faut que cette piastre-là soit émise par un banquier quelque part et prêtée à quelqu'un.

Piastre nouvelle, piastre prêtée

Toute piastre nouvelle doit venir par une ban­que et être une piastre prêtée.

Tout le problème d'argent, et la myriade de pro­blèmes angoissants qui en découlent, tiennent dans ce simple petit fait.

Les piastres qui sont déjà en circulation vont d'une main à l'autre, d'une poche à l'autre, d'un compte à l'autre. Mais une piastre qui entre dans le courant pour la première fois n'y peut entrer que parce qu'un banquier lui ouvre l'entrée du courant. Et cette piastre-là est une piastre prêtée par le banquier qui lui permet d'entrer dans le courant.

Pas une piastre nouvelle n'entre dans la circula­tion sans passer par le banquier, sans l'assentiment de la volonté du banquier, et sans recevoir le ca­ractère de piastre prêtée.

Or, une piastre prêtée, c'est une piastre à rem­bourser un jour, et à rembourser avec un petit grossissement qu'on appelle intérêt.

Une exigence contre nature

Mais une piastre a beau rouler ici et là ; elle a beau être en métal, en papier ou en crédit dans un compte ; elle a beau se déplacer lentement ou cir­culer à grande vitesse, la piastre reste une piastre. Elle ne grossit pas, à moins qu'un faussaire en change l'inscription.

Une piastre reste une piastre.

Comment donc une piastre va-t-elle revenir à celui qui l'a créée et prêtée, et revenir avec un grossissement ? Comment, sinon en accrochant en route d'autre argent qui est déjà en circulation ?

L'homme à qui la banque prête 1,000 piastres et qui doit en rapporter 1,050 est obligé, s'il ne veut pas faire banqueroute, de ramasser dans le pays 50 piastres de plus que les 1,000 qui y sont entrées par son emprunt.

Mais, ces 50 piastres-là sont, elles aussi, entrées dans le courant comme piastres prêtées. Quelqu'un doit les rembourser, et les rembourser grossies.

Si le premier homme réussit à happer ces 50 piastres pour grossir ses 1,000 piastres, où l'homme qui devait rembourser ces 50 piastres va-t-il les trouver ? Si l'un réussit, l'autre est coulé.

Vie économique empoisonnée

Cette manière de mettre l'argent au monde, en le prêtant et en le taxant d'un intérêt à sa nais­sance, est l'invention la plus efficace que le diable ait inspirée à une tête humaine pour mettre le dé­sordre dans la vie économique, pour saboter les commandements de Dieu, pour semer les discordes et la haine, pour changer les hommes en loups vis-à-vis de leurs frères, pour placer les activités éco­nomiques, et même politiques, au service de l'ar­gent.

C'est le déclanchement de la course à la piastre, pour ne pas être celui qui tombe, même s'il faut faire tomber les autres. C'est l'argent devenu le mobile et la fin de tout. Au lieu de produire du blé pour nourrir, des habits pour vêtir, des chaus­sures pour chausser, des maisons pour loger, on fait tout cela pour extraire plus d'argent qu'on en a engagé.

Il faut bien : le banquier est là qui veille, qui réclame la piastre mise au monde par lui, et en plus le grossissement, cette chose qu'il faut né­cessairement arracher au voisin, puisqu'elle n'a pas été émise avec la piastre prêtée.

On passe sa vie à compter les piastres qu'on a, les piastres qu'on devrait avoir, les piastres qu'il faut trouver, et à chercher le moyen d'en lever plus qu'on en distribue. Le succès consiste même à cela : prendre aux autres plus qu'on leur donne. Beau succès à la vérité, et beau système ! Les vic­times couchées au bord de la route, ce sont les fai­bles immolés au banquier par les forts.

C'est ainsi que la vie économique est rendue horriblement dure, implacable et cruelle, selon les termes mêmes du Pape.

Parlez de charité, de désintéressement, de com­passion, lorsqu'il y a au-dessus de vos têtes un rè­glement inexorable, qui vous oblige, sous peine de crever de faim avec votre famille, de jouer des coudes pour arracher au pays plus de piastres qu'il y a été mis.

Système de pressuration et de vol

Tous ceux qui sont allés au banquier pour une augmentation d'argent qui permettrait d'augmen­ter la production du pays, tous ceux-là deviennent, par le fait même, les agents du banquier pour ex­traire du pays plus d'argent que leur initiative n'y a fait mettre.

Arracher au pays plus d'argent qu'il en a été mis dans le pays ? Mais oui, puisque le banquier ne donne jamais l'argent — pas même l'argent tout neuf, l'argent qu'il fait d'un trait de plume en écri­vant simplement un compte au nom de l'emprun­teur. Tout cet argent-là n'est que prêté, prêté pour un temps, et réclamé au bout de ce temps-là, avec un intérêt. Tout argent n'étant ainsi que tempo­raire, l'opération doit recommencer sans cesse, et le faiseur et destructeur de piastres garde son con­trôle.

Réclamer l'intérêt sur la piastre nouvellement faite, lancer ainsi un argent taxeur chaque fois que le développement du pays réclame une augmenta­tion d'argent, c'est lancer un voleur dans l'écono­mie du pays, à la faveur du progrès et du dévelop­pement de ce pays. C'est pourquoi le progrès en­durcit la vie qu'il devrait adoucir. C'est un pro­grès hypothéqué et souvent saisi.

Fécondité qui asservit et stérilise

Extraire d'un pays plus d'argent qu'il n'y a été mis ? Mais, c'est mathématiquement impossible, dira-t-on. C'est impossible, en effet, et c'est pour­quoi il y a des banqueroutes chez les particuliers qui ne sont pas assez violents ou assez rusés pour étrangler leurs concurrents ; et c'est pourquoi les dettes publiques des gouvernements augmentent chaque fois que les gouvernements veulent amé­liorer le pays et venir au secours de ceux qui pâ­tissent.

Toutes les activités économiques et politiques tombent ainsi sous la tutelle des fabricants de piastres.

La vie de tout le monde tourne autour de la piastre. La fécondité imposée à l'argent par le fa­bricant de piastres tue la fécondité du talent, du génie, du dévouement lui-même.

Combien de pasteurs de paroisses, de supérieurs de communautés, qui voudraient consacrer leurs énergies au développement et à l'épanouissement de la vie spirituelle chez ceux qui leur sont confiés, combien d'entre eux doivent se pencher des heures et des heures sur des problèmes de piastres !

Qu'est-ce qui arrête brutalement le missionnai­re dans ses élans à la conquête des âmes ? Deman­dez-lui lorsqu'il revient visiter son pays et sollici­ter de l'aide. Que demande-t-il ?

Est-ce un autre problème qui empêche les pa­rents de soigner comme ils voudraient l'éducation de leurs enfants ?

Quant aux gouvernements, on sait que toutes leurs activités sont déterminées par la présence ou l'absence des piastres.

Un redressement s'impose

Est-ce qu'on ne va pas enfin songer un bon coup à supprimer le mal à sa source, au lieu de s'appli­quer seulement à tirer le meilleur parti possible de la situation en acceptant les chaînes ? Ne va-t-on pas enfin remplacer l'argent bâtard et dévorateur par un argent légitime et sain ; par un argent fait pour acheter et non pour endetter ; par un argent fait pour aider et non pour embêter ; par un argent fait pour adoucir les relations sociales et non pour les empoisonner ?

C'est pour les consommateurs, pour les familles, que sont faits produits et services. Ce sont donc les familles qui doivent dire à la production quoi faire. Pour cela, il faut qu'elles aient l'argent.

La production moderne peut donner à peu près ce qu'on veut. Elle fournit des canons au gouver­nement, lorsque le gouvernement a de l'argent pour payer et qu'il choisit des canons. Elle fait des produits pour l'exportation, lorsque ce sont les compagnies d'exportation qui ont l'argent pour payer. La production canadienne peut aussi bien faire des choses pour les familles canadiennes, lors­que ce sont les familles canadiennes qui ont l'ar­gent pour commander ce qu'elles veulent.

Là où l'argent commence, il commence à passer des ordres. Si l'on veut qu'il vienne au monde en donnant des commandes pour les familles, il faut qu'il vienne au monde dans les familles, dans les mains des consommateurs.

C'est ce que préconise la technique monétaire du Crédit Social, et c'est un argent ainsi fait pour tous et chacun que l'Union des Électeurs est bien déterminée à faire établir.

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.

Panier

Dernière parution

Infolettre & Magazine

Sujets

Faire un don

Faire un don

Aller au haut
JSN Boot template designed by JoomlaShine.com