L'Alberta fut érigée en province en 1905, en même temps que la Saskatchewan, sous l'administration de Wilfrid Laurier.
Les premières élections dans les deux nouvelles provinces mirent un gouvernement libéral au pouvoir.
Les Libéraux administrèrent l'Alberta de 1905 à 1921. Ce fut une époque de gaspillage, d'endettement et de scandales administratifs : scandale du téléphone, scandale des chemins de fer, et autres. Si bien qu'après 17 années, la dette provinciale, partie de zéro, atteignait 95 millions de dollars.
Il ne s'agit pas là d'une accusation gratuite faite par le gouvernement actuel. Non. Le témoignage de la Banque du Canada elle-même, après son enquête sur la situation albertaine, est là pour le prouver. Voici ce que le rapport officiel de la Banque du Canada, publié en 1939, dit en page 34 :
"En estimant la situation financière actuelle de l'Alberta, nous avons trouvé qu'il fallait mettre en évidence spéciale les événements des années 1905 à 1922. En 1922, l'Alberta ne comptait que 17 années d'existence. Or la dette de la province était approximativement de 95 millions de dollars. Cette dette était plus de deux fois celle de la Saskatchewan qui avait le même âge, et 50 pour cent plus élevée que la dette du Manitoba, province beaucoup plus ancienne.
"En substance, plus de la moitié de la dette albertaine représentait une accumulation de pertes, de déficits et de prétendus actifs qui, en réalité tournaient en coulage constant. Après avoir pris en considération les allocations nécessaires pour le développement rapide de la nouvelle province et les dépenses légitimes du gouvernement pour aider et stimuler ce développement, il reste que, dans notre opinion, la période 1905-1922 fut caractérisée par le gaspillage, une molle administration et une insouciance à s'endetter que ne pouvait justifier même l'esprit optimiste de cette époque."
Le fardeau des taxes résultant de 17 années de mauvaise administration retombait plus lourdement sur les épaules des fermiers de la province.
Le taux d'intérêt élevé sur les emprunts hypothécaires et bancaires, avec des prix ridiculement bas pour les produits agricoles, causa une vague d'aigreur et de mécontentement qui amena la chute du gouvernement libéral aux élections de 1931. Le vent soufflait en faveur du parti des Fermiers-Unis.
Quant aux Conservateurs, dont les idées réactionnaires avaient été maintes fois rejetées par les électeurs d'Alberta, ils n'avaient aucune chance de prendre le pouvoir. Aussi, nombre des Conservateurs éminents de la province crurent bon de lier leur fortune au parti nouveau en vogue, et plusieurs d'entre eux se firent élire sous l'étiquette de Fermiers-Unis, alors qu'ils restaient au fond des Conservateurs de la plus belle eau.
Cette intrusion de réactionnaires dans les rangs des Fermiers-Unis empêchèrent le nouveau gouvernement de réaliser les réformes qu'il projetait. La situation financière de la province ne fit qu'empirer d'année en année. De 1921 à 1935, la dette de la province s'éleva de 95 millions à 161 millions.
Les conditions de vie des fermiers, des manœuvres et des petits hommes d'affaires devinrent intolérables. Des fermes et des maisons en grand nombre furent confisquées aux mains des détenteurs d'hypothèques, à cause de l'incapacité des propriétaires à payer leurs dettes.
Le gouvernement des Fermiers-Unis jetait les bras en l'air et confessait son impuissance à introduire aucune mesure de secours en faveur des citoyens réduits à la détresse. Il finit par suspendre le remboursement des certificats d'épargne, dont le total dépassait onze millions de dollars.
L'argent de ces certificats provenait d'économies des citoyens, et ceux-ci l'avaient prêté au gouvernement pour l'aider à sortir du chaos financier dans lequel il avait mis la province. Mais le gouvernement dépensa l'argent des certificats d'épargnes, sans même rien mettre de côté pour prévoir le remboursement. Lorsque les Albertains se rendirent compte qu'une crise était inévitable, ils redemandèrent leur argent, et le gouvernement dut se déclarer incapable de les satisfaire.
En 1935, il devint évident que le gouvernement des Fermiers-Unis avait perdu tout contrôle sur la situation. Une nouvelle équipe se présenta devant le peuple : le groupe du Crédit Social conduit par Aberhart.
Aux élections du 22 août 1935, tous les candidats des Fermiers-Unis furent battus ; sur un parlement de 63 membres, 56 étaient élus sous l'étiquette du Crédit Social.
Aberhart prit le pouvoir.
Les premières constatations de son gouvernement n'étaient guère encourageantes. Le trésor était vide, la dette énorme.
Une étude des sources de recettes et de dépenses révéla un état de choses pitoyable.
Ainsi, le revenu total des licences d'autos et de la taxe sur la gazoline, s'élevait à environ trois millions par année. Or, il fallait prendre deux de ces trois millions pour payer l'intérêt sur de l'argent emprunté pour la construction de routes dont plusieurs n'existaient plus. Comment, dans les circonstances, entreprendre un programme convenable de voirie ?
Dans l'ensemble, près de la moitié du revenu total de la province allait au service de la dette. Impossible, avec la moitié qui restait, de soutenir un système de services sociaux tant soit peu adéquat.
Après un premier recours au fédéral pour les besoins les plus urgents, et après quelques tâtonnements d'orientation, le gouvernement Aberhart se mit résolument à la tâche. On inaugura le système de "Pay as you go", et on cessa d'emprunter un seul sou des banques.
Un premier plan de voirie de cinq ans fut entrepris. Les Maisons du Trésor furent établies, pour aider à l'économie interne. Et lorsque la guerre éclata, les routes de la province avaient déjà pris un nouvel aspect, des écoles modernes s'étaient multipliées, sans augmenter d'un iota la dette de la province. Les conditions de guerre arrêtèrent nécessairement les développements, la capacité de production du pays étant surtout divertie vers la production de guerre.
En 1940, les politiciens de toutes couleurs — libéraux, conservateurs, C.C.F. — convaincus qu'aucun de leur groupe ne pourrait seul prendre le pouvoir en Alberta, unirent leurs forces contre les candidats créditistes. Ils eurent à leur disposition d'immenses sommes d'argent, surtout de compagnies d'assurances. Malgré cette coalition, le gouvernement créditiste fut réélu, bien qu'avec une majorité diminuée.
En 1944, les C.C.F., gonflés par leurs succès provinciaux en Ontario et surtout par leur victoire décisive en Saskatchewan, se crurent de taille à conquérir l'Alberta et quittèrent leur alliance insolite avec les libéraux et les conservateurs. Peine perdue, les créditistes revinrent au pouvoir plus forts que jamais.
Aujourd'hui, la dette de l'Alberta est descendue à 113 millions. L'intérêt sur cette dette est abaissé à 3.39 pour cent, le plus bas de toutes les provinces, comme le démontre le tableau suivant :
Saskatchewan 4.60 pour cent
Manitoba 4.51
Colombie-Britannique .. 4.34
Nouveau-Brunswick .. 4.12
Nouvelle-Ecosse ?
Ile du Prince-Edouard 3.96
Ontario.. 3.96
Québec.. 3.58
Alberta 3.39
Comparez la marche descendante de la dette de l'Alberta avec la marche ascendante de la dette de la Saskatchewan :
L'Alberta a diminué sa dette de 40 millions sous le gouvernement créditiste, tout en ayant la législation sociale la plus progressive au monde.
La Saskatchewan a augmenté sa dette de 10 millions au cours de la dernière année, d'après la déclaration faite à l'Assemblée Législative de cette province, le 21 février dernier, par C. M. Fines, trésorier provincial du gouvernement C.C.F..
Rappelons aussi que, outre l'abaissement du taux d'intérêt sur sa dette, l'Alberta prend des dispositions pour le remboursement du capital, si bien que, dans 29 ans, la dette de l'Alberta sera complètement éteinte.
La province arrive à ce résultat en payant, en 1946, pour intérêts et partie du capital, la somme totale de $7,466,000. En 1947, elle répétera le même versement. De 1948 à 1960, $5,816,000 chaque année. Après 1960, $5,509,000 chaque année.
Cette somme annuelle, tout en comprenant l'intérêt et le remboursement graduel, est inférieure à ce que le gouvernement précédent devait payer rien qu'en intérêts.
La question de la dette n'est évidemment qu'un aspect de la situation. Mais il a son importance. Et puisque les adversaires du Crédit Social aiment à traiter les créditistes d'aventuriers, aptes seulement à conduire un pays à la banqueroute, il n'est pas hors de propos de leur mettre sous les yeux les accomplissements financiers du seul gouvernement créditiste au monde.