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Guérison sans malade !

le samedi, 01 août 1942. Dans Crédit Social

Les journaux de Québec du 9 juillet renfer­maient cette courte nouvelle :

"M. J.-A. Bilodeau, en charge des travaux de chômage à l'hôtel-de-ville, nous informe que tous les employés qui travaillent à l'égoût-collecteur reçoivent deux payes cette semaine : une hier, l'autre demain. La raison en est qu'on leur devait une paye depuis quelque temps."

On prend soin de publier qu'on sert deux payes à ces ouvriers. Avait-on mis autant de zèle à pu­blier qu'on les faisait attendre leur paye depuis quelque temps ? C'est tout à fait conforme aux méthodes en honneur dans un monde d'hypocrisie où les auteurs des pires turpitudes voudraient se faire canoniser.

Cela rappelle la réflexion de G.-K. Chesterton, dans son "Saint François d'Assise" :

"Nous lisons que l'amiral Bangs a été fusillé, et c'est la première révélation que nous ayons qu'il soit jamais né. Il y a quel­que chose de singulièrement significatif dans l'usage que le journalisme fait de son stock de biographies. Il ne lui vient jamais à l'idée de publier une vie sinon quand il publie une mort. Comme il en use avec les individus, il en use avec les institutions et les idées. Après la grande guerre, on commença de raconter à notre public que toutes sortes de nations allaient être émancipées. On ne leur avait jamais soufflé mot de leur esclavage."

La présente guerre nous offre le même spectacle. Des hommes publics essaient d'exciter votre patriotisme en vous assurant que demain sera différent d'hier. Que ne nous disaient-ils hier que le régime dont ils se faisaient les gardiens ne valait pas grand'chose ?

Argument de l'heure sans doute, servi comme propagande de guerre : les hommes qui se battent veulent avoir quelque chose à défendre ; à défaut d'un "tu l'as eu" qui en vaille la peine, on pré­sente un "tu l'auras". Il est certain qu'un jeune homme de vingt-et-un à trente ans qui sort de cinq à dix années de chômage a besoin d'un autre idéal pour lui donner du cœur.

Des politiciens qui se sont vautrés dans un régime pourri, qui s'en sont nourris comme une mouche de fumier, qui s'y vautrent encore et s'en nourrissent encore, ne manquent pas une occasion de papelarder sur un ordre nouveau. Un ordre nouveau qu'ils nous prieront de les laisser bâtir eux-mêmes.

Tristes comédiens ! Il faudrait leur confier la mission de guérir un monde qu'ils ont toujours déclaré bien portant, au milieu duquel ils se sont pavanés de banquets en banquets, de contrats en contrats, pas plus soucieux de la souffrance des autres qu'un cochon bien nourri ne l'est d'une brebis qu'on égorge !

Qu'ils prennent donc d'abord soin de leur pro­pre guérison : leur mal est profond.

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