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Fécondité de la piastre

Louis Even le dimanche, 15 octobre 1944. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

La fécondité, c'est la multiplication.

Vous jetez un grain de blé en bonne terre. Il va pousser et rapporter cent pour un. C'est que le grain de blé est une chose vivante, et le sol pré­paré est le milieu qui lui convient pour devenir fécond.

Mais la piastre ? La piastre a-t-elle la vie et peut-elle "faire des petits" ?

Si vous prenez une piastre et que vous la met­tez en terre, elle ne rapportera certainement rien : 1° Parce qu'elle n'est pas douée de vie, 2° Parce que le milieu sol ne convient certainement pas à un morceau de papier.

La piastre n'a pas la vie. Pourtant, on a des exemples de piastres douées d'une merveilleuse fécondité. Fécondité artificielle, dont le taux est proportionnel à l'expertise de certains artistes en dévalisation.

En dévalisation ? Oui. Sous notre régime, en effet, une piastre ne peut faire d'autres piastres

qu'en tirant les piastres des voisins, ou en imposant des dettes à quelqu'un sous la plume magi­que du banquier.

Veut-on quelques exemples de la prodigieuse fécondité communiquée à la piastre en certains milieux ? Pas besoin d'aller bien loin.

Tenez, je tape ces lignes sur une dactylographe Underwood. Eh bien, $500 placés en actions dans l'Underwood Typewriter Co. ont rapporté $239,000., — soit 478 fois le capital investi.

J'entre au bureau de notre caissière ; elle calcule sur une machine à additionner. Eh bien, $500 placés dans la Burroughs Adding Machine Co. ont rapporté $200,000 — soit 400 fois le capital investi.

Mon épicier confie à une enregistreuse automa­tique le soin de tenir l'état de ses ventes au comp­tant. Eh bien, $500 placés dans la National Cash Register Co. ont rapporté $214,000 — soit 428 fois le montant du capital.

Le bureau où je suis est chauffé par un système à l'eau chaude. Eh bien, $500 placés dans l'Ame­rican Radiator Co. ont rapporté $245,000 — soit 490 fois le montant de capital.

Roulez-vous sur des pneus, des pneus Dunlop peut-être ? $500 placés dans la Dunlop Tire Co. ont rapporté $125,000 — soit 250 fois le montant du capital.

Vous rasez-vous avec un rasoir de sûreté Gil­lette ? $500 d'actions dans la Gillette Safety Razor Co. ont rapporté $225,000 — soit 450 fois le montant du capital.

On vient d'appeler au téléphone. Belle inven­tion. Et beau placement pour les actionnaires : $500 dans la Bell Telephone Co. ont rapporté $280,000 — soit 560 fois le montant du capital.

Le journal que vous avez en main a été com­posé à l'imprimerie sur une machine appelée lino­type. Elle est merveilleuse. Oui, et $500 d'actions dans la Mergenthaler Linotype Co. ont rapporté $625,000 — soit 1,250 fois le montant du capital.

On pourrait allonger cette liste. Je n'invente pas les chiffres. Ils ont été fournis par une maison de placements qui cherche l'argent des épar­gnants. Il y a deux ans de cela, et la fécondité a continué depuis.

Notre civilisation moderne est prise dans les mailles d'un filet économique contrôlé par les ex­perts de la fécondité de l'argent. Aucun d'eux, ni de leurs pâles imitateurs, ne s'insurge contre la notion de dividende, lorsque dividende veut dire récompense à des piastres habilement placées.

On nous a habitués à identifier l'idée de capital avec l'idée d'argent. L'argent est devenu le capi­tal sacré qui doit avoir la préséance dans l'écono­mie de la répartition.

Nous ne nions pas que l'argent placé dans une entreprise productive soit un capital. Mais nous soutenons que, dans toutes ces inventions moder­nes qui font la fortune de quelques capitalistes, il y a une forte part due à la science accumulée et augmentée d'une génération à l'autre. Les in­venteurs ne sont point partis de zéro. La métal­lurgie moderne, l'usage moderne du courant élec­trique, et mille autres choses sont l'apanage trans­mis à notre génération par des siècles d'étude, d'expériences et de découvertes.

Voilà, certes, un immense capital qui prend une grande place dans la production moderne. Et ce capital n'est la propriété de personne en particu­lier, mais l'héritage commun de tous. Nous croyons que, devenu producteur, ce capital doit rapporter, lui aussi, des dividendes à ses proprié­taires, à tous et à chacun des membres de la so­ciété. Et c'est ce que nous appelons dividende na­tional. Mais là commence le scandale, non seule­ment chez les experts en dévalisation, mais même chez les victimes, tant on les a tenues dans l'i­gnorance.

On accepte le vol des exploiteurs, et on refuse le droit des héritiers.

Louis EVEN

 

Louis Even

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