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Étranges allures d'un cadavre

Louis Even le samedi, 15 avril 1944. Dans La vie créditiste

Mort en 1941

Avance-t-il, le mouvement créditiste en Nou­velle-France ? La question est souvent posée : Ça marche-t-il, le Crédit Social ?

En feuilletant les vieux papiers au hasard ces jours derniers, nous sommes tombés sur une décou­pure du journal La Tribune, de Sherbrooke. Com­me ses confrères de la crèche, La Tribune a comme politique, à l'égard du Crédit Social :

    1. En parler le moins possible ;

    2. Être particulièrement silencieux sur tout ce qui pourrait faire une bonne publicité au Crédit Social ;.

    3. S'il arrive quelque chose qui peut faire tort au mouvement ou le tourner en ridicule, raconter cela en détail, même y consacrer un bon article de fond.

La découpure en question est datée du 10 no­vembre 1941. Et justement, il y avait matière à gloser contre les créditistes et leur série de congrès. La Tribune ne s'en privait pas. Elle y allait avec une ferveur de chevaliers de jadis à la défense des Lieux-Saints. Et l'éditorial de M. Robidoux se ter­minait par la réflexion :

"Ces ignares théoriciens du Crédit Social étaient en train de faire beaucoup de mal à une bonne partie du Québec, en l'égarant et en l'exploitant. Il fallait que leur doctrine reçût le coup de mort. C'est fait."

Remarquez la date, chers Créditistes. Votre doctrine et votre mouvement ont reçu le coup de mort en novembre 1941. Et nous sommes en avril 1944. Et la doctrine est plus prêchée que jamais, et le mouvement est plus vigoureux que jamais.

Le dimanche du cadavre

Marche-t-il, le Crédit Social ?

Mais quel autre mouvement marche comme le Crédit Social ?

Répondez, vous, messieurs les Voltigeurs et Défricheurs de Québec et du district de Québec, qui avez consacré le dimanche du 26 mars, par exem­ple, à marcher dans les rues de Lévis et de Lauzon, portant le message créditiste dans les maisons, y laissant de la littérature créditiste, et prenant 80 abonnements au journal Vers Demain et préparant une salle archi-comble pour l'assemblée du soir. Sont-ce les libéraux, les conservateurs, les unionistes, les C.C.F., les bloquistes, les communistes ou les créditistes qui ont bougé dans Lauzon ce jour-là ?

Quel mouvement a marché ce même jour, à St-Joseph de Beauce, où, sous la direction de Mlle Gilberte Côté, se groupaient, pour le même genre d'action, les Voltigeurs et Défricheurs de St-Joseph même, ceux de St-Georges, des Saints-Anges, de St-Frédéric et d'East-Broughton ?

Quel mouvement a marché, avec les équipes régionales de M. Edmond Major, à Drummond­ville, à St-Hyacinthe, à Warwick, avec l'aide de Victoriaville, d'Arthabaska et de Plessisville ? Tou­jours dans cette même journée de dimanche, 26 mars.

Et à Granby, avec M. Roland Corbeil et les Voltigeurs de Granby, de Waterloo, d'Actonvale et de Roxton Falls ? Et à Coaticook et Magog, avec les équipes Gauthier et Provencher de Sherbrooke ?

Et à Arvida, avec l'aide des Voltigeurs et Défricheurs de Jonquières, de Kénogami, de Chicoutimi, de Port-Alfred, Bagotville et Grande-Baie ? Avec les équipes Lavoie, Bouchard et d'autres ?

Et à Ste-Jeanne d'Arc, où se sont rencontrés les Voltigeurs de Dolbeau et de St-Augustin ? avec les meneurs Gauthier, Côté, Morris ?

Et à St-Honoré de Chicoutimi, avec l'équipe de Roland Tremblay, de Ste-Anne ?

Et à Dubuisson, avec les équipes de Val d'Or et de Malartic ?

Et dans Rouyn ?

Nous en passons. Nous ne parlons d'ailleurs que des groupes qui se déplacent, qui s'assemblent pour le travail en équipes. Mais il y a les Défricheurs qui, plus solitairement, ont porté le message cré­ditiste à un voisin, à un parent, qui ont pressé pour l'abonnement, exposant, expliquant, argumentant. Seul, le Crédit Social a fait cela ce dimanche 26 mars. Nul autre groupe politique n'a bougé le tiers autant. Vous qui lisez le journal Vers Demain, vous êtes d'ailleurs à même de constater les activités qui germent partout.

Vous y avez suivi, bien que brièvement men­tionnés, les développements inattendus qui ont répondu au zèle infatigable de notre missionnaire créditiste, M. Louis-Philippe Bouchard, dans les paroisses du fond du Témiscouata. Le même 26 mars, il porte le message jusqu'en Nouveau-Brunswick français, à Edmunston et St-Jacques de Madawaska.

Et ce dimanche 26 mars n'est pas unique. Tous les dimanches sont comme ça pour le mouvement du Crédit Social.

Un mort dynamique

Des nouveaux centres de rayonnement créditiste surgissent aux quatre coins du Canada français : à La Malbaie, dans le comté de Charlevoix ; à Brownsburg, dans le comté d'Argenteuil ; à St-André Avellin, dans le comté de Papineau ; à St-Jacques du Nouveau-Brunswick, dont nous venons de parler ; à Embrun, dans un coin d'Ontario qui devrait faire partie de la province de Québec, puis­que c'est encore la Nouvelle-France faite par des Canadiens français.

Mort le Crédit Social ? Mort en 1941 ? Allons donc. Depuis plus de huit mois, le Crédit Social est diffusé en français, chaque semaine, par les ondes de quatre postes de radio. Et si le cinquième, le plus gros, n'est plus à notre service, ce ne sont pas les créditistes qui ont reculé ; malgré le prix élevé, on payait rubis sur l'ongle.

Ce ne sont pas les financiers qui nous font des cadeaux. S'il y a de la radio créditiste, c'est parce qu'il y a des créditistes en nombre pour en faire les frais. C'était impossible en 1941. C'est devenu possible en 1944. Est-ce ainsi que se comportent les cadavres ?

Sans grosses caisses pour les gratifier d'argent, sans grosses têtes pour les honorer d'un prestige, sans grosses cloches pour leur donner de l'appui moral, les créditistes ont fait cette merveille.

C'est le mouvement des humbles, des charita­bles, des dévoués. Et c'est pour cela qu'il marche. Il n'a pas eu besoin, pour le guider, d'aller cher­cher des étoiles dans les parlements.

Il marche, mais sa marche est une ascension. Elle ne frappe point les yeux comme la descente des skieuses sur les flancs des collines enneigées. Mais c'est une ascension constante, et chaque con­quête commande de nouveaux horizons.

Nous avons déjà annoncé notre prochain Con­grès provincial du Crédit Social. Un congrès — un vrai — des créditistes de Nouvelle-France, en cette année 1944, la troisième de notre enterrement, d'après M. Robidoux de La Tribune, et d'après les scribes, de toute la presse à solde de 1941.

Pour un cadavre, le Crédit Social a sûrement des allures étranges.

Louis Even

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