De ce que l'Union Créditiste des Électeurs n'est pas un parti politique, il ne faudrait pas conclure qu'elle ne fera pas d'action politique, même de l'action politique électorale.
En tout temps, elle unit les électeurs. En tout temps, même en temps d'élection. L'élection est un incident dans les activités politiques de l'Union créditiste des Électeurs ; mais un incident qu'elle ne laisse pas passer sans y prendre une part active et intelligente.
Cette année, nous devons avoir des élections générales provinciales. L'Union créditiste des Électeurs présentera-t-elle des candidats ? Certainement, là où l'Union Créditiste des Électeurs se croit assez forte pour appuyer suffisamment un candidat créditiste.
Les créditistes ne demanderaient pas mieux que d'avoir le Crédit Social tout de suite, avec le gouvernement du jour. Ils ne sont pas du tout intéressés au pouvoir comme tel.
Mais, comme tous les partis politiques boudent le Crédit Social ou veulent le loger dans un coin reculé de leur basse-cour, les créditistes sont obligés d'entrer dans l'arène politique parlementaire. C'est ce qu'ils ont décidé à la convention de Toronto.
Ils n'ont évidemment pas décidé de placer des candidats dans tous les comtés tout de suite. Oh ! non, c'est une union des électeurs et non un clan politique à candidats. Ce ne sont pas les créditistes qui chercheront à imposer un candidat à des électeurs non créditistes.
Le Crédit Social n'impose jamais rien et ne veut rien imposer. L'Union Créditiste des Électeurs serait donc fort mal inspirée de vouloir imposer. La politique créditiste refuse toute dictature, même la dictature du prestige ou celle du bluff.
Lorsque l'Union Créditiste des Électeurs poussera des candidats dans certains comtés, c'est parce qu'elle jugera que ces comtés ont un nombre imposant de créditistes et un nombre suffisant de travailleurs pour mettre de leur temps, de leur argent et de leur personne dans le mouvement.
Le mouvement créditiste est une croisade. Ce qu'il lui faut, ce sont des batailleurs, ce sont des apôtres, avec un objectif social, et non pas avec des intérêts personnels.
L'Union Créditiste des Électeurs ne mettra pas sur les rangs, comme candidats, des hommes de plâtre, ni des embourgeoisés, pas même de simples créditistes, bons garçons, mais incapables de bouger pour une cause.
Ce serait une erreur, un anachronisme. Un anachronisme, cela veut dire une chose qui n'est pas de son temps. Eh bien, ce serait un anachronisme de prétendre envoyer au parlement des hommes qui vont rédiger des lois créditistes et les faire approuver. Nous n'en sommes pas là.
Quels que soient les efforts fournis jusqu'ici par le mouvement créditiste dans la province de Québec, quelle que soit sa vitalité, il n'en est pas encore rendu au point de couvrir la majorité des familles de la majorité des comtés. Et nous ne sommes pas des grenouilles qui perdront leur temps à vouloir se faire grosses comme des bœufs. Nous connaissons notre mesure. Si notre doctrine est sans égale, si le dévouement de nos Voltigeurs et de nos Défricheurs n'a d'équivalent dans aucun autre groupement politique, nos effectifs ne sont tout de même pas encore de taille à constituer la force prépondérante dans l'arène politique.
Aussi, dans le choix de ses candidats, lorsque le jour viendra, l'Union Créditiste des Électeurs aura en vue de placer des armes entre les mains de batailleurs. Elle choisira des apôtres, des organisateurs, des hommes qui ont déjà fait leurs preuves de dévouement et de compétence pour étendre le mouvement créditiste, pour monter des équipes de Voltigeurs et de Défricheurs. Ces hommes, elle les choisira pour que, s'ils sont élus, ils se contentent de leur indemnité parlementaire pour vivre et faire vivre leur famille et consacrent tout leur temps à poursuivre le développement de la cause dans tous les comtés de la province.
Entrer un créditiste au parlement, ce ne sera pas y entrer, un législateur. Pas à cette étape-ci du mouvement. Ce sera y entrer un apôtre du Crédit Social, payé par la province, pour porter la flamme et l'organisation créditistes de Gaspé à Hull, de Lac Mégantic aux confins nord de l'Abitibi.
Prenez un de nos meilleurs propagandistes du Crédit Social dans la province, et faites-en un député à Québec. Est-ce au Parlement qu'il servira le mieux son pays ? Sans doute qu'il y fera sa marque. Sans doute qu'il y fera bien entendre de temps en temps la note créditiste, ce qui pourra avoir un certain effet publicitaire. Mais c'est surtout en dehors du Parlement qu'il déploiera ses activités.
Son titre de député lui donnera le droit de voyager aux frais du pays sur les transports publics dans toute la province. Son indemnité, même diminuée par l'impôt sur le revenu, le dispensera de chercher un emploi au service des compagnies. C'est tout son temps qu'il pourra donner au Crédit Social. Cet homme-là, déjà expérimenté, pourra certainement faire à fond un comté par année, cinq en cinq ans.
Et si les électeurs des comtés les plus créditistes savent placer, cette année, une dizaine d'hommes de ce calibre au Parlement provincial, c'est une cinquantaine de comtés qui pourront être travaillés à fond par ces élus d'ici cinq ans.
C'est pourquoi les créditistes de Nouvelle-France commencent à proclamer les jalons de l'avenir : dans cinq ans, on aura le Crédit Social à Québec. Et ils ajoutent : dans dix ans, on l'aura à Ottawa. C'est qu'ils ne se reposeront pas, une fois Québec gagné. Ils feront déborder leur propagande et leur organisation sur les autres provinces.
Tout cela, évidemment, à condition que les créditistes soient assez perspicaces et assez unis pour comprendre et appuyer cette stratégie.
D'ici que l'élection générale soit déclarée, nous ne perdons pas notre temps à choisir des candidats ; nous l'employons à éclairer et à organiser les électeurs. Les organiser pour toute action politique, extra-électorale aussi bien qu'électorale.
Ce n'est pas le choix du candidat qui presse le plus ; c'est la préparation des électeurs. C'est l'œuvre la plus longue et la plus difficile : ce serait nuire au Crédit Social que lui enlever des énergies.
Notre mouvement se fait autour d'une doctrine ; pas autour de personnages, comme dans les partis politiques. C'est donc à la doctrine qu'il faut rallier les esprits et les cœurs. Sans doute que, le temps de l'élection arrivé, il faudra bien choisir un candidat pour recueillir le vote créditiste. Et à ce moment-là, ce serait nuire au mouvement et insulter tous les Voltigeurs, Défricheurs et apôtres du Crédit Social, que placer devant l'électorat un homme qui n'a jamais retroussé ses manches pour le mouvement.
Ce serait faire injure à tous les créditistes d'un comté, que leur demander d'envoyer au parlement, et faire payer par la province, un homme qui n'aurait pas d'abord appris à mettre sa personne et son temps au service de la cause. Ce serait donner au mouvement créditiste un enfant au biberon, au lieu de lui donner un général d'armée.
Cela ne se fera pas. Rien ne remplacera ni ne supplantera le dévouement et la compétence dans notre organisation, pas même en temps d'élections.
Cette attitude en face d'une élection provinciale, l'Union Créditiste des Électeurs la maintiendra également en face d'une élection fédérale. Les créditistes ne perdent jamais de vue leur objectif, et ils profitent de toutes les occasions pour augmenter leurs moyens d'action, afin d'atteindre leur fin le plus vite possible.