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En amour avec les taxes ?

Louis Even le samedi, 01 janvier 2000. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Formidable article de Louis Even que nous tirons du journal Vers Demain du 15 juin 1957.

Ce serait vous insulter, n'est-ce pas, que vous demander si vous êtes en amour avec les taxes. On sait bien que personne n'est en amour avec les taxes, que tout le monde les a en aversion ; que même ceux qui les imposent aimeraient mieux ne pas avoir à le faire ; mais ils s'y croient obligés.

C'est un fait que, si presque tout le monde exècre les taxes, presque tout le monde aussi les accepte. Les accepte comme un mal nécessaire. Comme une vague de froid à l'hiver, une vague de chaleur à l'été, une chose qu'on n'aime pas, mais qu'on ne peut éviter.

Entendez une personne pester contre les taxes ; puis dites-lui : "Vous avez raison, et si vous voulez, on va demander de supprimer toutes les taxes, parce qu'il n'y en a aucune d'aimable pour ceux qui les paient." Si la personne n'est pas créditiste, elle vous répondra au moins neuf fois sur dix : "Oh ! mais il faut bien des taxes !"

On trouve même des gens qui demandent au gouvernement d'augmenter les taxes... sur les autres. Sur les profits des compagnies, taxes plus grosses demandées par des ouvriers nourris sans trop le savoir de slogans socialistes. Sur le dos des propriétaires par des locataires. Sur le dos des locataires par des propriétaires, etc.

Si le gouvernement exauce les prières de ces uns et de ces autres, c'est tout le monde qui se trouvera englobé, c'est tout le monde qui connaîtra des augmentations de taxes.

D'ailleurs, quand les petits – et de bonnes âmes tendres avec eux - demandent de taxer les gros, ils oublient que les gros peuvent facilement passer la taxe aux petits sous le chapitre des prix.

De fait, la cherté des prix est due en grande partie aux taxes payées entre la matière première et la livraison du produit au consommateur. Ce n'est certainement pas une plus grande difficulté de produire qui fait monter le coût de la vie : si les prix étaient en rapport avec le degré de facilité ou de difficulté de produire, les prix descendraient toujours au lieu de grimper.

Ignominie hier, respectable aujourd'hui

On lit dans Aladdin's Lamp, par Gorham Munson :

"Un économiste américain, C. E. Ayres, rappelle qu'autrefois le percepteur de taxes était regardé comme un proche parent du diable. Et il n'est pas question là des peuplades primitives. Pendant la plus grande partie des siècles passés, chez des peuples en pleine civilisation, la fonction de percevoir les taxes était trop honnie pour être confiée à des officiers publics. On chargeait de ce travail des hommes combinant les traits du policier secret et du racketeer. Au temps de Rome, c'étaient les "publicains", avec tout le mépris attaché à ce mot par les honnêtes gens.

"Comment se fait-il donc que la taxation, si mal vue autrefois, est devenue une chose, non pas encore aimée, mais au moins respectée ?

"Selon M. Ayres, ce changement est relié à la croissance des taxes indirectes qui ont procédé au même pas que la croissance du commerce. Le progrès du commerce voilait le progrès des taxes indirectes.

"Nos marchands, remarque fort bien M. Ayres, sont devenus des percepteurs de taxes non officiels et non payés.

"La pratique moderne de comptabilité permet aux gouvernements de suivre les chiffres de commerce du marchand. Et d'autre part, le marchand peut facilement, par le système de prix, faire les clients payer ces taxes en croyant payer simplement le prix du produit lui-même.

"Les taxes, autrefois tenues pour une oppression détestable, sont ainsi devenues la forme la plus respectable d'oppression, absoute par les victimes mêmes qu'elle saigne." (Aladin's Lamp, p. 300)

Anachronismes

Objets de répugnance hier, compagnes acceptées aujourd'hui. Or, c'est justement aujourd'hui que les taxes, au lieu d'augmenter avec l'expansion économique, devraient diminuer, diminuer graduellement et rapidement, jusqu'à disparaître complètement. L'existence de taxes dans le monde moderne est un véritable anachronisme.

Personne ne niera que, dans nos pays évolués, la capacité de production croît sans cesse. Cette croissance est un enrichissement. Ce ne sont pas des taxes, mais des ristournes, des dividendes, - qui doivent correspondre à un enrichissement. Des taxes en même temps que le progrès ne peuvent être que l'indication, et le résultat, d'un système financier faux. Il y a fondamentalement contradiction entre taxes et progrès.

C'est pour cela que les créditistes, qui réclament un système financier représentatif des réalités économiques, disent : "Ce n'est plus le temps des taxes, c'est le temps des dividendes." D'où encore le slogan de nos jours : Contre les taxes, Pour le dividende. Exactement le contraire des socialistes qui crient contre les dividendes touchés par des capitalistes. Les socialistes veulent raser le système de dividendes ; les créditistes veulent l'étendre à tout le monde.

Le socialisme est, comme les taxes, un anachronisme.

Il y a des intellectuels qui écrivent que le socialisme est dans le sens de l'histoire. Ces intellectuels-là aussi sont un anachronisme. Ils ne sont même pas encore rendus à l'âge de la vapeur ; avec quel accoutrement vont-ils entrer dans l'âge de l'automatisme ?

Le sens de l'histoire, violé ou violenté, il est vrai par des influences puissantes, c'est vers une civilisation de sécurité économique pour tous, de dividendes pour tous ; une civilisation d'activités libres et non plus d'embauchage forcé pour avoir le droit de vivre ; une civilisation d'associationnisme et non plus de salariat ; une civilisation de liberté et d'épanouissement de la personne, et non plus d'enrégimentation et de collectivisme ; une civilisation de Crédit Social et non pas une fourmilière socialiste. Mais revenons aux taxes.

Les taxes ne sont plus nécessaires

Il y a quelques années, un groupement créditiste d'Eastbourne (Angleterre) écoutait une conférence de M. Feather, de Southend. Ce Monsieur Feather est membre de l'Institut de Comptables Agréés d'Angleterre. C'est dire qu'il s'y entend en fait de comptabilité. Et n'oublions pas que le système d'argent est essentiellement un système de comptabilité.

M. Feather avait choisi comme titre de sa conférence : "Les taxes sont-elles vraiment nécessaires ?" À quoi il répondait : Bien que la taxation puisse être nécessaire et inévitable dans une société primitive, le cas est très différent dans les conditions modernes de production. Et il est erroné d'accepter le système de taxes comme inévitable et universellement nécessaire.

Dans une société primitive, lorsque toute production provenait de labeur manuel, la production totale pouvait bien être à peine suffisante pour échapper à la famine. Il pouvait être nécessaire de priver les producteurs d'une partie des produits qu'ils avaient gagnés par leur travail, afin de procurer de quoi vivre à ceux qui, occupés à l'administration ou à la défense du pays, ne pouvaient eux-mêmes produire. Il fallait bien taxer le producteur d'une partie de son gain personnel.

Mais la production moderne est une tout autre affaire. La plus grande partie de la production moderne n'est pas du tout due au labeur des individus qu'elle occupe. La majeure partie est due à l'emploi de force motrice, à des machines de plus en plus efficaces, de plus en plus productives avec moins de labeur humain. Cette production-là ne peut pas toute appartenir aux servants des machines ; ils ne pourraient d'ailleurs pas l'absorber toute. Les machines non plus ne peuvent pas consommer ce qu'elles ont largement aidé à produire.

Une bonne partie de la production est donc disponible pour ceux qui sont pris par l'administration du pays et autres non-producteurs.

C'est simplement une question d'établir un mode de distribution qui corresponde à ce fait, qui assure à tous un pouvoir d'achat tenant certainement compte des diverses fonctions, mais n'appauvrissant personne, puisque la production est ou peut facilement être abondante, quand on la laisse répondre aux besoins accompagnés de pouvoir d'achat.

C'est en somme faire le progrès remplacer les taxes. La taxation n'est plus nécessaire. Il suffit d'adapter aux conditions modernes des règlements financiers établis pour des conditions primitives.

Et quelle logique y a-t-il à diminuer la part de Pierre qui aide les machines à produire, pour fournir une part à Paul qui administre, quand il y a amplement de quoi fournir à Paul sans enlever à Pierre.

Louis Even

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