Qu'on mente lorsqu'on porte des cornes, qu'on a le diable pour père, cela se comprend.
Mais, mentir en promenant un manteau de nationalisme et de sauveur de la famille, c'est révoltant. N'est-ce pas qu'alors le manteau couvre autre chose ? Peut-être la soif du pouvoir, ou la jalousie de voir d'autres mouvements gagner le cœur du peuple.
Quelles qu'aient été les intentions, pures, impures ou mélangées, de M. Victor Trépanier, il a menti à Saint-Hyacinthe, le dimanche de Quasimodo, en présentant à ses auditeurs le Crédit Social comme un groupe politique pro-guerre et en disant qu'un des principaux chefs du Crédit Social avait soumis à la Convention de Toronto une résolution pour demander l'intensification de l'effort de guerre.
Nos bloquistes auraient triomphé si les créditistes du Québec étaient revenus de Toronto, pris dans les mailles d'un parti impérialisme. Parce que nous sommes revenus aussi libres de nos idées et de nos opinions qu'en y allant — mieux que cela, parce que pas un mot d'impérialisme n'a été prononcé à Toronto, ces purs sont déçus. Ils devraient célébrer une victoire pour les idées qu'ils prêchent, ils mâchonnent une déception.
Il est de ces gens qui affichent de belles doctrines et qui semblent prendre plaisir à les voir méconnues des voisins. Perversité ? Non, mais ils souhaitent les fautes du voisin pour se donner du lustre. Seraient-ils plus intéressés à jucher leur petite personne qu'à faire prévaloir leurs grandes idées ?
Quant à M. Trépanier, il va plus loin. Si, en furetant, il ne découvre rien, il invente ou il saute sur une invention de journaliste de son calibre.
M. Trépanier s'est déjà dit créditiste. En ce temps-là, il parlait à des auditoires créditistes. Était-il sincère ?
La question se pose, parce que ce n'est pas l'unique zigzag dans la vie politique de M. Trépanier. Quand publiera-t-il dans Le Bloc, pour l'édification de la province, la lettre qu'il écrivait à M. Maxime Raymond le 21 juillet dernier ?
Pour M. Trépanier, la "politique en ligne droite" consisterait-elle à humer le vent politique pour orienter ses voiles ?
L'autre menteur du Bloc — sans doute pas le dernier — est à Rouyn. Il est dentiste et s'appelle docteur Henri Sanson.
La Frontière du 20 avril nous apprend que, le même dimanche de Quasimodo, le trio des aristocrates — Dr Rioux, Dr Sanson, agent d'assurance Maurice Caouette — parlait à une assemblée du Bloc Populaire à Rouyn-Sud. Le docteur Sanson "rappela les promesses violées des libéraux et dénonça la politique extérieure du Crédit Social, parti qui est encore plus impérialiste que les autres. À ce moment, le docteur Sanson fut interrompu par un partisan du Crédit Social, mais il lui répliqua en prouvant ses avancés par les rapports que les journaux ont donnés sur le récent congrès créditiste de Toronto."
Les rapports de quels journaux, s'il vous plaît ? De Today and Tomorrow, journal créditiste d'Alberta, ou bien de Vers Demain, journal créditiste du Québec ?
Il nous semble que, si l'on veut des rapports véridiques sur un congrès créditiste, il faut le demander à des organes créditistes ou à des délégués présents au congrès.
La manière du docteur Sanson est au moins curieuse. Faudra-t-il aller chercher la vérité sur la doctrine et la vie de Notre-Seigneur dans le Coran de Mahomet ? Ou faudra-t-il lire le journal Le Canada pour savoir quoi penser du Bloc Populaire Canadien ?
Le docteur Sanson est-il sérieux ?
Remarquons que le docteur Sanson et ses deux confrères du trio de Rouyn ont déjà, eux aussi, appuyé le Crédit Social. Est-ce parce que le mouvement créditiste élève la masse au lieu de consolider la puissance de ceux qui la dominent, qu'ils tournent maintenant leurs batteries contre le Crédit Social ?
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La gestation politique du Bloc est laborieuse — il n'y a pas de mal à cela. Mais si sa progéniture doit multiplier les menteurs, les ambitieux, les jaloux, nous, lui souhaitons, pour l'amour du peuple, une longue stérilité.