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Chez le fabricant de piastres

le vendredi, 01 octobre 1943. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

La 11ème causerie de l'Union des Électeurs à la radio, préparée par M. Louis Even, expli­quait comment l'argent vient au monde sous la plume du banquier. Même les lec­teurs de Vers Demain qui sont déjà fami­liers avec ces notions trouveront avantage à relire la présentation imagée d'un fait qu'ils doivent pouvoir expliquer à des non initiés.

Encore l'argent !

Nous parlons beaucoup d'argent, parce que, dans notre monde moderne, l'argent joue un rôle souverain dans l'économie des pays civilisés.

Nous n'ignorons pas que l'argent n'est qu'un signe, qu'une convention donnant droit aux pro­duits. Ce sont les produits qui comptent, nul ne le sait mieux que les créditistes.

Mais puisque les réglements du système ac­tuel font passer le signe avant la chose, puis­qu'ils placent l'argent sur le trône, il faut bien suivre le comportement de cet usurpateur, depuis son berceau jusqu'à sa tombe (car l'argent naît et meurt). On saura mieux ensuite par où le prendre pour le dompter.

Du métal à la comptabilité

La forme de l'argent peut changer. L'argent métal a longtemps régné. Puis on s'est habitué à l'argent de papier. Tout le monde accepte et passe librement l'argent de papier qui, en lui-même, a si peu de valeur.

Ça ne coûte pas plus de papier, pas plus d'en­cre, pas plus de travail, pour faire un billet de $100 que pour faire un billet d'une piastre. Il n'y a qu'à mettre deux zéros au bout du 1, en l'imprimant, et le billet va décoller cent fois plus de marchandises — pourvu, évidemment, que les marchandises soient là, en abondance relative au nombre de piastres.

C'est celui qui produit la marchandise qui fait la vraie chose. Celui qui voit aux piastres n'a besoin que de savoir tenir une comptabilité de ce qui se fait.

C'est tellement vrai que, aujourd'hui, dans le commerce tant soit peu important, on se passe même de la monnaie de papier. On se contente de comptabilité. On marche par chèques.

Le chèque

Le chèque est une simple formule, sur une feuille de papier quelconque, pour dire à un ban­quier de diminuer le compte d'une personne qui achète et d'augmenter le compte d'une autre personne qui vend.

J'achète de la maison Dupuis Frères une gla­cière de $150. J'ai de l'argent à la banque. Je n'irai même pas chercher une piastre de papier à la banque pour payer. Je vais simplement pren­dre une formule toute préparée et remplir les blancs. Elle se lira comme suit :

Banque Canadienne-Nationale

Payez à Dupuis Frères la somme de $150

(Et je signe mon nom)

Je passe mon chèque au marchand ; il me livre la glacière. La maison Dupuis Frères envoie mon chèque à la banque. La banque diminue mon compte de $150 et augmente le compte de Dupuis Frères de $150. Et ça finit là. Pas une pias­tre de métal ni de papier n'a bougé.

Cela, c'est de la simple comptabilité. On paie de cette façon des meubles, des maisons, des fer­mes, des machines, du transport, des services professionnels. Des petites sommes, des grosses sommes. Le chèque est devenu la manière ordi­naire dans le grand et le moyen commerce. Il sert 15 à 18 fois plus que l'autre argent. Le mé­tal et le papier ne sont plus que de l'argent de poche. L'argent de chèque devient le véritable soutien du commerce, le vrai sang de la vie éco­nomique.

Compte de banque par épargne

Mais pour écrire des chèques, il faut avoir un compte de banque.

Il y a deux manières d'avoir un compte de banque.

Première manière : Porter de l'argent à la banque. Je remets au banquier du papier ou du métal, et il inscrit le montant total à mon crédit.

Cette manière de bâtir un compte de banque ne change rien au montant total d'argent du pays. Elle ôte de la circulation du métal ou du papier, et elle les remplace par le droit de faire des chèques pour payer. C'est simplement de l'argent de poche changé en argent de compte ; c'est l'argent de papier ou de métal mis dans un tiroir et remplacé par de l'argent de chiffres mis dans un livre. Au lieu d'aller d'une main à l'au­tre, l'argent ira d'un compte à l'autre pour payer ; mais le total à la disposition des échanges reste le même.

Évidemment, si quelqu'un qui a reçu un chè­que se présente à la banque pour avoir de l'ar­gent à la place, c'est le contraire qui arrive. L'ar­gent de livres diminue et l'argent de poche aug­mente : le total reste encore le même.

Compte de banque par emprunt

Il n'en est plus ainsi dans l'autre manière de monter un compte de banque, cette autre ma­nière qui constitue le nerf du système d'argent actuel.

Et quelle est donc l'autre manière de monter un compte de banque ? L'autre manière, c'est d'emprunter de l'argent à la banque.

Tout le monde connaît la première manière — porter de l'argent à la banque. Mais la deuxième manière — emprunter de l'argent à la banque — est moins connue et moins comprise. Voyons un peu en quoi elle consiste.

Voici un industriel qui désire $100,000 pour agrandir son usine. Il se présente à la banque. Le banquier examine son cas. S'il juge que c'est un bon placement, il demande des garanties à l'industriel : des gages, des hypothèques sur son usine actuelle, sur sa maison privée, sur les obli­gations ou les assurances qu'il peut avoir en sa possession. Le banquier se protège : il lui faut des garanties bien au-dessus de la somme prêtée — deux fois, trois fois autant.

Puis le banquier prête. Disons qu'il prête $100,000 à 5 pour cent d'intérêt. Que fait-il pour prêter ?

Le gérant rédige ce que la banque appelle un "chèque d'escompte", pour la somme de $100.­000. C'est-à-dire que le gérant, au nom de la banque, ordonne à la banque de payer $100,000 à l'industriel.

Armé de ce morceau de papier, l'industriel s'en va au guichet. Va-t-il demander au caissier de lui donner $100,000 en papier et s'en aller avec cet argent dans ses poches ? Il le pourrait, mais ce n'est pas cela qu'il choisit, pas pour une somme aussi considérable. L'industriel préfère endosser le chèque et le déposer, demandant au compta­ble d'enregistrer le montant dans son livre, au crédit de l'industriel. Cet industriel-là, en effet, a l'habitude de payer en chèques : c'est plus sûr, plus souple et plus commode.

Le comptable fait les écritures. Il commence par ôter du montant du chèque la somme de $5,000, qui représente l'intérêt convenu. Il place ces $5,000 au crédit de la banque, dans le comp­te "Intérêts et Escomptes". Voilà la banque payée tout de suite pour sa bienveillance et pour le service de comptabilité qu'exigeront les dépla­cements par les chèques. Voilà au moins un em­ployé qui sait se faire donner son salaire avant même de commencer à travailler !

Il reste $95,000, que le comptable place au crédit de l'industriel. Celui-ci s'en va. Il sort de la banque avec une base à chèques de $95,000, sur laquelle il tirera à mesure de ses besoins.

Il emporte aussi, dans sa mémoire et sur sa conscience, l'obligation d'apporter à la banque $100,000 d'ici un an, en retour de l'usage des $95,000. Mais oublions, pour aujourd'hui, la question du remboursement et examinons le nouveau-né. Le nouveau-né ? Mais oui, ce compte de $95,000 qui vient de naître pour l'industriel.

Argent tout neuf

Pas une piastre de métal ou de papier n'est en­trée dans le tiroir du banquier à l'occasion de cet emprunt. Pas un seul autre compte, non plus, n'a diminué pendant que ce compte prenait corps.

Deux comptes ont augmenté : $5,000 au nom de la banque, $95,000 au nom de l'industriel. To­tal, $100,000. Sans rien enlever nulle part. Sans déranger ni une poche, ni un tiroir, ni un compte.

Voilà donc, du coup, $100,000 de plus d'argent pour jouer dans le commerce du pays.

C'est de l'argent tout à fait nouveau. De l'ar­gent qui n'existait pas avant le prêt et qui existe après.

De l'argent de chiffres seulement, il est vrai, mais c'est cet argent-là qui compte le plus au­jourd'hui. C'est avec cet argent-là que sont mon­tées les grosses industries modernes ; avec cet ar­gent-là qu'est conduite la guerre entre 40 na­tions.

Cet argent nouveau est assurément représenté par des valeurs et son existence est justifiée pour permettre les échanges que nécessiteront les pro­duits augmentés par l'entreprise de l'industriel. Oui ; et lorsque nous étudierons la base de l'ar­gent, il sera intéressant de remarquer que ceux qui règlent le volume de l'argent, qui le font naî­tre ou disparaître à leur gré, qui tiennent ainsi le monde sous leur sceptre, sont justement des gens qui ne produisent rien de ce qui fait la base de l'argent.

La boutique à piastres

L'acte de naissance de l'argent est soudé à une dette envers la banque. Et c'est la condition in­dispensable dans le système absurde du jour. Pour que de l'argent nouveau vienne au monde, il faut que quelqu'un, quelque part, emprunte ; il faut que quelqu'un — particulier, institution ou gouvernement — s'endette envers la banque.

Tout développement qui exige de l'argent nou­veau exige une dette envers la banque. Tout ar­gent nouveau est taxé à sa naissance, et cette taxe est une taxe de la banque sur le progrès.

On a vu les $100,000 de l'industriel, pour un dé­veloppement nouveau, taxés de $5,000. Et la taxe est prélevée tout de suite. Le banquier ne tient pas à être le perdant. La première tranche de l'argent fait d'un trait de plume va au banquier, avant même que l'emprunteur soit sorti de la bou­tique du fabricant de piastres.

La boutique du fabricant de piastres, c'est la banque, parce qu'il n'y a rien qu'elle qui tient une plume pour faire des piastres. Le gouvernement ne tient pas une plume pour faire des piastres. Il a passé cette plume-là aux banques à charte. Et lorsque le gouvernement veut de l'argent, il fait comme l'industriel : il va à la boutique du fabri­cant de piastres, il emprunte.

La plume du gouvernement, comme celle du particulier qui emprunte, est une plume qui signe des dettes. Le souverain est devenu mendiant ; le banquier est devenu souverain.

Considérons ces deux plumes en présence l'une de l'autre ; la plume du faiseur d'argent et la plume du faiseur de dettes, la plume du maître et la plume de l'esclave, la plume de la banque et la plume du gouvernement. On a là l'explication du phénomène renversant de la finance en selle et des gouvernements en croupe.

Conclusion pratique

Le fait d'avoir un argent moderne si facile à faire, d'un trait de plume, permet d'introduire un système d'argent où la plume qui fait les chif­fres irait d'après la production du pays. Un di­vidende national peut se faire d'un trait de plu­me, tout comme la dette nationale se fait d'un trait de plume. La technique de l'argent de comptabilité est excellente : il suffit de changer l'objectif. L'arme est puissante, mais elle doit être arrachée des mains de l'endetteur et remise aux mains de la société. C'est à quoi travaille l'Union des Élec­teurs.

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