Si la Direction du journal me le permet, chers nouveaux abonnés à "Vers Demain", je voudrais vous féliciter du geste que vous avez accompli en devenant membres de la grande famille créditiste ou du moins en vous rapprochant de ceux qu'un idéal commun unit et enflamme.
C'est maintenant par dizaines de milliers que se comptent vos frères lecteurs, et vous vous sentirez en bonne compagnie si vous songez que votre plaisir est partagé par des religieux éminents, des ministres du gouvernement d'Alberta et des créditistes d'Australie et d'Angleterre qui, eux, doivent traduire "Vers Demain" dans leur langue pour en goûter toute la saveur.
Vous imaginez bien que le dollar que vous avez donné pour votre abonnement paie à peine le papier et l'imprimeur. Aussi, ne trouvez-vous pas extraordinaire qu'il vous soit loisible de suivre vingt-quatre cours d'économie par année pour un prix aussi minime ? Il n'y a qu'une explication à cela et c'est le mot "dévouement". Je n'insiste pas davantage sur ce mot, car je connais assez la modestie de nos directeurs pour craindre qu'ils ne jettent mes feuilles au panier sans vous faire part de ce qu'elles contiennent.
Mes amis, dès la lecture du premier numéro de "Vers Demain" que vous avez reçu, vous avez sans doute réalisé quel placement sérieux et profitable constituait votre dollar. Si j'en crois ma propre expérience, vous avez dû apercevoir tout de suite des horizons insoupçonnés jusqu'alors et sentir combien, auparavant, vous étiez peu préparés à soutenir une lutte ou une simple discussion contre ceux qui voudraient nous ravir notre liberté sous prétexte que la démocratie a permis des abus.
Eh bien, sachez que notre journal est une manne pour ses anciens lecteurs aussi bien que pour les nouveaux et que, dussiez-vous renouveler votre abonnement pendant dix autres années, vous trouverez toujours dans ses pages de quoi vous instruire et donner du fini à vos opinions.
Pour ma part, je n'ai jamais eu d'autre professeur que "Vers Demain" en économique. Je tiens de lui le peu que je sais.
Mes parents ont dépensé deux mille dollars pour mon instruction et, pour dire le vrai, j'ai appris de fort belles choses. Seulement, quand la crise est venue, j'ai chômé plus souvent qu'à mon tour. J'ai vu tout autour de moi des gens qui mettaient la dépression sur le dos des curés ; d'autres qui reprochaient à Dieu de leur faire un mauvais sort, alors que le pays débordait de richesses créées par Dieu. Pauvre ignorance !
Mais où étaient donc ceux qui auraient dû jeter un peu de lumière sur une telle confusion ? Dans quel lieu se cachaient ceux qui aujourd'hui se proclament les meneurs et les sauveurs attitrés du peuple ? Meneurs, oui, c'est le panache qu'ils convoitent ; mais sauveurs, ils ne le seront jamais !
Dans le Québec, un homme s'est levé, seul dans ce temps-là, pour éclairer nos ténèbres d'une humble feuille qui s'appelait alors "Cahiers du Crédit Social" et qui s'appelle maintenant "Vers Demain". Cet homme disait : "Nous avons tout ce qu'il faut sous les yeux. Il ne manque plus que du pouvoir d'achat pour nous le procurer, à nous d'en mettre !" On le prit pour un halluciné, un utopiste dans le genre d'Aberhart.
Ceux-là mêmes qui trouvaient logique de crier ou d'écrire : "Si nous voulons du français, à nous d'en mettre" ne firent aucun effort pour reconnaître qu'il était pour le moins aussi raisonnable de vouloir créer de l'argent lorsqu'il en manquait. Soupirer après du français, c'est grand, c'est noble, c'est patriotique, j'en conviens ; mais n'est-ce pas aussi grand, aussi noble et aussi patriotique de soupirer après de l'argent, quand le manque d'argent pousse les nôtres à apprendre plutôt l'anglais que le français, afin de se quêter des "jobs" avec meilleures chances de succès ? Enfin, passons.
Il y a quelques jours, M. Graham Towers, gouverneur de la Banque du Canada, admettait qu'il était bien vrai que le pays s'était considérablement endetté depuis la guerre, mais il prenait soin d'ajouter que cela ne devait effrayer personne puisque le pouvoir d'achat avait aussi considérablement augmenté ! Cette déclaration mirobolante peut être de la mélasse pour les mouches et les gogos, mais un lecteur assidu de "Vers Demain" ne s'y laisse pas prendre. Que diriez-vous en effet d'un cultivateur qui s'endetterait à mesure que ses revenus montent ? Chut, je connais votre réponse. Et vous iriez plus longtemps permettre à votre gouvernement souverain d'endetter le pays à mesure qu'il se développe ? Et vous souffririez encore qu'un gouvernement qui administre à l'encontre du gros bon sens et du bien commun s'affuble du nom pompeux de gouvernement démocratique ?
Ah, mes amis, ce que vous allez en découvrir des choses dans la littérature créditiste !
Un lecteur qui aime et apprécie ce qu'il lit trouve tout naturel d'en dire un mot à son voisin. Il faudrait être bien égoïste pour garder son plaisir à soi tout seul, et bien dénaturé pour ne pas chercher à enseigner aux autres ce qu'on a soi-même appris. Aussi n'ai-je pas besoin de vous rappeler, nouveaux frères, jusqu'à quel point il importe de répandre la lumière du Crédit Social autour de vous, dès que vous avez acquis la conviction que c'est véritablement une lumière.
Si le journal "Vers Demain" vous a procuré à vous satisfaction et profit, il y a tout à gager que vos semblables y puiseront au même degré joie et connaissances. Certes, vous rencontrerez des durs à cuire, car vous aurez à abattre des préjugés et à démolir des temples bleus et rouges. Mais par contre, vous croiserez une foule de gens qui cherchent leur voie et qu'il faut cueillir avant qu'ils ne s'engouffrent dans les idéologies trop suffocantes et trop troublantes du socialisme et du communisme.
Puisque nous sommes maintenant frères en "Vers Demain", je ne voudrais pas vous quitter sans vous tendre la main par-dessus les misères physiques et morales de nos compatriotes ; par-dessus la foi qui s'étiole, les âmes qui se perdent, les cœurs qui s'avilissent, les corps qui se dégradent ; par-dessus toutes les laideurs que notre société engendre parce qu'elle a manqué, dans bien des cas, au moment psychologique, un petit bout de papier portant des chiffres. Oui, par-dessus tout ce désordre, serrons-nous la main et puisons dans ce geste symbolique la force nécessaire à renverser le bataillon de préjugés et de lâchetés qui se dresse contre nous !
TIGAS