L'Action Nationale est en veine de devenir un organe anti-créditiste,
L'Action Nationale, ou plutôt le sieur François-Albert Angers, consacre 35 pages de son édition de février, après y avoir consacré 35 pages de l'édition de janvier, sans compter les sorties précédentes, à essayer de démolir le Crédit Social.
M. Angers écrit triomphalement : Les colonnes du Temple s'écroulent. C'est-à-dire sans doute : Les colonnes de l'autre Temple, du Temple de Mammon, restent solides. Il le souhaite : donc c'est vrai. Est-ce que, pour ces grands esprits, les choses ne sont pas ce qu'ils veulent que les choses soient, et non pas ce que les choses sont réellement ?
En tout cas, monsieur Angers a travaillé avec ardeur. Il ne chômera jamais ; parce, lorsqu'il ne trouvera rien à combattre, il montera des mannequins, ou des moulins à vent, comme le célèbre dom Quichotte.
C'est un peu ce qu'il fait déjà quand il parle du Crédit Social.
Où monsieur Angers a-t-il vu que le Crédit Social veut supprimer le travail ?
Le Crédit Social dit : l'argent d'après la production. Il faut au moins que la production existe. Et s'il faut du travail pour avoir la production, comme M. Angers l'affirme et le réaffirme, qu'a-t-il à craindre ?
La différence entre son point de vue et le nôtre, c'est que, pour lui, le travail est une fin ; pour nous, c'est un moyen.
Nous ne connaissons pas un homme intelligent qui travaille sans avoir une fin quelconque présente à l'esprit.
Quant à la loi du plus possible pour rien, ou du plus possible avec le moindre effort possible, elle est en parfaite conformité avec toutes les aspirations humaines.
Celle du moins possible avec le plus d'effort possible est conforme au sadisme des tyrans, et mise à l'honneur par la Gestapo dans les prisons et les camps de concentration.
Si nous avons fourni des textes de sources honorables à M. Angers, c'est parce qu'il avait lui-même, le premier, porté la question sur le terrain des "principes fondamentaux du christianisme".
Nous pouvons fort bien, s'il le désire, lui abandonner la palme de l'exégèse, et nous tenir sur les barricades du simple bon sens.
En face d'une montagne de produits et de maisons vides, notre bon sens se refuse à admettre qu'il faut travailler pour faire plus de produits quand on détruit déjà ceux qui sont là, faute de place pour les entreposer.
Et quand on brûle le blé ou les oranges, ou qu'on jette le lait aux égouts, plutôt que de permettre à des familles de les avoir, sous prétexte qu'elles n'ont pas participé à les produire, nous nous refusons à croire que ce soit pour respecter les principes fondamentaux du christianisme, ou même de l'humanisme le plus rudimentaire.
M. Angers peut faire suivre sa chicane des magnifiques textes du Père Dugré sur la dignité du travail, cela n'enlève rien à la logique du Crédit Social. Les créditistes, d'ailleurs, sont les moins paresseux des hommes de Nouvelle-France, et les adversaires du Crédit Social ne s'en aperçoivent que trop.
Les embourgeoisés se recrutent bien plus dans les rangs des parcheminés ou des satisfaits du système que dans les rangs des créditistes. Et en idéal, les créditistes ne le cèdent à personne. Ils n'oublient pas plus que d'autres, par exemple, le deuxième commandement du Sauveur.
Quant à la remarque de M. Angers au sujet de la religion du Major Douglas, nous aimerions bien savoir quels sont les saints ou les grands catholiques auxquels nous devons l'institution du système bancaire contemporain. Il y a bien aussi une philosophie dans le système qui charge l'argent d'un intérêt dès sa naissance. À quelles sources catholiques de leur époque les fondateurs de la Banque d'Angleterre, et des autres institutions copiées sur elle, ont-ils puisé la justification de leur accaparement du crédit ?
Les patients lecteurs de M. Angers auront peut-être un autre chapitre de 35 pages sur le sujet. C'est que, lorsqu'il écrit, M. Angers n'est pas tout à fait opposé au "beaucoup pour rien".