Les journaux du 31 octobre reproduisaient une dépêche de la B.U.P. par Harrison Salisbury, ayant trait à la concurrence entre deux factions dans le gouvernement actuel de la France : la faction Darlan et la faction Pucheu :
Résumant la question dans un sous-titre, La Presse de Montréal écrit "Derrière la politique se dissimule la concurrence de deux grandes banques, dont l'une veut ravir à l'autre la suprématie sur l'industrie."
L'industrie existe pour les banquiers — personne n'ignore plus cela. Mais, entre bêtes de proie on se bat férocement parfois.
D'après la dépêche, le groupe Pucheu comprendrait, outre M. Pierre Pucheu, six autres membres du gouvernement et aurait l'appui de M. Pierre Laval, ancien vice-président actuel du conseil. Ce groupe est lié à la Banque de Worms, qui dominait jadis le financement du commerce français, qui finançait avant la guerre quelques-unes des entreprises de M. Pucheu, et qui finançait récemment la vente à un consortium franco-allemand de l'entreprise Delaunay Belleville, fabricante de moteurs Diesel et de gazogènes au charbon de bois.
L'autre groupe, celui de l'amiral Jean-François Darlan, vice-président actuel du conseil, comprendrait quatre autres membres du gouvernement, trois généraux et un amiral, et serait lié à la Banque de Paris et des Pays-Bas, qui détient actuellement la prépondérance.
Les autres membres du conseil sont simplement fidèles au maréchal Pétain, sans liaison à l'une ou l'autre des deux grandes banques rivales.
Comme quoi l'on voit que les banquiers sont en appétit sous tous les régimes : démocraties, soviétisme, dictatures militaires, dictatures politiques, et jusque dans les tentatives de redressement social et national. Le maréchal Pétain en faisait la constatation dans un discours récent irradié dans toute la France :
"Nos comités d'organisation économique n'ont pas donné les résultats qu'on leur avait tracés. Le choix des membres de ces comités a été difficile : on n'a pas pu toujours trouver sur les mêmes têtes, l'impartialité et la compétence. Ces organismes provisoires, créés sous l'empire d'une nécessité pressante, ont été trop nombreux, trop centralisés et trop lourds. Les grandes sociétés s'y sont arrogé une autorité excessive et un contrôle souvent inadmissible.
"À la lumière de l'expérience, je corrigerai l'œuvre entreprise et je reprendrai contre un capitalisme égoïste et aveugle la lutte que les souverains de France ont engagée et gagnée contre la féodalité. J'entends que notre pays soit débarrassé de la tutelle la plus méprisable : celle de l'argent."