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Dictature sotte, inexplicable, inhumaine

Louis Even le jeudi, 01 juillet 1954. Dans Banques

Dictature sur les corps publics

Il y a des centaines de trous dans les rues et les trottoirs de Montréal, et dans la même ville, des milliers de chômeurs qui demandent de l'emploi. Mais les trous restent dans les rues et les chômeurs dans leur chômage et leur misère.

Il y a dans la province de Québec des hôpitaux à bâtir, des routes à construire et à réparer; et, dans la province aussi, des milliers de chômeurs qui cherchent de l'ouvrage.

Qu'est-ce qui empêchent la ville de Montréal, les autres villes, la province elle-même, d'utiliser la main-d'œuvre qui attend, pour accomplir des travaux que la communauté réclame? Toutes les administrations nous le disent: c'est le manque d'argent pour payer.

Pourquoi la communauté ne peut-elle financer ce qu'elle est capable de produire? Pourquoi ce qui est physiquement possible et demandé par tous, est-il rendu impossible par défaut d'argent, par défaut de bouts de papier imprimé ou de chiffres dans un compte de banque?

Pourquoi le système d'argent entrave-t-il l'exercice du système de production? Qu'est-ce qui le rend supérieur? Qu'est-ce qui empêche les corps publics à laisser les besoins béants et les bras oisifs?

Le système d'argent ne vient pourtant ni de Dieu, ni de la nature. Il a été établi, est accepté, maintenu ou modifié, par les hommes eux-mêmes. Peut-on croire que des êtres intelligents aient établi un système d'argent pour se créer des obstacles, pour rendre impossible l'exécution très possible de choses qu'ils désirent?

Le but du système d'argent ne peut pas avoir été d'empêcher les bras de prendre des pierres, du bois, de l'acier, et de bâtir; d'empêcher les hommes de travailler et les villes de faire boucher les trous de leurs rues!

N'y a-t-il pas là, la dictature la plus sotte, la plus inexplicable, en même temps que la plus inhumaine, la plus cruelle pour les personnes qui en souffrent à la fois dans leur chair et dans leur esprit?

Dictature sur nos vies

Cette tyrannie n'affecte pas seulement les services publics. Elle est encore plus visible dans la vie des individus et des familles.

Entrez dans les maisons, et questionnez le père ou la mère de famille. Quel est leur souci le plus constant pour aujourd'hui et pour demain? Qu'est-ce qui tourmente la maman chaque fois qu'elle doit s'approvisionner pour la famille? Craint-elle que demain, elle ne puisse plus trouver au pays du pain, de la viande, du beurre, du lait, des chaussures, des habits, des remèdes, pour répondre à des besoins de son mari, de ses enfants, d'elle-même?

Non, évidemment. Ce qu'elle craint, c'est de n'avoir pas d'argent pour payer et obtenir ces choses-là.

Pourquoi les citoyens ne peuvent-ils être rassurés sur le lendemain? Pourquoi doivent-ils craindre de manquer du nécessaire, quand le Canada est capable d'offrir plus qu'il ne faut pour le nécessaire à tous?

Ne serait-il pas, au contraire, logique, que leur niveau de vie soit en rapport avec la capacité de production de leur pays? Cette capacité de production est loin d'être toute utilisée.

Malgré qu'une partie importante de la production soit détournée vers d'autres fins que la satisfaction des besoins humains, beaucoup de gens chôment, parce qu'il y a trop de produits qui ne s'écoulent pas, alors que les familles en ont besoin. Et parce que ces gens chôment, ils deviennent encore moins capables d'acheter l'abondance qui les fait chômer.

N'est-ce pas là une absurdité, en même temps qu'une barbarie? Qu'est-ce qui empêche toute la production possible et désirée d'être faite et d'entrer dans les maisons où on en a besoin?

Toujours le même obstacle: un obstacle d'argent. Et encore une fois, obstacle ni divin, ni naturel; mais fait de main d'homme: obstacle purement artificiel.

À moins d'être l'œuvre d'un tyran sadique, le système d'argent ne fut pas décidé pour empêcher les produits de passer du marchand qui veut vendre chez la mère de famille qui veut acheter.

On ne construit pas un système de routes pour empêcher de circuler, mais au contraire pour favoriser la circulation. De même, le but d'un système d'argent sain, c'est de favoriser la répartition et l'écoulement des produits vers les besoins, et non pas d'y mettre obstacle.

Instrument social devenu antisocial

Mais, s'il a pu être bon autrefois, notre système d'argent n'est plus sain aujourd'hui. Il est vicié, archi-vicié. Il a perdu sa vocation. Il est devenu une difficulté, au lieu d'une facilité; une punition au lieu d'un service.

Ceux qui fabriquent ou suppriment l'argent, le crédit financier, les dollars, ces individus-là exercent un droit de régie sur la production et sur la capacité de production du pays. Ils émettent, ou retirent, selon leur jugement, ou selon leurs intérêts, l'instrument qui permet d'acheter, qui permet d'amener les produits là où sont les besoins.

En contrôlant ainsi l'argent et le crédit, ils tiennent nos vies dans le creux de leur main.

Puisque le dollar donne droit aux produits de n'importe qui, la fabrication ou la suppression de l'argent est une fonction de nature sociale. Cette fonction devrait donc être exercée par un organisme social, et non pas par une institution à profit. On n'accepterait pas que la justice soit rendue par une compagnie privée, en vue de ses propres profits. Pourquoi accepte-t-on que le contrôle de l'argent, fonction de nature sociale, soit entre les mains d'institutions privées existant et fonctionnant pour leurs propres intérêts?

Ce n'est, en effet, ni vous, ni moi, ni votre maire, pas même votre gouvernement, qui décide qu'il y aura tant ou tant d'argent, et pas plus, en circulation. Les gouvernements, le fédéral comme les provinciaux ou les municipaux, nous disent tous qu'ils n'ont pas d'autre argent que celui qu'ils obtiennent de ceux qui en ont. Votre employeur vous dit la même chose.

Un système d'endettement perpétuel

Mais où donc commence l'argent? Qui le met au monde? Qui en met tant, et pas plus, en circulation? Qui peut le rendre rare en le retirant de la circulation?

Il y a longtemps que les créditistes ont fait la lumière sur ce prétendu mystère. Tout l'argent mis en circulation commence lorsqu'une banque prête du crédit financier à un emprunteur. L'emprunteur peut être un industriel. Il peut être un corps public, un gouvernement.

Et chaque fois que la banque prête ainsi du crédit, elle oblige l'emprunteur à le rapporter à telle date, avec de l'intérêt en plus. L'argent commence donc sous forme de dette à rembourser; et le remboursement doit être plus gros que l'emprunt.

L'emprunteur sera donc obligé de «repomper» de la circulation, par les prix si c'est un particulier, par les taxes si c'est un corps public, plus d'argent que son emprunt a mis en circulation. Les prix devront donc être grossis au delà de la valeur du produit; et les taxes devront être grossies au delà de la valeur du service public. On peut bien, après cela, trouver la vie chère et les taxes lourdes.

Pour pouvoir extraire de la circulation plus d'argent que l'emprunt y a jeté, il faut que d'autre argent soit mis en circulation à quelque part, et il l'est toujours de la même manière: par une dette à rembourser avec un surplus. C'est donc un système d'endettement perpétuel, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre. Il est impossible, globalement, de rembourser plus d'argent qu'il y en a en circulation. Si quelqu'un acquitte ses dettes au système bancaire, c'est aux dépens d'un autre. Les dettes peuvent changer d'épaules, nominalement; mais la somme des dettes ne peut qu'augmenter, et c'est toujours le public qui en fait les frais, soit en prix, soit en taxes.

Voici un grand vice du système d'argent: le contrôle passé à des organismes à profit (banques), et le système d'argent devenu un système d'endettement.

Le progrès changé en punition

Un autre défaut du système d'argent, c'est qu'il ne distribue pas toute la production, et il la répartit mal. Ce défaut grandit avec le progrès.

Un des règlements du système, en effet, c'est que pour obtenir du pouvoir d'achat, il faut être employé par la production. Or, le progrès tend justement à remplacer l'emploi d'hommes par l'emploi de machines. Il y a donc contradiction entre le progrès, qui produit plus avec moins d'emploi humain, et le règlement qui oblige à l'emploi pour avoir droit aux produits.

On essaie de remédier à la situation en créant de nouveaux emplois; et cela conduit au matérialisme. Ou bien on emploie les bras à la production de guerre, qui s'écoule bien, puisqu'on la distribue gratuitement sur la tête des autres.

Le système conduit ainsi au matérialisme et à la guerre, au lieu de libérer les hommes et de leur permettre de s'occuper librement sans avoir pour cela à crever de faim.

L'argent serviteur: le Crédit Social

Les créditistes dénoncent cette tyrannie du système d'argent: tyrannie de l'antisocial; tyrannie de l'endettement; tyrannie de la privation devant des produits accumulés; tyrannie de l'embauchage à tout prix pour des choses inutiles ou nuisibles.

Le Crédit Social offre un système financier à la fois social, conforme aux possibilités productives répondant à des besoins humains; système d'argent n'endettant pas la communauté, et distribuant efficacement la production, sans oublier personne.

Le Crédit Social, en effet, ferait de l'argent, l'expression comptable, mathématique, exacte, de ce qui se produit et de ce qui se détruit, puis le Crédit Social, par son dividende à tous, garantirait à tous une part des produits.

Le Crédit Social ne supprimerait pas les salaires au travail dont la production a encore besoin. Mais il introduirait en plus le dividende à tous. Et plus le progrès diminuerait le besoin de labeur humain, plus l'argent distribué en dividende à tous grossirait par rapport à l'argent distribué à l'emploi.

Progrès et Crédit Social vont bien ensemble. Progrès et production de paix vont bien ensemble. Loisirs (activités libres) et Crédit Social vont bien ensemble. Humanisme et Crédit Social vont bien ensemble. Famille et Crédit Social vont bien ensemble (un dividende par personne dans la famille).

Ce qui ne va pas bien avec le Crédit Social, c'est la tyrannie, la dictature, la domination sur les autres. Lorsqu'une personne n'a rien, on veut la faire ramper pour avoir de quoi à manger. Mais lorsqu'elle est assurée au moins du nécessaire, elle peut commencer à relever la tête et à refuser l'asservissement. En garantissant le nécessaire à tous, le Crédit Social mettrait fin au grand esclavage moderne.

Louis Even

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