J'ai devant moi une boîte de conserves. Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Je ne l'ai pas ouverte encore, mais elle porte un nom.
Une certaine chose, bonne à manger, s'appelle maïs en français, blé d'Inde en canadien et corn en anglais. Comme c'est l'anglais qui l'emporte dans notre commerce, même si les consommateurs sont surtout canadiens-français, ma boîte indique Golden Bantam Corn, ce qui est une espèce de corn, je suppose.
Elle porte aussi une marque de qualité, toujours dans la même langue, pour guider le choix de nos Canadiennes : Choice Quality.
Elle doit bien encore avoir une marque de fabrique. En effet : Royal Rose Brand.
Ah ! c'est sans doute de la production anglaise de la péninsule de Niagara ? Que non. C'est du bon blé d'Inde de la province de Québec, mis en conserve par des Canadiens-français dans la bonne ville canadienne de Saint-Jean, province de Québec. Toutefois, pour que le baptême soit complet, on l'a inscrite : St. Johns, P.Q.
Connaissez-vous une St. Johns dans la province de Québec ?
Voilà ! Vous allez en Ontario : il vous faut dire Peterborough, pas Pierrebourg ; Hamilton, pas Jambonville ; Kingston, pas Villeroi. Mais un pur-sang de la "province supérieure" s'en vient chez nous : Trois-Rivières devient Three Rivers ; Lac Noir, Black Lake ; Saint-Jean, St. Johns ; sans parler de Kouibek, de Monnttriaul. Et l'on respecte tant ces pur-sang-là !
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Tout de même, il y a du maïs doré dans ma boîte. Mais je l'ai payé, j'allais oublier de le dire. Le poids est marqué 20 fluid ounces. Si vous voulez, laissons les langues et passons à l'arithmétique.
Ma boîte renferme donc 20 onces d'aliments et je l'ai payée 10 sous, sans rabais, quand bien même j'en ai acheté trois d'un coup. Il y a deux mois, les boîtes de cette catégorie contenaient 26 onces et on les vendait 8 sous 1/3 : trois pour 25 sous.
On a rapetissé les boîtes et augmenté le prix.
Autrefois, on avait donc 78 onces de maïs en conserves pour 25 sous. Aujourd'hui, on en a 60 onces pour 30 sous. Dans le commerce de détail, le seul accessible à la majorité de nos familles, trop pauvres pour acheter en gros.
Par de simples règles de trois, je trouve que 100 livres de ce maïs de ma province me revenaient autrefois à $5.12 et me reviennent aujourd'hui à $8.00. Ce qui fait une augmentation de prix de $2.88.
Une autre règle de trois me démontre qu'une augmentation de $2.88 sur $5.12, c'est une augmentation d'un peu plus de 56 pour cent.
J'aimerais bien savoir si c'est notre ami le cultivateur qui touche cette augmentation de 56 pour cent. On dit qu'il n'y aura pas de profiteurs de guerre !
Par ailleurs, pour nous montrer la prospérité croissante du pays, on nous aligne les chiffres grossissants du commerce. Les chiffres peuvent bien augmenter quand les prix sont majorés. Mais mange-t-on plus de blé d'Inde, ou d'autres choses ? S'habille-t-on mieux ? Se loge-t-on plus humainement ? Se chauffe-t-on mieux ? Se soigne-t-on mieux ? C'est cela qui serait une ascension de la prospérité, pas les chiffres fluctuant avec les manipulations de prix.
Louis EVEN