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Fr.-Albert Angers dans la lune

Louis Even le lundi, 01 janvier 1940. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

D'après un compte-rendu publié dans JEUNESSE de novembre, M. Angers déclare que "de nos jours, on est porté à attacher une importance excessive au problème de la monnaie qui, en somme, n'est que d'ordre technique et pleinement à la portée d'un très petit nombre d'experts seulement".

Après avoir ainsi découragé ses auditeurs de l'étude de l'argent, il leur montre sa propre expertise. "La monnaie est bien secondaire et pas du tout indispensable. On pourrait pratiquer le troc en nature, pur et simple". Nous voudrions voir M. Angers vendre sa science économique pour un morceau de steak du boucher, une livre de sucre de l'épicier, une paire de bottines ailleurs, un tour en taxi et une semaine d'hospitalisation. Qu'il troque ! Et le cultivateur donc qui veut échanger un de ses chevaux contre dix articles différents et un paiement de taxes, va sans doute couper son cheval en petits morceaux !

"Jamais la monnaie n'a pu et ne pourra produire la richesse". On le sait bien ; mais on sait bien aussi que, si la monnaie ne vient pas pour acheter la richesse, la richesse va rester dans le néant, même s'il s'agit des meilleurs talents des "Jeunes Indépendants Catholiques" qui composaient l'auditoire de M. Angers.

"L'insuffisance de monnaie tend à se corriger d'elle-même, naturellement, par le jeu du niveau des prix". Nos agriculteurs savent que les prix baissent quand l'argent manque ; voici dix ans qu'ils le sentent ; ils ne se sont malheureusement pas encore aperçus que ça corrige l'insuffisance d'argent.

Dans la même causerie, Angers veut que l'argent garde une valeur constante, que le pouvoir d'achat du dollar demeure constant. "La qualité de l'instrument monétaire dépend surtout de sa fonction de conserver la valeur d'un produit". Comment accommode-t-il cela avec ce qui précède : les sautes correctrices de prix ?

Il fonce évidemment sur le Crédit Social, c'est la bête noire de tous les pions et champions du système admirable qu'on a aujourd'hui. Mais il nous étonne lorsqu'il parle de la "monnaie fondante du Crédit Social". Nous croyions avoir assez bien étudié le Crédit Social, et nous nous demandons où Douglas et ses tenants ont jamais parlé de monnaie fondante. Il confond sans doute avec les théories de Sylvio Gesell. Perdu dans ses fioles.

Le voici maintenant qui accuse sérieusement le Crédit Social de vouloir "soumettre l'homme à l'économique, principe malsain et philosophiquement non viable". Mais n'est-ce pas aujourd'hui que l'homme est soumis au système, au lieu du système soumis à l'homme ? Pourquoi est-ce qu'il y a des chômeurs, M. Angers : parce que l'argent est soumis à l'homme, ou bien parce que l'homme est soumis à l'argent ?

M. Angers trouve que l'or est ce qu'il y a de mieux comme monnaie. Un défaut cependant, dit-il : c'est que l'or n'est pas assez abondant. C'est sans doute pour cela qu'après que des travailleurs l'ont déterré, on l'enferme dans un autre trou, sous la garde de la police américaine, sans augmenter d'un sou, dans tout le trajet, l'argent du Canada ou des États-Unis ?

Angers prétend que les créditistes ne connaissent rien de la vitesse de circulation de la monnaie. Selon lui, le Crédit Social réclame un dollar d'argent pour chaque dollar de marchandise produite. Si au moins il plaçait un complément circonstantiel de temps après sa phrase, il serait plus juste.

Ce n'est pas la première fois qu'Angers catapulte sa vitesse de circulation à la tête des créditistes qui la comprennent bien mieux que lui. Nous demanderions seulement au savant Angers : Pourquoi la vitesse de circulation change-t-elle tant sans que les besoins changent, ni les appétits, ni la capacité de produire ? L'influence du rapport entre la production offerte et le pouvoir d'achat en face n'y serait-elle pas pour quelque chose ? Vous pouvez invoquer "les distances entre les points d'échange". Montréal est-il plus loin de Vancouver qu'il y a dix ans ? "La rapidité du transport" : les trains ont-ils diminué de vitesse depuis dix ans ? "les habitudes de vie (économie ou gaspillage)" : qu'est-ce qui les cause, le changement de cœur ou la plume du banquier ? "Les fluctuations économiques" : les causes ?

Écoutez cette perle (c'est peut-être ce qui lui a valu la mention honorable de Beaudry-Léman l'autre jour) : "Jusqu'ici les banques furent chargées d'avancer la monnaie selon la demande pour des fins de production. De cette manière, la monnaie sort et rentre selon les besoins". Selon les besoins ? Lancez cela à la face de la multitude de jeunes qui se font fermer la porte au nez partout parce qu'il n'y a pas assez d'argent !

Comparant avec les autres systèmes (où en a-t-il vu à l'œuvre ?), il ajoute : "Malgré ses imperfections, ce système est encore le meilleur, puisqu'il permet d'étendre et de contracter la monnaie selon les besoins". Si le système permet de faire cela, pourquoi ne le fait-il pas ?

Pauvres jeunes, vous êtes à bonne école : La Jeunesse Indépendante Catholique à l'école d'Angers. Le Jeune Commerce à l'école de Beaudry-Léman. Une jeunesse de toute sorte à l'école du chômage.

Louis Even

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