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En Abitibi

le samedi, 01 février 1941. Dans Autres

En guise de compliments à ses électeurs, à l'occasion du Nouvel An, le député du comté fédéral de Chapleau (Abitibi) leur a fait distribuer copie de son discours du 28 novembre au Parlement. Dans ce discours, il plaint les colons et les agriculteurs qui ne peuvent vendre leurs produits, et en même temps il se fait le défenseur du système qui empêche les gens d'avoir de l'argent pour payer les produits ! Nouveau discours de renard pour distraire les boucs qui sont restés au fond du puits. Mais les gens de l'Abitibi se "dé-bouquent", et voici ce qu'écrit l'un d'eux à son renard :

★ ★ ★

Monsieur le Député,

Le groupe parlementaire du Crédit Social à Ottawa ne vous plaît pas ? Comme c'est dommage ! Personne cependant n'en est surpris : ni les colons, ni les cultivateurs, pas même les ouvriers, que vous représentez à Ottawa. Cela s'explique un peu. Car vous, Monsieur Authier, vous ne souffrez pas, vous êtes heureux. Et quand on a tout ce qu'il faut, à moins d'être bien social, on oublie assez facilement les autres, sauf en paroles pour faire du capital politique.

À l'occasion du Nouvel An, vous faites distribuer dans des milliers de foyers, à titre gracieux, votre dernier discours au Parlement d'Ottawa. Précieux souvenir pour ceux qui ne souffrent pas, pour les gâtés de la cause libérale.

Mais l'homme ne vit pas que de beaux discours, que de phrases sonores. Vos 60,000 concitoyens du comté de Chapleau n'ont pas, comme vous, le privilège de tirer largement sur l'abondance du pays. S'ils pouvaient au moins en avoir une modeste part !

Vous vous apitoyez bien, en paroles, sur le sort du cultivateur et du colon. Mais pourquoi alors repoussez-vous une doctrine qui veut assurer à tous — assurer, entendez-vous bien ? — au moins ce qu'il leur faut pour se nourrir, se vêtir, se loger, s'instruire un peu et se soigner quand ils sont malades ?

Vous que les luminaires de votre parti appellent le "père de l'Abitibi", pouvez-vous expliquer à vos électeurs comment il se fait qu'il y ait tant de misères, tant de privations forcées, en face de tant d'abondance dans notre pays ? Sont-ce les récoltes, les produits de toutes sortes qui font défaut ? Qu'est-ce alors qui empêche de les obtenir ? Qu'est-ce qui manque à l'ouvrier des villes pour acheter les produits du cultivateur ? Et qu'est-ce qui manque au cultivateur pour acheter les produits des industries des villes ? Pourquoi les colons attendent-ils les machines dont ils ont besoin pendant que les machines attendent les colons ?

Vous savez que des milliers de vos électeurs étudient et réclament le Crédit Social. Si cela dérange votre digestion politique, vous n'avez tout de même pas le droit de déformer l'enseignement des créditistes pour le critiquer. Vous dites :

"Cette monnaie sans cesse recommandée par l'extrême gauche serait tout simplement des billets du Canada ne portant pas intérêt, imprimés et mis en circulation en quantité pratiquement illimitée."

Où avez-vous vu cela ? N'avez-vous pas autant de temps que les colons et les cultivateurs de l'Abitibi pour étudier le Crédit Social ? Le Crédit Social veut que l'argent mis en circulation le soit toujours en rapport avec le volume de la production répondant à des besoins des consommateurs. N'est-il pas juste que l'argent soit là pour permettre aux Canadiens d'accéder à la production du pays, au lieu de la laisser perdre, ou de l'arrêter et de chômer ?

Pourquoi aussi avez-vous peur que la tâche du ministre des finances soit simplifiée ? Il n'aurait plus besoin, dites-vous, de chercher comment payer "l'intérêt qui s'élèvera à trente ou à quarante millions par année sur chaque milliard dépensé pour la guerre."

Est-il donc si désirable qu'une fois la guerre finie, par nos travaux et par nos luttes, nous la payions chaque année trente à quarante millions, et davantage ? Combien de temps ? Pendant toute l'éternité ?

Il y a des faiseurs d'argent aujourd'hui, et vous n'avez rien à redire à cela ? Vous trouvez légitime que des personnes privées émettent les crédits qui servent d'argent, et qu'elles endettent particuliers et gouvernements avec ces émissions ? Endettés, appauvris, affamés, réduits à la servitude et à la misère dans leurs propres pays, les Canadiens en sont rendus à être des moutons qu'écorchent les ministres du veau d'or. Voilà ce que nous voulons changer.

Notre lutte est dure, nous le savons, surtout quand les grands, les puissants et les riches sont du côté du veau d'or. Mais nous avons l'exemple des apôtres, de pauvres gens qui ont travaillé, affronté les arrogants, essuyé des mépris, subi le martyre. Et leur œuvre a triomphé.

Nous avons confiance en l'avenir. La justice, la vérité sont plus fortes que le mensonge, même si celui-ci a la prétendue élite d'aujourd'hui pour chanter ses œuvres.

Ces pensées et ces espoirs sont aussi les espoirs et les pensées de milliers de lecteurs de Vers Demain dans le comté de Chapleau.

J.-Aldéo FOREST

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