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Avec des sans-tête

le jeudi, 15 août 1940. Dans Autres

Avez-vous déjà fait connaissance avec des politiciens ? Oui, de vrais politiciens, des politiciens bien modernes. Pas des hommes qui mettent la politique au service de leur pays — ce serait trop conforme aux enseignements de Saint-Thomas. Mais des hommes qui se servent de la politique pour garnir leur poche, pour placer leurs amis, pour se faire encenser.

Ce sont les vedettes du cirque ambulant dans nos comtés, en temps de campagne électorale. Et si vous allez encore à ce cirque où l'on entre gratuitement, vous les avez entendus, nos politiciens XXe siècle, débiter de belles phrases sonores, d'autant plus sonores qu'elles sont plus creuses.

Leur verbe excite, comme de l'alcool, le système nerveux des électeurs. Comme de l'alcool aussi, il enivre, hébète agréablement et obtient le résultat cherché.

Mensonges effrontés, comme insinuations perfides ; canonisation de soi-même, comme excommu­ni­ca­tion de l'adversaire ; expression de condescendance vers le peuple qui souffre, comme exultation jusqu'au ciel du chef divinisé du parti qu'on adore — tout y passe et l'art du politicien consiste à jouer ces cordes au moment psychologique.

Des notes patriotiques aussi, des accents même. Ils glorifient les richesses du Canada, vantent le courage des Canadiens, promettent la prospérité à tous. Ils seront les défenseurs du pauvre et de l'opprimé. S'il le faut, ils iront jusqu'à prendre attitude d'indépendance vis-à-vis de certaines directives possibles, mais improbables ( !) qui pourraient venir des dirigeants du parti.

Puis c'est la fin de la démonstration. Un côté perd, mais l'autre gagne. Le ton commence à changer.

Vous souvient-il d'un certain discours le soir d'un certain 25 octobre ? Vous souvient-il d'un certain autre discours émouvant à l'occasion du jour de l'an ? Et d'un autre, et d'un autre encore, dans lesquelles circonstances solennelles nos pasteurs politiques, en guise de bénédictions, nous prêchent la collaboration dans le sacrifice ?

Mais suivez aux parlements bergers et moutons. Reconnaissez-vous les champions que vous avez applaudis ? Les voici devenus de petits écoliers bien sages, qui se gardent de rien faire sans en demander d'abord la permission aux papes infaillibles de la religion de parti.

Puis méditez, méditez sur la capacité d'intelligence de nos députés des partis.

Autrement dit, demandez-vous à quoi peut bien servir la boîte crânienne qu'ils ont sur les épaules ? À contenir un cerveau adapté à la réflexion, sans doute.

Mais pourquoi donc chaque député ne se sert-il pas de ce cerveau bien à lui, logé dans une tête qui lui appartient, laquelle tête est posée sur un tronc que chaque député possède en propre ? Personne ne lui conteste ce droit de propriété, bien sûr.

Pourquoi donc chaque député ne se sert-il pas de sa propre tête pour penser ? Pourquoi, les élections finies, chaque député oublie-t-il si absolument ses propres déclarations, renonce-t-il si complètement à son propre jugement pour accepter sans réserve les ordres du dictateur du parti ?

Pourquoi donc des députés sans têtes pour représenter un peuple intelligent ? Pourquoi les instructions de source anonyme, transmises par l'intermédiaire de chefs de clans, ont-elles préséance sur les aspirations de tout un peuple dans un pays libre ?

Réfléchissons une bonne fois sur les conséquences bêtes des attaches aux partis. Débarrassons-nous donc enfin de ces chaînes qui annihilent notre jugement et celui de notre député. Réclamons des représentants libres, responsables à Dieu et à nous seulement, de leurs actes publics.

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