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Le dividende social à tous

Louis Even le lundi, 02 novembre 2015. Dans Un nouveau système financier efficace

Un dividende social à tous? Mais un dividende suppose un capital placé et productif!

Justement. C'est parce que tous les membres de la société sont co-capitalistes — d'un capital réel et immensément productif.

Nous avons dit plus haut, et nous ne saurions trop le répéter, que le crédit financier est, à sa naissance, propriété de toute la société. Il l'est, parce qu'il est basé sur le crédit réel, sur la capacité de production du pays. Cette capacité de production est faite, certes, en partie, du travail, de la compétence de ceux qui participent à la production. Mais elle est faite surtout, et de plus en plus, d'autres éléments qui sont propriété de tous.

Il y a d'abord les richesses naturelles, qui ne sont la production d'aucun homme; elles sont un don de Dieu, une gratuité qui doit être au service de tous. Il y a aussi toutes les inventions faites, développées et transmises d'une génération à l'autre. C'est le plus gros facteur de production aujourd'hui. Et nul homme ne peut prétendre, plus qu'un autre, à la propriété de ce progrès, qui est fruit de générations.

Sans doute il faut des hommes actuels pour le mettre à contribution — et ceux-là ont droit à une récompense: ils la reçoivent en rémunérations: salaires, traitements, etc. Mais un capitaliste qui ne participe pas personnellement à l'industrie où il a glacé son capital a droit quand même à une part du résultat, à cause de son capital.

Eh bien! le plus gros capital réel de la production moderne, c'est bien la somme des découvertes, des inventions progressives, qui font qu'aujourd'hui, on obtient plus de produits avec moins de travail. Et puisque tous les vivants sont, à titre égal, cohéritiers de cet immense capital qui s'accroît toujours, tous ont droit à une part des fruits de la production.

L'employé a droit à ce dividende et à son salaire. Le non-employé n'a pas de salaire, mais a droit à ce dividende, que nous appelons social, parce qu'il est le revenu d'un capital social.

Cela est du nouveau. Mais ça semble logique.

Oui. Et c'est le moyen le plus direct, le plus concret pour garantir à tout être humain l'exercice de son droit fondamental à une part des biens de la terre. Toute personne possède ce droit — non pas à titre d'embauché dans la production, mais à seul titre d'être humain.

«Tout homme, en tant qu'être doué de raison, tient en fait de la nature le droit fondamental d'user des biens matériels de la terre.» Pie XII (Radio-message du 1er juin 1941)

Et c'est un droit imprescriptible:

«Un tel droit individuel ne saurait en aucune manière être supprimé, pas même par l'exercice d'autres droits certains et reconnus sur des biens matériels.» — Pie XII (Ibidem).

Les autres droits, droit de propriété, droit du salarié, droit de l'actionnaire, etc., ne suppriment aucunement le droit de chacun à user des biens matériels.

Le Pape a bien ajouté:

«C'est laissé à la volonté humaine et aux formes juridiques des peuples de régler plus en détail la réalisation pratique de ce droit.» (Ibidem).

C'est-à-dire qu'il appartient aux peuples eux­-mêmes, par leurs lois et leurs règlements, de choisir les méthodes capables de permettre à chaque homme d'exercer son droit à une part des biens terrestres.

Le dividende à tous le ferait. Aucune autre formule proposée n'a été, de loin, aussi effective, pas même nos actuelles lois de sécurité sociale.

Il est bien de reconnaître — et personne n'ose le nier — le droit de chaque personne au moins aux biens nécessaires à la vie. Mais allez donc exercer ce droit dans le monde actuel, quand vous n'avez ni argent ni moyens de production - ceux­-ci étant de plus en plus concentrés entre de moins en moins de mains.

Dans notre monde moderne, il est impossible à un individu de réaliser son droit aux biens matériels sans présenter de l'argent. L'argent est devenu une licence conventionnelle indispensable à l'exercice d'un droit naturel.

Le dividende social, un dividende périodique à tous, un revenu basique garanti à chacun, comme droit de naissance, revenu suffisant pour couvrir au moins les nécessités de la vie, est la plus sociale revendication de l'économie créditiste. Outre que, comme nous l'avons dit plus haut, c'est aussi la reconnaissance du fait indéniable que tous les vivants sont co-héritiers des générations passées.

Mais ne serait-ce pas donner à des individus quelque chose pour rien?

Allez donc dire à un capitaliste qu'il obtient quelque chose pour rien quand on lui verse un dividende sur son capital placé! Il criera, au contraire, à l'injustice si on lui refuse son dividende.

Le cas est le même pour chaque membre de la société, co-capitaliste, co-héritier d'un capital réel, comme nous l'avons expliqué ci-dessus — capital, d'ailleurs, bien plus essentiel que les piastres ou autres signes monétaires qui n'ont qu'une valeur représentative.

Puis, une économie strictement d'échange ne peut pas être une économie humaine, puisque plus de la moitié de la population n'a rien à échanger: c'est le cas des enfants, des femmes et des filles à la maison, des invalides, des malades, des sans ­emploi, des personnes âgées refusées par l'industrie, des hommes valides remplacés par les machines, etc. Une économie strictement d'échange, une économie de «rien pour rien» ne peut être aujourd'hui qu'une économie barbare. Une telle économie sacrifie la personne à des règlements ordonnés à l'argent, au lieu de l'être à la personne.

Traitant de la répartition des biens dans un système économico-social qui serait ordonné selon la priorité due à la personne, le philosophe thomiste Jacques Maritain arrive à des conclusions analogues:

Jacques Maritain

«... C'est un axiome pour l'économie ‘bourgeoise’ et la civilisation mercantile qu'on n'a rien pour rien ; axiome lié à la conception individualiste de la propriété. Nous pensons que dans un régime où la conception de la propriété esquissée ci-dessus (avec sa fonction sociale) serait en vigueur, cet axiome ne pourrait pas subsister. Bien au contraire, la loi de l'usus communis porterait à poser que, du moins et d'abord pour ce qui concerne les besoins premiers, matériels et spirituels, de l'être humain, il convient qu'on ait pour rien le plus de choses possible...

«Que la personne humaine soit ainsi servie dans ses nécessités primordiales, ce n'est après tout que la première condition d'une économie qui ne mérite pas le nom de barbare. Les principes d'une telle économie con­duiraient à mieux saisir le sens profond et les racines essentiellement humaines de l'idée d'héritage, ... en telle sorte que tout homme, en entrant dans le monde, puisse effectivement jouir, en quelque façon, de la condition d'héritier des générations précédentes.»

(Humanisme Intégral, pp. 205-6)

Mais ne pourrait-on pas obtenir le même résultat par des hausses de salaires aux travailleurs?

Non, mille fois non, puisque les hausses de salaires n'atteignent que les salariés et ne donnent rien aux personnes qui ne le sont pas. De plus, les hausses de salaires entrent toutes dans les prix, ne corrigeant donc pas l'écart entre les prix et le pouvoir d'achat.

Un revenu individuel non lié à l'emploi — comme le dividende social à tous — est une chose qui s'impose de plus en plus, à mesure que s'accroît la productivité: plus de production avec moins de bras. Avec une automation complète, comment les tenants de l'emploi comme condition du droit à un revenu, comment feraient-ils pour distribuer la production quand il n'y aurait plus d'employés? Sans en être là, on est tout de même rendu à un point où les produits sortent plus abondants avec moins d'emploi. La distribution de pouvoir d'achat doit refléter cette situation.

Les hausses de salaires pour augmenter la somme totale de pouvoir d'achat ne sont pas une solution conforme à la réalité, ni conforme à la justice. Si le salaire est la récompense du travail, il devrait au contraire diminuer quand le travail diminue. Ces hausses de salaires sont le vol de dividendes qui devaient aller à tous.

Il y aurait beaucoup à écrire sur cette question du dividende à tous, qui ahurit tant ceux qui n'ont jamais pris la peine de repenser des notions acceptées sans examen.

Et que vaut l'objection die ceux qui s'obstinent à voir de l'immoralité dans de l'argent «non gagné»? Voient-ils de l'immoralité dans l'héritage transmis par un père à son enfant qui n'a jamais contribué à créer cet héritage? Voient-ils de l'immoralité dans les dividendes servis à des millionnaires qui n'ont certainement pas gagné leurs millions? En voient-ils dans les plantureux traitements accordés à des hommes en place qui ne font absolument rien pour le peuple qui paie ces traitements par ses taxes? Et que d'autres questions du genre on pourrait jeter à la face des anti-dividendes!

Ainsi, dans le système financier préconisé par le Crédit Social, que vous dites sain et efficace, du pouvoir d'achat parviendrait aux consommateurs de deux manières: l'une par les salaires, traitements et autres formes de rémunérations liées à l'emploi dans la production; l'autre, par des dividendes non liés à l'emploi.

Oui. C'est d'ailleurs aussi le cas aujourd'hui. Ceux que la production emploie reçoivent une rémunération, mais les capitalistes reçoivent des dividendes sur leur capital, même s'ils ne sont nullement employés à produire. Si le capitaliste est employé, son revenu lui vient des deux manières, par de l'argent lié à son emploi, et par de l'argent lié seulement à son capital-piastres.

Ce serait la même chose sous un système financier créditiste, avec cette différence que tous les citoyens étant, à seul titre de membres de la société, co-propriétaires du plus gros facteur de production, tous recevraient un dividende périodique sur la production due à ce capital réel commun.

Mais si la somme des deux, récompenses à l'emploi et dividendes à tous, tirent en­semble sur le total des produits, quelle partie doit aller aux salaires et quelle partie doit aller aux dividendes ?

C'est la même question qui cause des frictions aujourd'hui entre la part due aux capitalistes et la part due aux travailleurs. Les capitalistes disent «Sans nos capitaux, il n'y aurait pas d'emploi, donc pas de production». Les ouvriers disent: «Sans le travail, il n'y aurait pas de produits». Les deux, le capital et le travail, sont en effet facteurs de production; et, en général, on convient que la plus grosse part de l'argent distribué doit aller aux ouvriers, qui sont d'ailleurs les plus nombreux.

Sous un système financier créditiste, ce sont les capitalistes (tous les membres de la société) qui seraient les plus nombreux. Au Canada, il y a environ 8 millions de salariés sur 20 millions et quart de Canadiens (en 1964). Donc 8 millions de travailleurs et 20 millions et quart de capitalistes.

De plus, la production est due beaucoup plus au capital réel, qui appartient aux 20 millions et quart, qu'au travail qui vient des 8 millions d'employés. Pour un pouvoir d'achat calqué strictement sur le prorata de la production résultant du progrès, capital commun, et le prorata résultant des efforts de ceux qui participent à la production, il faudrait évidemment que la somme totale des dividendes sociaux soit beaucoup plus grosse que la somme totale des salaires.

Mais ce serait donner plus à ceux qui ne travaillent pas qu'à ceux qui travaillent. Ce serait encourager la paresse!

Ne sautez pas ainsi à des conclusions, d'ailleurs non fondées.

Il est faux, d'abord, de dire que l'individu non requis par la production toucherait plus d'argent que l'employé dans la production: les deux auraient le même dividende, mais l'employé aurait son salaire en plus.

Il resterait donc encore entre les deux la même différence qu'auparavant: le montant du salaire. Mais au lieu d'être une différence entre zéro et le salaire, elle serait la différence entre le dividende, d'une part, et le dividende plus le salaire, d'autre part. Le stimulant «salaire» serait donc encore là. Et il y aurait en plus le stimulant «dividende à tous», qui gagnerait en importance chez le salarié à mesure que se développerait chez lui le sens social.

Un dividende basé sur la part dominante que le capital réel communautaire occupe comme facteur de production moderne serait donc un montant généreux.

Nous voulons bien croire que le passage d'une diète d'épuisement à une diète de vigueur nécessite une certaine mesure de dosage. On ne passe pas d'une alimentation de maladie à une alimentation de santé sans passer par une alimentation de convalescence.

La sagesse peut donc conseiller une graduation dans le chiffre du dividende périodique à tous.

Toutefois, il faut dès l'abord mettre le principe en application. Entrer de plain-pied dans l'esprit d'une économie d'abondance et de dividendes à tous, au lieu de l'esprit d'une économie de rationnement et die revenu restreint à l'emploi.

Qu'a dit Douglas à ce sujet?

Douglas énonce comme suit le troisième des trois principes dont il dit que l'application permettrait un système conforme aux faits:

«La distribution de monnaie de consommation (cash credits) devra dépendre de moins en moins de l'emploi. C'est-à-dire que les dividendes remplaceront progressivement les appointements et salaires, à mesure que la capacité productive augmen­te par homme-heure.»

Il s'agirait donc d'une proportion croissante dru pouvoir d'achat provenant de dividendes, et d'une proportion décroissante provenant de l'emploi.

Dans les grandes lignes d'un plan ébauché et proposé pour une application de ses principes en Ecosse, Douglas estimait qu'au départ, on pourrait affecter en dividendes à chaque homme, femme et enfant, une somme totale égale à 1 pour cent de l'actif total du pays, évalué en monnaie. Il ajoutait:

«On peut s'attendre à ce que cela donne à chaque famille, en dividendes, un montant annuel dépassant 300 livres sterling. »

Douglas écrivait cela en 1933, quand le cours de la livre était au pair — ce qui signifierait en dollars une somme annuelle de 1450 $ par famille, soit 121,50 $ par mois; ou (avec une moyenne approchant de 5 personnes par famille), un dividende de 25 $ par mois à chaque homme, femme et enfant de l'Ecosse.

Si ce chiffre pouvait être jugé raisonnable en 1933, il devrait certainement être aujourd'hui d'au moins 800 $ par mois (en 2004), vu le coût de la vie plus que doublé depuis, et vu aussi l'augmentation survenue dans la capacité de production, ce qui donne plus de produits à distribuer par personne.

C'était là, dans l'esprit de Douglas, un dividende de départ. Un dividende qui devrait augmenter ensuite à mesure qu'augmenterait la capacité pro­ductive par homme-heure.

En tout cas, avec la présente capacité productive du Canada, le dividende social périodique devrait garantir tout de suite à chaque citoyen du pays au moins de quoi satisfaire ses besoins normaux. Cela simplifierait et débureaucratiserait considérablement, tout en le rendant plus efficace, tout notre système die sécurité sociale. Le sens social et la responsabilité personnelle y trouveraient un meilleur climat pour leur développement.

Que signifie «augmentation de la capacité productive par homme-heure»?

Un exemple hypothétique va le faire comprendre:

Supposons qu'en une année un effectif producteur de 100 000 hommes donne un rendement de 100 000 unités de production; puis, que l'année suivante un effectif doublé, 200 000 hommes, donne un rendement doublé, soit 200 000 unités de production, la capacité productive par homme-heure est exactement la même dans les deux cas.

Mais, si la deuxième année, on obtient ce rendement doublé, 200 000 unités de production, avec le même effectif que la première année (100 000 hommes), alors la capacité productive par homme­ heure a doublé.

Ou bien, si la deuxième année, on obtient seulement le même rendement que la première année (100 000 unités de production), mais avec un effectif ouvrier diminué de moitié (avec seulement 50 000 hommes), là encore, la capacité productive par homme-heure a doublé.

Dans la pratique, la capacité productive par homme-heure augmente chaque année dans tous les pays industrialisés. On peut diminuer le nombre d'employés, diminuer le nombre d'heures de travail, sans diminuer la production totale; ou bien encore, en gardant le même nombre de travailleurs et d'heures d'ouvrage, obtenir une production plus considérable.

Il est évident que cette hausse ne vient pas de ce que les ouvriers fournissent plus d'efforts, mais cela provient de machines et de techniques perfectionnées, — en somme, du progrès — progrès dont tout le monde est co-héritier, co-propriétaire, com­me nous l'avons expliqué. Il est donc juste que ce soient ces propriétaires, ces héritiers, tous les citoyens, qui tirent avantage de cette augmentation, par un dividende mensuel plus gros.

Mais cela signifierait une diminution des salaires actuels des ouvriers!

Pas nécessairement (bien que la chose serait justifiable pour plusieurs raisons avec l'avènement d'un régime financier de Crédit Social). Mais même en laissant les salaires à leurs chiffres actuels, une hausse des dividendes mensuels à tous, à mesure de l'augmentation de la capacité productive du pays, diminuerait le prorata du total des salaires dans le total du pouvoir d'achat.

Il faut bien, en tout cas, dans un système qui se veut conforme aux réalités de l'économie, tenir compte de cette conformité dans la répartition du pouvoir d'achat.

Voici, par exemple, une usine employant 100 hommes, 40 heures par semaine: cela fait 4000 hommes-heures par semaine. Si le rendement de cette usine est de 8000 unités de production, cela fait un rendement de 2 unités de production par homme-heure.

Disons que, par l'introduction de machines plus perfectionnées, par certaines mesures d'automation, cette usine n'a plus besoin que de 70 hommes, travaillant moins longtemps, seulement 35 heures par semaine, tout en produisant davantage: 10 500 unités de production dans la semaine.

Cela fait maintenant 70 x 35 = 2100 heures ­hommes par semaine (au lieu de 4000). Et puisque la production de ces 2100 hommes-heures est montée à 10 500 unités de production, cela fait un rendement de 5 unités de production par homme-heure (au lieu de 2 unités comme auparavant).

La productivité passée de 2 unités à 5 unités par homme-heure n'est certainement pas le fruit de plus de labeur, puisque, au contraire, la semaine d'emploi est raccourcie. Elle est due à des techniques perfectionnées, au progrès, œuvre de plusieurs générations, capital communautaire de plus en plus considérable, de plus en plus productif.

A qui doit aller le fruit de cette hausse de productivité, sinon aux propriétaires de ce capital communautaire, c'est-à-dire à tous? A ce capital social, un dividende social.

3 unités de production sur 5 sont dues à l'application du progrès dans la transformation de l'usine. S'il peut être juste de laisser aux producteurs (employeurs et employés) une récompense correspondant aux 2/5 de la production, toute la communauté (producteurs ou non producteurs) devrait se partager un dividende correspondant aux 3/5 de la production.

Ce n'est là qu'un cas hypothétique pour faire comprendre la proposition de Douglas: que, progressivement, à mesure de l'augmentation de rendement par homme-heure, le pourcentage de pouvoir d'achat distribué en dividendes doit augmenter, et le pourcentage en salaires doit diminuer.

Si cette proposition de Douglas avait été adoptée il y a 80 ans, le développement die la situation économique aurait été bien différent de ce qu'on a vu. Au lieu de hausses de salaires à des employés qui sont de moins en moins pris par le travail, on aurait eu des dividendes de plus en plus gros à tous, ouvriers y compris, à leurs femmes, à leurs enfants.

On aurait moins connu l'inflation. Tous étant munis de pouvoir d'achat, la production aurait mieux répondu aux besoins de tous.

Comme, par ailleurs, les entraves purement fi­nancières auraient été éliminées, le volume de la production réalisée et distribuée aurait été plus considérable, la limite n'étant imposée que par la limite de la capacité physique de production, ou que par la limite des commandes de la part d'une consommation saturée.

Les salariés n'y auraient rien perdu; ils seraient devenus comme les capitalistes, des personnes recevant plus en dividendes qu'en salaires.

Comment serait distribué ce dividende social mensuel à tous et à chacun des membres de la société?

De la manière qui serait jugée la plus pratique celle exigeant le moins de bureaucratie, celle qui nécessiterait le moins d'addition aux mécanismes actuels de transferts de moyens de paiement.

Actuellement, par exemple, les allocations familiales pour les enfants de moins de 16 ans se font mensuellement par un chèque à la mère de famille. Actuellement aussi, les pensions de vieillesse et diverses allocations (pour cécité, pour invalidité, etc.) sont servies par un chèque adressé mensuelle­ment à chaque ayant-droit. La même chose peut se faire pour le dividende mensuel à tous.

On peut aussi, là encore, se servir du canal des banques commerciales, chaque citoyen ayant eu à s'enregistrer à une banque de sa localité. Chaque mois, la banque commerciale inscrirait simplement au crédit de chacun de ces comptes le montant décrété pour le dividende mensuel. Dans ce cas, comme dans le ou des opérations dont nous avons parlé pour couvrir les frais de production par des crédits sans intérêt, la banque commerciale obtiendrait de la Banque centrale, sur demande et sans frais, les sommes nécessaires pour les dividendes mensuels qu'elle aurait ainsi à inscrire dans les comptes sous sa juridiction. Et pour les frais de ces services, la banque commerciale serait payée par la Banque centrale selon désaccords convenus.

Le dividende mensuel pourrait très bien aussi être une opération de comptabilité utilisant le service des Postes. C'est même la méthode que Douglas préconisait dans son schéma pour l'Ecosse: «Le dividende sera distribué mensuellement par une traite sur le Trésor écossais, par l'intermédiaire du bureau de poste».

Avec les calculatrices automatiques et autres techniques ultra-modernes qui s'introduisent de plus en plus dans les grands bureaux de comptabilité, il ne serait pas difficile de choisir une méthode à la fois rapide, sûre, exacte, efficace, pour la distribution d'un dividende mensuel à chaque personne. Chose d'autant plus facile que la collaboration du citoyen-capitaliste serait beaucoup plus empressée que celle du citoyen-contribuable.

Cette distribution d'argent aux consomma­teurs, par les dividendes, ne serait-elle pas de l'inflation, dont tout le monde a peur?

Elle serait une augmentation d'argent dans le porte-monnaie des consommateurs, et je ne crois pas que cela ait jamais fait frémir celui qui en reçoit. Ce n'est pas quand on hausse votre revenu que ça vous fait mal. Avez-vous jamais entendu quelqu'un se plaindre de la hausse de son revenu? C'est quand les prix haussent que tout le monde se plaint.

Mais justement, est-ce que cette distribution d'argent par les dividendes ne ferait pas monter les prix?

Les prix de revient ne seraient pas affectés d'un sou. Les dividendes sociaux n'étant pas payés par les producteurs, ils ne passeraient pas par l'industrie, comme les salaires et les dividendes aux capitalistes à piastres: ils n'entreraient donc pas dans le prix de revient. Ils viendraient directement de la source du crédit financier qui est un bien du peuple.

Dans le système actuel, qui met des restrictions où il n'en faut pas et qui n'en met pas où il en faut, l'augmentation de monnaie de consommation pourrait susciter une hausse indue du prix de vente. Mais dans un système créditiste, le prix de revient demeure conforme à la comptabilité des dépenses en cours de production, et le prix de vente est tenu en laisse par les modalités du prix ajusté et compensé, établi conformément au premier des trois principes énoncés par Douglas.

Le dividende demeurerait-il, même dans les années où la production du pays n'augmenterait pas?

Bien certainement. Quel que soit le volume de la production, il y a toujours un pourcentage de cette production qui est dû au capital réel communautaire. C'est seulement au cas où la production tomberait à zéro que la base du dividende disparaîtrait; et celle des salaires disparaîtrait aussi, puisqu'il n'y aurait aucune production faite.

Evidemment, quand la production est mince, le pouvoir d'achat total doit être mince pour être en accord avec la réalité; et dans ce cas, les deux parts — dividendes et salaires — peuvent bien être plus minces que dans une production abon­dante. On ne peut distribuer que ce qui existe.

Mais c'est à tort que, dans leurs écrits ou leurs discours, certains créditistes ont présenté le dividende comme la distribution de l'accroissement seulement de la production annuelle. Cet accroissement peut justifier une augmentation du dividende, comme nous l'avons dit plus haut. Mais, quel que soit le volume de la production, répétons-le, il reste toujours dans cette production une part due à l'utilisation du capital social — donc toujours une part de la production justifiant un dividende social à tous.

D'autres ont dit que le dividende serait la distribution de l'argent qui manquerait au pouvoir d'achat pour le mettre au niveau des prix. Ce n'est pas exact, non plus. Le dividende contribue certainement à combler l'écart entre les prix et le pouvoir d'achat, mais ce n'est pas là sa base. Et même s'il n'y avait aucun écart entre les prix et le pouvoir d'achat, chaque citoyen aurait encore droit à son dividende, pour la raison que nous venons de rappeler dans les précédents alinéas.

Assurer le dividende à tous est une des fonctions d'un système financier sain. (Principe III de Douglas). Etablir oui maintenir l'équilibre entre la somme des prix et le pouvoir d'achat global en est une autre fonction (Principe I de Douglas). La technique créditiste accomplit les deux, sans que l'une nuise à l'autre, par de simples opérations de comptabilité appliquées à un crédit financier social en rapport avec le crédit réel du pays.

 

Crédit Social et entreprise privée

Le producteur, tout en conservant pleinement son entreprise privée, se trouve tout de même être, en quelque sorte, un agent de la communauté pour mettre en œuvre le crédit réel, la capacité de production du pays.

Le banquier, tout en conservant la propriété privée et la conduite de son entreprise bancaire, se trouve tout de même être, en quelque sorte, un agent de la communauté pour la canalisa­tion, aller et retour, du crédit financier basé sur le crédit réel du pays.

Le marchand, tout en conservant intégralement son commerce privé et le conduisant sans entraves, se trouve tout de même être, en quelque sorte, un agent de la communauté pour la distribution des produits.

Le Crédit Social est un ferme défenseur de la propriété et de l'entreprise privées. Mais toute entreprise privée a une fonction sociale à remplir, ce qu'accomplirait automatiquement un système financier conforme aux aux propositions énoncées par Douglas.

Louis Even

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