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Le coût de la vie — Le «juste prix»

Louis Even le lundi, 15 mai 1961. Dans Crédit Social

Louis EvenQuand on parle de “vie chère”, on veut dire que les prix des produits ou des services sont élevés.

Et quand on parle de hausse du coût de la vie, on veut dire que les prix haussent encore.

Mais si l’on entend le mot “inflation”, tout de suite la pensée se porte, non plus sur les prix, mais sur la masse d’argent. Et l’on se fait dire qu’il y a trop d’argent en circulation — même si tout le monde se plaint d’en manquer. Pourtant, dans ce cas encore, ce sont les prix élevés qui causent le mécontentement. Ce sont les prix qui sont enflés, bien plus que le porte-monnaie.

Disons donc que “vie chère, coût de la vie, inflation”, tout cela se réfère en réalité aux prix. Plus spécifiquement au niveau des prix par rapport au pouvoir d’achat.

Prix, pouvoir d’achat, argent — il faudrait ajouter “taxes” — sont des termes liés à l’aspect financier du système économique, et c’est dans la partie financière du système économique qu’on se heurte à des difficultés continuelles.

La partie “production”, celle qui place des produits devant des besoins, fonctionne très bien quand elle n’est point entravée financièrement. La partie “distribution” fonctionne aussi très bien dans son aspect physique (transport, étalage, service de ventes), mais beaucoup moins bien dans son aspect financier: quand les produits ne vont pas aux besoins, ce n’est pas faute de pouvoir les transporter jusqu’au lieu où sont les besoins, c’est faute de pouvoir d’achat, de moyens de payer là où sont les besoins.

L’importante question des prix

L’insuffisance de pouvoir d’achat ne tient pas seulement à l’insuffisance d’argent; elle tient aussi aux prix en face de l’argent.

Si vous avez besoin de 3 livres de beurre pour votre famille, une pièce de deux dollars vous donne un pouvoir d’achat suffisant pour vous les procurer quand le beurre est à 66 sous la livre. Mais si le prix du beurre monte à un dollar la livre, le même deux-dollars sera pour vous une insuffisance de pouvoir d’achat: vous n’en obtiendrez plus que 2 livres de beurre au lieu de 3.

Le major Douglas, fondateur de l’école créditiste, dit que toute réforme monétaire qui ne tient pas compte du mécanisme des prix est vouée à l’échec. Il a raison. Aussi, l’un des points essentiels des propositions financières du Crédit Social concerne l’ajustement scientifique des prix.

Le système financier actuel ne contient aucun dispositif d’ajustement des prix au pouvoir d’achat. Aussi constate-t-on une contradiction flagrante entre le comportement de la production et le comportement des prix.

Avec les techniques modernes de production, les produits sortent à flots, de plus en plus rapidement et avec de moins en moins de labeur. Les prix de ces produits devraient donc aller en diminuant. Plus il y a de progrès dans la facilité et l’abondance de production, plus les prix devraient baisser.

C’est cela qui serait conforme au réel. Mais ce n’est point cela que l’on constate. Pourquoi ? Pour la bonne raison que le système financier n’est nullement accordé au réel. C’est lui le coupable.

Vice inflationnaire du système

Quand on parle de système financier, on parle évidemment d’argent — ou, ce qui est la même chose, de crédit financier, car le crédit financier, l’argent scriptural des banquiers, fait office d’argent au même titre que le papier-monnaie ou que l’argent de métal le plus précieux.

Le vice du système commence en même temps que commence cet argent. Tout dollar nouveau porte en lui-même un germe d’inflation. Non pas par le fait qu’il augmente la circulation d’un dollar. L’augmentation d’argent est tout à fait justifiée quand il y a augmentation de production. Mais le germe d’inflation réside dans la manière dont le dollar vient au monde. Il prend naissance sous la plume du banquier, pour être prêté à un emprunteur qui s’engage à le rapporter avec l’intérêt en plus. C’est donc un dollar-dette qui sort, mais c’est plus qu’un dollar-remboursement qui devra rentrer.

L’emprunteur qui obtient $100,000 dollars ne peut pas en mettre plus que 100,000 en circulation. Par les matériaux qu’il achètera, par les salaires qu’il paiera, il ne peut pas distribuer plus de pouvoir d’achat que ces 100,000 dollars. Mais comme il doit rembourser plus que les 100,000, il devra mettre le tout dans ses prix, les 100,000 et l’intérêt. Les prix réclamés devront être plus gros que le pouvoir d’achat distribué. A remarquer que ce n’est pas le profit de l’entrepreneur ou du marchand qui cause le déséquilibre. Son profit, que nous supposons raisonnable, c’est pour lui son salaire, c’est pour lui du pouvoir d’achat. Mais dès que l’argent est en route pour retourner à sa source comme remboursement, il cesse d’être du pouvoir d’achat. Et puisque le retour doit être plus gros que la sortie, c’est là ce qui cause le déséquilibre entre prix totaux d’une part et pouvoir d’achat d’autre part.

Comme pratiquement tout l’argent du commerce et de l’industrie est ainsi venu, en premier lieu, sous forme d’emprunts à rembourser (ou de découverts qui sont une autre forme d’emprunts), c’est sur toute la ligne que les prix sont grossis d’un cancer financier. C’est le système d’argent-dette qui est la première cause d’inflation des prix.

En principe, les banquiers sont déflationnaire. Plus une chose est rare, en effet, plus elle a de la valeur. Les banquiers ont donc intérêts à ce que l’argent ne soit pas abondant, afin d’en demander un plus gros prix, un plus gros intérêt de ceux qui tiennent à en obtenir. Les banquiers sont donc déflationnaires en matière d’argent. Mais leur mécanisme est inflationnaire en matière de prix.

C’est là une des nombreuses contradictions du système, qui cause des tiraillements, des successions d’inflations et de déflations. Inflation, lorsque, pour ne pas laisser l’économie du pays sombrer tout à fait, le système bancaire ouvre un peu plus les écluses du crédit et laisse le flot de prêts aller plus vite que le flot de remboursements; déflation, quand, pour redonner de la valeur à son argent en le rendant plus rare, le système bancaire ferme ou à peu près les écluses du crédit. Il restreint alors les prêts tout en exigeant la fidélité aux remboursements des prêts précédents, ce qui fait que les prix ne descendent guère, même en temps de restriction du crédit.

Il est facile de constater que d’une génération à l’autre, et même d’une couple de décennie à une autre, le niveau des prix monte, contrairement à une production de progrès qui devrait les faire baisser. Ce qu’on exprime souvent en disant que l’argent perd de sa valeur. Il perd sa valeur à cause d’un système qui veut donner une sur-valeur à l’argent qui commence. Et ce même système commande l’épargne comme condition de pouvoir d’achat futur, alors que, par son mécanisme, il fait le dollar épargné perdre sa valeur avec les années. On n’en est pas à une contradiction près, dans un système à la fois menteur et voleur, qui refuse de se mettre au pas et au service des réalités, des possibilités productives et des besoins humains.

Hausse de salaires, hausses de prix

Sans doute que les prix subissent aussi l’influence d’autres éléments inflationnaires, qui découlent d’ailleurs du premier dont ils voudraient annuler les effets. C’est le cas, par exemple, des hausses de salaires.

Comme nous le disions plus haut, pour répondre aux exigences du système d’argent-dette, l’industrie doit retrouver en prix plus d’argent qu’elle en distribue en pouvoir d’achat. Devant ce pouvoir d’achat déficitaire, les salariés, qui sont aussi des consommateurs en besoin de pouvoir d’achat, réclament des hausses de salaires. Les employeurs finissent par bien être obligés de les accorder s’ils veulent conserver le personnel dont ils ont encore besoin. Mais ils ne peuvent le faire qu’en ajoutant ces augmentations de salaires à leurs prix.

Les hausses de salaires, suivies de hausses de prix, dans un secteur, font souffrir les consommateurs qui travaillent dans d’autres secteurs. D’où, hausses de salaires réclamées dans ces autres secteurs. Les avantages obtenues par les premiers n’ont été que temporaires, et une nouvelle pression pour une nouvelle hausse ne tarde pas à être à l’agenda. Aussi les contrats entre employeurs et employés sont-ils toujours des contrats à court terme.

Pour améliorer le pouvoir d’achat sans hausser les prix, il faudrait distribuer un pouvoir d’achat supplémentaire qui ne passe pas par l’industrie. Donc, de l’argent non lié à l’emploi, mais basé uniquement sur la capacité productive du pays pour y répondre. C’est ce que propose le Crédit Social, par un dividende périodique à tous, ainsi que par un escompte sur les prix, escompte compensé au marchand par la même source qui fournirait le dividende. Cette source ne peut pas être celle de l’argent-dette, puisque cet argent-dette demande un remboursement qui s’inscrit nécessairement dans les prix.

Les maîtres du système, le combinat bancaire ne peut pas certainement faire bon accueil aux propositions financières du Crédit Social. Ce serait la fin de la domination du monopole bancaire du crédit.

Mais ceux qui souffrent du perpétuel vice financier, les salariés et leurs syndicats, les employeurs eux-mêmes, les commerçants et les divers gouvernements aussi, devraient se tourner vers la seule solution définitive à un problème qui n’est, en somme, qu’un problème de comptabilité. Problème dû à ce que la comptabilité monétaire, la comptabilité qui crée l’argent moderne et en contrôle le flot, fonction sociale de sa nature, est devenue un outil de domination, de régie suprême de la vie économique, entre les mains d’institutions poursuivant des intérêts privés.

Les salariés ne sont pas les seuls à réclamer plus de dollars, à cause de l’inflation contiguë au vice du système d’argent-dette. Les gouvernements font la même chose. Il leur faut plus de taxes, parce que chaque dollar de taxe paie moins de services, moins de matériaux pour leurs projets, à mesure que l’argent perd de sa valeur. Il leur faut aussi plus de taxes, plus d’impôts, à mesure que le coût montant de la vie fait affluer plus de demandes d’aide en matière de sécurité sociale.

Le mal est sur toute la ligne. Et il ne fait que s’aggraver par ces palliatifs, les hausses de salaires et de pensions, malgré les effets calmants passagers. L’aggravation sur lit sur le thermomètre des prix. Elle se découvre aussi ailleurs: dans les familles où le salaire est disparu et le revenu réduit à une prestation de chômage ou à un secours d’urgence, parce que la production s’écoule mal même en face de besoins.

Le Crédit Social corrigerait tout cela, en faisant de la finance la représentation exacte et la servante fidèle des réalités. Pas seulement en rendant financièrement possible tout ce qui l’est physiquement pour répondre aux besoins, publics ou privés, de la population. Pas seulement en distribuant à tous un dividende périodique qui assurerait au moins le nécessaire à chaque citoyen. Mais aussi par un ajustement scientifique et constant des prix au pouvoir d’achat.

Écart dû au facteur vitesse

Nous n’avons pas, dans cet article, donné l’énumération complète des facteurs de hausses des prix. Il aurait fallu parler, non seulement de volume de l’argent réclamé en prix. Mais aussi — et c’est très important — du rythme, du taux de vitesse de l’un par rapport à l’autre (Douglas était un ingénieur, il na rien oublié dans ses calculs.) Quand même les deux montants — l’argent dépensé par l’industrie et l’argent exigé en prix des produits — quand bien même les deux seraient égaux, il y aurait encore écart. Les prix se forment au même pas que les produits, depuis la matière première jusqu’au comptoir du marchand détaillant; mais l’argent qui atteint le public en cours de production et qui reste entre ses mains quand le produit est mis en vente, ne suit pas du tout le même rythme.

Sans entrer dans les détails là-dessus, il n’y a qu’à constater ce simple fait: Chaque semaine, dans chaque industrie, la somme des prix de revient de la semaine, pour les produits en cours ou en finition, est plus grosse que la somme d’argent distribuée aux individus, en salaire ou en dividendes ou en n’importe quoi. Donc, la somme de tous les prix établis pendant la semaine est plus grosse que la somme de tout le pouvoir d’achat distribué pendant la semaine. Et la même chose, semaine après semaine.

On peut répliquer que des travaux publics ou des travaux d’armements, ou d’autres de même nature, distribuent de l’argent sans mettre les produits sur le marché. Ils ne mettent pas les produits sur le marché, non, mais ils en mettent le prix dans les taxes. Or, les taxes sont autant de pouvoir d’achat de moins pour payer les produits mis sur le marché. Quant aux emprunts sur les mêmes travaux, ils ne sont que des taxes différées et augmentées; et nous payons en taxes aujourd’hui pour des emprunts d’hier. Dans l’ensemble, aux termes mêmes du système d’argent-dette, la pompe aspirante est toujours condamnée à débiter plus que la pompe foulante. Comme elle ne peut pas le faire longtemps et souvent, l’engagement pour l’avenir n’en est que plus considérable. On n’en sortira pas d’ici le Jugement dernier, à moins de sortir du système lui-même.

Exploitation de la demande

Une autre cause de hausse des prix peut aussi être attribuée à ce qu’on appelle parfois “la loi de l’offre et de la demande” — à ce qu’on peut bien appeler “le marchandage”.

Douglas a écrit que les prix, dans le système actuel, se situent entre un minimum et un maximum. Le minimum, c’est le prix coûtant, en dessous duquel le producteur, ou le marchand, ne peut pas vendre longtemps ses produits sans se condamner à ne plus pouvoir en vendre du tout (par la banqueroute). Et le prix maximum, c’est tout ce que le vendeur peut obtenir de l’acheteur: un prix plus cupide que chrétien.

Le Crédit Social corrigerait tout cela par son mécanisme d’ajustement scientifique des prix.

Le «juste prix»

Le moyen-âge chrétien a beaucoup considérer cette question du «juste prix», par lequel il entendait un prix équitable — toujours difficile à établir concrètement.

Eh bien Douglas a résolu le problème, en faisant la distinction entre le prix comptable et un prix ajusté.

Le prix comptable, c’est le prix tel qu’établi aujourd’hui: prix de revient, y compris les profits équitables des entrepreneurs, des producteurs, des commerçants, (ce qui est leur salaire), et aussi toutes charges qui peuvent être greffées à ce prix pour des services publics.

Ce prix comptable, le vendeur doit l’obtenir, pour pouvoir satisfaire ses propres obligations et demeurer en fonction.

Mais pour l’acheteur, pour le consommateur, ce n’est pas le juste prix. Douglas l’a défini par cette phrase: “Le véritable prix de la production, c’est la consommation”.

Autrement dit, il ne faut payer que ce qui est véritablement consommé en cours de production et pas plus.

Ce qui est consommé, usé, déprécié, détruit, en tout ou en partie, durant une période donnée, représente le coût réel de ce qui a été produit durant cette période.

Comme il est impossible, période après période, de consommer plus qu’il n’est produit période après période, il s’ensuit que: pour être juste, pour être conforme au réel, le prix à payer pour la production doit être inférieur au prix comptable de cette production. Et cela doit pouvoir se faire sans nuire à la comptabilité normale du prix de revient.

Un autre article expliquera cette formule créditiste du prix ajusté et compensé.

Louis Even

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