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Droit de chacun au minimum vital

le vendredi, 28 juin 2002. Dans Sous le Signe de l'Abondance

Sous le signe de l'Abondance - Chapitre 11

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Fin de l'organisme économique

La production de guerre canadienne a démontré à l'évidence ce que peut faire le Canada lorsqu'il décide de mettre de côté les obstacles artificiels, les obstacles financiers.

Après une telle expérience des capacités productives du pays, sera-t-il encore permis que des milliers de familles canadiennes soient condamnées à des privations abjectes tant que le pays n'a pas été entraîné dans une guerre totale ?

Ou bien, va-t-on exiger enfin un régime économique et social qui accomplisse sa fin ? Un régime qui remplisse les conditions définies dans cette phrase du grand pape Pie XI :

« L'organisme économique et social sera sainement constitué et atteindra sa fin, alors seulement qu'il procurera à tous et à chacun de ses membres tous les biens que les ressources de la nature et de l'industrie, ainsi que l'organisation vraiment sociale de la vie économique, ont le moyen de leur procurer ».

A tous et à chacun

Le régime économique doit procurer, dit le Pape. Procurer, pas seulement promettre, pas seulement exposer dans des vitrines.

Procurer à qui ? A tous. A tous ? Oui, et le Pape appuie : et à chacun. A tous et à chacun — cela n'admet aucune exception.

Procurer quoi ? Tous les biens que les ressources de la nature et de l'industrie permettent de procurer. Au pôle nord, on ne pourrait rien procurer. Mais au Canada ? Au Canada où la production s'empile en temps normal plus vite qu'on en peut disposer, la difficulté n'existe pas.

Tous les biens. Ne pas en mettre sous clef. Ne pas brûler des fruits ni jeter le lait aux égouts sous les yeux d'hommes, de femmes et d'enfants qui souffrent de la faim.

Tous les biens, à tous et à chacun. A tous et à chacun : chacun doit donc en recevoir une part. Mais quelle part ? Quelle quantité de biens l'organisme économique et social doit-il procurer à tous et à chacun ? Le Pape le dit :

« Ces biens doivent être assez abondants pour satisfaire aux besoins d'une honnête subsistance ».

Une honnête subsistance

Satisfaire aux besoins d'une honnête subsistance, pour tous et pour chacun. Mais voilà justement ce que réclament ceux qui exigent la garantie sociale d'un minimum vital à chaque citoyen, du berceau à la tombe. L'honnête subsistance, en effet, exige au moins :

Une suffisance de nourriture ; une suffisance de vêtements ; une suffisance de logement ; une suffisance de protection pour la santé ; une suffisance de loisirs pour reposer le corps et prendre soin de l'esprit.

Et pour qu'elle soit honnête, cette subsistance, faudrait-il lui sacrifier la liberté, la liberté qui est le plus bel apanage de la personne humaine ? Pour qu'il soit garanti, ce minimum qui constitue une honnête subsistance, faut-il d'abord qu'on s'entretue sur des champs de bataille ? Ou, pour que les biens de la nature et de l'industrie atteignent les familles, faut-il, en temps de paix, qu'une proportion grandissante des citoyens soit embauchée par l'Etat ? Faut-il qu'à mesure que la science place l'énergie solaire et les machines au service de l'homme, l'homme soit jeté dans les mailles du socialisme d'Etat ?

Une subsistance conditionnée par de telles servitudes cesserait d'être honnête. L'honnête subsistance ne peut pas signifier la subsistance de l'esclave devenu la chose de son maître, même si ce maître s'appelle l'Etat. L'honnête subsistance — objectif parallèlement tracé de tout organisme économique et social sainement constitué.

Droit inhérent à la vie en société

Mais, quand bien même le saint Père n'aurait jamais défini cet objectif, est-ce que la simple raison ne nous le désigne pas ? Chaque fois que des hommes s'associent, n'est-ce pas pour obtenir plus facilement, par leur association, ce que chaque associé désire mais ne peut que plus difficilement obtenir seul ? Cela est vrai de n'importe quelle entreprise, et cela est vrai de la grande association qui s'appelle société. Aussi, dès que, dans la société, commencent les frustrations pour des membres, dès que des personnes, de plus en plus nombreuses, cessent de retirer les avantages devant résulter de la vie en société, les forces de dislocation, les forces de l'anarchie commencent.

Droit de nature

Puis, à qui fera-t-on croire que les aspirations communes à tous les hommes, les aspirations qu'on retrouve chez chaque individu, puissent être contraires à l'ordre ? C'est le Créateur même qui a donné à l'homme sa nature. Si chaque personne réclame un minimum de nourriture, un minimum de protection par le vêtement et le logement, c'est parce que sa nature est ainsi faite qu'elle ne peut vivre sans ce minimum.

Droit de naissance

Chaque personne qui vient en ce monde a le droit à la vie. Que le nouveau-né fasse son entrée en ce monde dans le palais d'un monarque ou dans la plus pauvre cabane du plus pauvre des Canadiens, il a un égal droit de vivre. Il n'est pas question ici du niveau de vie, mais du minimum nécessaire pour tenir une personne en vie.

Devant le droit à la vie, donc devant le minimum nécessaire à la vie, tous les membres de la société, tous les individus de l'espèce humaine sont égaux.

Le droit à la vie, le droit aux moyens de vivre, est un droit de naissance. Un droit qui ne doit pas diminuer le droit des autres, qui ne devrait même pas abaisser le niveau de vie des autres dans un pays qui regorge de tout ce qu'il faut et où les biens se perdent faute de preneur La venue d'un nouvel enfant dans une famille ne devrait donc pas avoir pour effet de pratiquer une brèche dans l'honnête subsistance des autres membres de la famille.

Pourtant, même avec toutes les facilités de production et de transport modernes, la société actuelle garantit-elle à chacun de ses membres l'assurance d'une honnête subsistance ? Où est, dans notre code légal, même dans la catholique province de Québec, où est le texte de loi qui assure à chaque personne naissant en cette province le minimum nécessaire à une honnête subsistance ? On trouvera bien des textes de loi pour empêcher de faire souffrir inutilement des animaux. Mais pas une ligne pour empêcher une petite poignée d'hommes d'endiguer la distribution de l'abondance. L'objectif papal d'une honnête subsistance pour tous et chacun est tristement ignoré.

Droit d'héritage

Quand même tous les biens de ce monde seraient sous le régime de la propriété privée, cela n'exclurait pas le droit de chacun, même des non-possédants, à la vie, et par conséquent au minimum de choses nécessaires à la vie. La propriété, même privée, a une fonction sociale à remplir. La propriété d'un bien confère au propriétaire une sorte de gérance de son bien en fonction du bien commun.

Mais il existe aussi nombre de biens, nombre de facteurs de production qui restent propriété commune, dont tous les membres de la société sont copropriétaires au même degré.

De ces biens, les uns sont visibles, concrets. Telles, dans notre pays, les forêts de la couronne ; et les puissantes chutes d'eau alimentées gratuitement par la force pompante du soleil et la configuration des montagnes. Ces biens-là, à qui appartiennent-ils ? Ne constituent-ils pas un véritable héritage commun, sur les bénéfices duquel tous ont droit ?

Puis, il y a les biens moins visibles, et non moins réels, non moins producteurs, tels les développements de la science appliquée au cours des siècles. Nous croyons même que la science appliquée devient un facteur prépondérant dans l'abondante production moderne. Qui donc soutiendra que la science est un bien privé ? Il ne s'agit pas d'ignorer les efforts personnels de ceux qui s'instruisent ; mais même l'instruction acquise par une personne lui impose une obligation vis-à-vis de la société, puisque, pour cette acquisition, elle a bénéficié de tout l'agencement social qui l'a permise.

Puis, il y a bien, aussi, l'organisation sociale elle-même qui, considérée au simple point de vue production de biens matériels, est un facteur très important. Si chaque membre de la société devait vivre isolément et voir entièrement à sa propre subsistance, la production de chacun, la production totale serait immensément moindre qu'elle l'est sous le régime de la division des occupations, greffée sur l'organisation sociale. L'existence d'une société organisée augmente donc considérablement la capacité de production de l'ensemble. Cette existence d'une société organisée est-elle un bien privé, ou un bien commun dont tous doivent profiter ?

Outre le droit naturel à la vie, c'est donc aussi à titre d'héritier des générations passées, à titre de copropriétaire d'un bien commun, de beaucoup de biens communs, que chaque être humain, membre d'une société constituée, a droit à une certaine quantité de biens.

Le dividende national

Mais comment, de nos jours, se fait valoir un droit aux biens offerts par le mécanisme producteur ? Comment, sinon par le billet de papier ou le compte créditeur transmis du preneur au vendeur, par l'argent ? Règlement qui a l'avantage d'assouplir le choix des produits et de protéger les parties à la transaction.

Mais pour que ce règlement fonctionne sans priver du droit de vivre aucun des membres de la société, il est nécessaire, dans le monde moderne, que tous et chacun possèdent un minimum de ces titres à la production, un minimum d'argent, sous une forme ou sous une autre.

C'est ce minimum de titres à la production de leur pays, assuré à tous et à chacun des citoyens, que l'école créditiste appelle le dividende national. Dividende, parce qu'il ne représente pas un salaire, la récompense d'un travail personnel mais le droit de l'héritier, le droit du citoyen au revenu d'un capital commun, le droit à l'existence qu'une société bien organisée doit garantir à chacun de ses membres du seul fait de sa naissance.

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