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Démocratie Économique et commerce international

Louis Even le dimanche, 01 octobre 2023. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Une question, une réponse

Il n'est pas rare d'entendre l'objection suivante contre la Démocratie économique, aussi appelée Crédit Social : « Mais comment va se faire le commerce international avec l'argent du Crédit Social ? Comment cet argent-là va-t-il être accepté à l'étranger ? »

Une réponse très simple : « La nature de l'argent du Crédit Social serait exactement la même que la nature de l'argent d'aujourd'hui. Même forme et même sorte de métal ou de papier, même manière de tenir les comptes et de transférer les débits et les crédits ».

La question tombe donc d'elle-même. Toutefois, quelques notions sur le commerce international auront l'avantage de montrer que, sous un régime créditiste, le commerce international rencontrerait beaucoup moins de frictions que sous le régime actuel, même si le régime créditiste n'existait que d'un côté de la frontière.

Importations et exportations

Le commerce international consiste dans les échanges commerciaux dépassant les frontières du pays. Acheter du café au Brésil, des oranges en Floride ou en Californie, de la soie au Japon, du coton aux Etats-Unis, du vin en France, de la coutellerie en Angleterre, c'est, pour les Canadiens, faire des importations. C'est du commerce international. Les importations font venir des produits de l'étranger.

Vendre du papier canadien à New-York, du blé canadien en Europe, du nickel à l'Allemagne, de l'aluminium au Japon, du poisson à l'Italie, du bacon aux Anglais, c'est pour le Canada faire des exportations. C'est encore du commerce international. Les exportations font sortir les produits du pays et les expédient à l'étranger.

Le commerce international est une chose saine. C'est tout à fait dans l'ordre providentiel. Le bon Dieu a donné toute la terre à l'homme. Il a placé sur la terre tout ce qu'il faut pour les besoins temporels de l'humanité entière. Mais il n'a pas placé toutes les choses dans chaque petit coin du globe.

Certains pays produisent facilement et en abondance certains biens ; d'autres produisent mieux et abondamment d'autres choses. Il est donc avantageux pour les hommes de pays différents de faire entre eux des échanges de leurs surplus.

Dans le commerce international, les produits passent d'un pays à  un autre, dans les deux sens, tout comme, en dedans de notre pays, les produits des villes passent aux campagnes et les produits des campagnes passent aux villes.

Chez le marchand de votre village, vous pouvez voir, groupés ensemble, des produits des villes et des produits des campagnes.

Mais, chez le même marchand de votre village, vous trouvez aussi des choses qui ne sortent ni de nos champs ni de nos villes. Vous trouverez du riz qui vient de Chine, du thé qui vient de Ceylan, du café du Brésil, des bananes de l'Amérique du Sud, des livres de France, et que d'autres choses encore, de presque tous les pays du monde. Elles sont là, semble-t-il, aussi naturellement que les pommes de terre de la ferme voisine.

Si vous alliez dans des pays étrangers, vous y trouveriez aussi naturellement des produits canadiens. Vous mangeriez du bacon canadien à Londres ; vous trouveriez de la farine d'Alberta dans les boulangeries de France, du poisson de Gaspésie sur les tables de Rome, du papier de la province de Québec dans les grandes imprimeries de New-York.

Mais trouveriez-vous aussi facilement de l'argent chinois, japonais, turc, français, italien, ou autre, dans les porte-monnaie et les tiroirs du Canada ? Les produits traversent, mais l'argent ne traverse point comme les produits.

Voilà qui démontre immédiatement que l'argent n'a rien à faire avec le goût de l'étranger. Ce sont les produits qui ont affaire au goût des consommateurs où qu'ils soient. On prend le riz chinois si on l'aime, le thé vert du Japon si on l'aime ; mais on ne s'inquiète pas une minute de savoir si le yuan chinois ou le yen japonais sont en or, en argent, en papier, en caoutchouc, en chiffres ou en hiéroglyphes.

Le produit est universel ; mais l'argent est par essence une chose interne. Une réforme monétaire dans un pays n'a rien à voir avec les goûts, les idées ou les gouvernements des autres pays.

Donc, l'argent ne traverse point les frontières comme les produits ; et, dans le commerce international, les produits sont payés par des produits ou des services. S'ils ne le sont pas immédiatement, il y a dette d'un côté, créance de l'autre, comme lorsqu'un marchand vend à crédit.

Evidemment, lorsqu'un Canadien fait venir une cargaison de riz de Chine, il n'envoie pas en paiement une cargaison de blé. Il va à sa banque et paie en dollars. Le banquier livre un instrument de crédit que le Chinois échangera dans son pays pour des yuans chinois.

Mais un autre Chinois achètera d'un autre Canadien une cargaison de blé et ira à sa propre banque pour effectuer son paiement en argent chinois. La banque enverra une lettre de change au Canadien qui a exporté le blé, et le Canadien se fera payer chez lui en dollars canadiens. C'est en définitive la cargaison de blé expédiée par une compagnie qui a payé la cargaison de riz importée par une autre compagnie.

Difficultés du commerce international

Les échanges de lettres de change se font dans les banques ou les maisons de courtage, et la prépondérance de ces lettres de change, d'un côté ou de l'autre, détermine ce qu'on appelle le cours du change.

Mais le commerce entre les pays n'a rien à voir avec la matière dont l'argent est fait chez le voisin.

Croit-on que l'Allemand qui nous vend sa marchandise, et qui est payé chez lui en euros, se demande si nous la payons ici en dollars de papier, ou en rondelles de métal, ou avec un simple chèque tiré sur une banque ou une caisse populaire ?

Il n'y a pas la moindre difficulté de ce côté-là.

Les difficultés dans le commerce international viennent surtout de deux choses :

1. Les pays veulent exporter plus qu'ils importent ;

2. La valeur de l'unité monétaire de chaque pays est instable par rapport à elle-même.

Première difficulté aplanie

Un pays, le Canada, par exemple, voudra exporter des produits pour 2000 millions de dollars, mais il essaiera, par des barrières tarifaires ou autrement, de limiter ses importations à 1500 millions. Il veut envoyer à l'étranger des produits pour 500 millions de plus qu'il n'en reçoit. Pas par charité : il demande paiement. Mais il lui répugne d'accepter des produits en paiement, parce qu'il veut que ses nationaux restent bien occupés, qu'ils aient de l'ouvrage leur donnant des salaires pour acheter les produits qui restent.

Les créditistes ont depuis longtemps compris et dénoncé cette politique aussi absurde qu'anti-naturelle. Mais tant qu'on continuera à vouloir que le droit aux produits vienne par les salaires seulement, tant qu'on ne voudra pas le compléter par des dividendes pour le hausser au niveau de la production offerte, on continuera de chercher à l'étranger du pouvoir d'achat qui manque aux consommateurs du pays ; on continuera de faire pression pour vendre à l'étranger des produits dont les nationaux ont besoin mais qu'ils ne peuvent payer. Par l'exportation plus forte que l'importation, on diminue la somme de produits en face de la somme d'argent, au lieu de consentir à augmenter l'argent en face des produits.

Ainsi respecte-t-on le règlement qui ne veut pas d'autre source de pouvoir d'achat que la contribution personnelle à la production.

Comme tous les pays, jusqu'ici, s'en sont tenus à ce règlement, tous ont cherché à exporter aux autres plus qu'ils importaient des autres. D'où des frictions économiques qui nuisent au commerce international et conduisent aux frictions politiques, avec les dénouements tragiques que l'on sait.

Le Crédit Social, en mettant dans le pays tout l'argent qu'il faut pour acheter toute la production du pays, fait disparaître cette folle furie. Le pays créditiste est prêt à exporter ses surplus, mais demande en retour la même quantité de surplus des autres. Les gens du pays créditiste ont de quoi acheter ce qui vient, avec l'argent qui aurait acheté ce qui s'en va. Et le pays étranger est heureux de trouver cette facilité avec le pays créditiste.

Le Crédit Social fait donc disparaître la première cause de friction dans le commerce international, au moins dans le pays qui adopte le régime créditiste ; le commerce entre ce pays et tous les autres est immédiatement adouci et favorisé.

Deuxième difficulté aplanie

La deuxième cause, c'est l'instabilité de la valeur d'achat de l'argent dans son propre pays.

Dans le commerce international, il s'écoule un certain temps entre la commande et le paiement de la marchandise reçue. Le prix est accepté et les traites sont tirées en même temps que la commande.

Un Français me vend des articles parisiens pour une valeur de 8000 euros. J'accepte une traite qui me fera lui verser, dans six mois, l'équivalent de 8000 euros, disons 11 500 dollars canadiens (cours du change au moment de l'achat).

Mais si, dans six mois, la restriction de l'argent a fait baisser la valeur du dollar canadien, je devrai peut-être payer 13000 $ au lieu de 11 500 $ si j'avais payé immédiatement, au moment de l'achat. C'est une injustice dont le risque est toujours suspendu sur la tête des exportateurs et des importateurs, avec les inflations et déflations continuelles du système.

Le Crédit Social, en maintenant toujours le volume de l'argent au niveau du volume de la production, maintiendrait beaucoup mieux la stabilité dans la valeur de l'unité monétaire du pays créditiste.

Les commerçants étrangers sauraient ce que signifiera le dollar canadien créditiste dans six mois ou un an : il signifiera encore la même chose qu'à l'heure de la vente ou de l'achat.

Le commerce avec un pays créditiste serait donc recherché. Ceux qui disent que le Crédit Social nuirait au commerce international disent exactement le contraire de ce qui est à prévoir. C'est parce qu'ils ignorent ce qu'est le Crédit Social, ou ils ignorent ce qu'est le commerce international.

                                                    Louis Even

Dans un article paru dans Vers Demain du 15 novembre 1953, Louis Even répond à la question suivante :

« Vu que les financiers internationaux n'aiment point le Crédit Social, et vu qu'ils ont beaucoup de puissance sur les mécanismes d'échange, ne pourraient-ils pas déprécier artificiellement, par contrôle imposé, la valeur d'échange de la monnaie du pays créditiste ? »

Ils pourraient certainement intervenir, mais ça tournerait contre eux-mêmes, ça produirait l'effet contraire à leur politique financière. Supposons, par exemple, que le Canada établisse chez lui un système créditiste, à un moment où le dollar canadien est coté 400 francs français. Puis, supposons que les courtiers internationaux, agissant sous directives, abaissent artificiellement ce cours du change à 300 francs français, pour pouvoir dire à tout l'univers que le Crédit Social a fait l'argent canadien perdre sa valeur. Que va-t-il arriver ?

Il va arriver plusieurs choses qui vont rebondir contre la puissance intervenante. D'abord, au Canada, l'argent canadien continuera à acheter plus de produits canadiens, puisque le Crédit Social abaisse les prix par son escompte compensé.

Puis, vu que les courtiers abaissent le prix du dollar canadien sur le marché international, les autres pays vont se jeter avec empressement sur ce dollar, puisqu'ils l'obtiennent à meilleur marché, et puisqu'ils obtiennent ainsi plus de produits canadiens en y mettant moins de leur argent.

Le résultat sera, pour le Canada, une expansion extraordinaire de ses exportations. Ses surplus s'écouleront plus vite sur les marchés étrangers. Il est vrai que, en contrepartie, le Canada devra exporter plus de produits pour avoir des produits étrangers. Pour y faire face, l'industrie canadienne s'efforcera de développer chez elle la production des produits plus difficiles à importer, et de rendre ainsi le Canada plus indépendant de la production étrangère – ce qui est tout à fait contraire à la politique des financiers internationaux. Ils se seront ainsi porté des coups à eux-mêmes.

Mais ce n'est pas tout. Pour les pays étrangers, qui tireraient avantage de l'abaissement du dollar canadien sur le marché du change, ce serait une importation augmentée de produits canadiens. Ces pays auraient moins à exporter pour obtenir davantage. L'embauchage baisserait chez eux. Tout cela serait encore contraire à la politique financière, puisque cette politique veut que les pays exportent plus qu'ils importent, et puisqu'elle veut imposer l'embauchage intégral comme condition du droit de vivre. La finance « orthodoxe » perdrait ainsi son contrôle sur l'économie interne des pays non-créditistes. En voulant punir un pays créditiste, elle perdrait les autres pays.

Le Crédit Social est donc une arme formidable. Qu'un seul pays l'adopte, il se libère lui-même de la dictature financière ; et, si les financiers internationaux n'interviennent pas, les autres pays voudront vite suivre cet exemple et se libérer eux-mêmes. Puis, si les financiers internationaux interviennent pour essayer de punir le pays créditiste, ça tourne à l'émancipation de l'économie de ces autres pays.

Louis Even

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