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Techniciens oui — Technocrates non

Louis Even le mardi, 21 décembre 1965. Dans Une lumière sur mon chemin

Le présent article n'est qu'un faible résumé du discours plein de doctrine, de vie et de jeunesse que les congressistes ont eu le bonheur d'entendre de la bouche même de notre vénéré fondateur, encore sur la première ligne de feu, à 81 ans comme au début, malgré ses 30 ans de service et la si terrible maladie qui a failli l'emporter l'hiver dernier. Nous remercions le bon Dieu de nous garder ce grand général de notre Mouvement, dont le génie éclaire les chemins du pays et dont la force d'âme brille comme une grande espérance dans le ciel de Nouvelle-France.


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Louis EvenAprès 30 années de propagande créditiste dans notre pays, il est difficile pour des Canadiens français d’ignorer qu’il existe une chose appelée Crédit Social et qu’il y a un mouvement créditiste pour répandre la doctrine du Crédit Social. Cela ne veut pas dire que tout le monde comprenne bien en quoi consiste exactement le Crédit Social. On rencontre même beaucoup de confusion chez plusieurs, surtout à cause d’un parti politique qui a pris le nom de Crédit Social, ce qui les porte à prendre le Crédit Social pour un nouveau parti cherchant à prendre le pouvoir.

À la lumière de Vers Demain

Mais ceux qui lisent Vers Demain savent mieux, même si tous les numéros de Vers Demain ne recommencent pas à faire la distinction entre le Crédit Social authentique et les politiciens qui usurpent ce vocable.

De plus, ceux qui lisent assidûment Vers Demain savent aussi que le Crédit Social n’est pas simplement une réforme financière, si importante soit-elle. Il va bien plus loin. La réforme financière qu’il propose aurait pour effet de casser le monopole de l’argent et du crédit, de libérer les personnes de la servitude de l’argent-dette. Mais il y a d’autres monopoles, d’autres asservissements, comme le monopole de l’État, l’État totalitaire, la dictature de l’État sur les personnes, que le Crédit Social repousse avec la même véhémence qu’il repousse la dictature financière.

Au service de la personne

En fait, l’objectif essentiel du Crédit Social, c’est le libre épanouissement de la personne. L’épanouissement de la personne, de chaque personne, doit être favorisé et non pas contrarié par la vie en société. Comme le remarquait le Pape Jean XXIII, dans son encyclique Mater et Magistra sur la socialisation, toute association de personnes est bonne dans la mesure seulement où elle contribue à l’épanouissement de la personne et elle est viciée dans la mesure où elle étouffe les personnes ou certaines des personnes qui la composent.

La plus grande association dans l’ordre civil, c’est bien la société, disons la province ou la nation. Si elle est bien ordonnée, elle bénéficie à tous ses membres, à tous les citoyens. Mais elle pèche dans la mesure où elle en laisse dépourvus des avantages de la vie en société. Car la vie en société procure de grands avantages.

En économique

Sans la vie en société, si chacun devait voir isolément à produire les biens réclamés par ses besoins, la production totale serait très petite comparée à ce qu’elle est grâce à la vie en société. Sans la vie en société, en effet, sans un ordre social établi, sans les biens d’ordre public, il n’y aurait ni écoles, ni universités, ni laboratoires de recherches. Les inventions isolées ne seraient ni répandues ni transmises d’une génération à l’autre. La science appliquée serait inexistante. Le progrès matériel serait nul ou à peu près. Les grandes richesses naturelles resteraient aussi inexploitées que dans les économies primitives.

C’est-à-dire que de beaucoup la plus grande partie de la production moderne est due à la vie en société ordonnée. C’est un enrichissement dû à l’association dont tous les membres, donc tous et chacun des citoyens, doivent obtenir une part.

Voilà ce qu’enseigne le Crédit Social en matière économique. D’où sa technique du dividende à tous et du prix ajusté pour assurer à tous et à chacun une part de cet enrichissement qui provient de la vie en société.

Cela ne va en rien contre la propriété personnelle de moyens de production, en rien contre l’entreprise privée qui est encore, comme l’expérience le prouve, le meilleur moyen de réussir une production abondante. Mais justement la propriété privée, l’entreprise privée, n’a pas pour unique but d’enrichir l’entrepreneur. Elle a aussi une fonction sociale à remplir. Elle doit répondre au plan de Dieu qui veut que les richesses de la terre profitent à tous les hommes. C’est exprimé par le grand principe de la destination commune de tous les biens terrestres. Principe aussi sacré que la propriété privée.

D’ailleurs l’entrepreneur, privé ou associé à d’autres, utilise des biens et des moyens qui ne sont pas le fruit de son travail personnel, telles les richesses naturelles créées par Dieu et non pas par l’entrepreneur, tel encore le progrès dont nous parlions tout à l’heure, fruit de découvertes, d’inventions, de savoir-faire acquis et transmis de génération en génération grâce à la vie en société. Cela confère à toute la société, à tous ses membres, des droits sur une part de la production même si toute la production sort de l’entreprise privée.

En politique

Il y a aussi d’autres biens que les biens purement matériels. Entre autres, le grand bien de la liberté. Un bien dû à chaque personne. Un bien qu’aucune association, aucun syndicat, aucun gouvernement local, provincial ou national n’a le droit de fouler aux pieds. La liberté pour chaque personne de choisir, d’accepter ou de refuser, en autant que l’exercice de cette liberté n’entrave pas l’exercice du même droit chez les autres.

Ce sont là des principes hautement proclamés par l’école créditiste. Il est nécessaire de les rappeler car, dans la pratique, il arrive que la soif de dominer par certains individus, ou la recherche de plus de pouvoir par des gouvernements, fait litière de cette liberté personnelle. C’est même la grande tentation chez les gouvernements actuels. Par des étatisations, par des planifications, par des interventions croissantes dans des domaines qui devraient être laissés aux personnes, aux familles, aux groupements libres, aux corps inférieurs, les gouvernements empiètent de plus en plus sur la liberté de choix des personnes. Pas seulement les gouvernements sur la liberté de choix des citoyens, mais des syndicats ouvriers sur la liberté de choix des travailleurs qu’ils veulent enrôler de force, ou au moins cotiser de force.

Guerre à toute dictature

Tout cela est de la même tendance politique que le socialisme d’État, que le communisme, que l’État technocrate. Et les créditistes authentiques de Vers Demain combattent l’ennemi sur tous ces fronts. L’ennemi est comme l’hydre à sept têtes de la légende. N’en voir qu’une, ne se défendre que contre celle-là, c’est se laisser manger par les six autres têtes. À quoi servirait-il, par exemple, pour les créditistes, de ne dénoncer que la seule dictature financière, de proposer des remèdes seulement contre la dictature financière si pendant ce temps-là, on laisse s’implanter graduellement une dictature politique contre laquelle on n’aura même plus la liberté de protester.

Et quelle différence y aurait-il entre une dictature politique établie par une révolution à la manière russe ou une dictature politique établie à la manière des Fabiens, graduellement pour ne pas éveiller l’opinion, en complétant une étape lorsqu’il est trop tard pour lui opposer une résistance fructueuse ?

En Russie et dans les autres pays de même structuration politique, le totalitarisme a été établi et est maintenu par un parti unique. Dans les pays occidentaux, le totalitarisme s’installe très bien graduellement sans supprimer les partis d’opposition. Il s’installe par la mise en place d’organismes dirigés par des technocrates. On dit par des «personnes compétentes». Et une fois établie par un parti au pouvoir, la chose demeure même après une élection qui amène le parti adversaire au pouvoir. L’expérience est là pour le démontrer.

Ne pas confondre «technocrates» avec techniciens. Les techniciens sont, en effet, des hommes compétents tout désignés pour exécuter, pour fournir les résultats qui leur sont commandés. Mais les technocrates, eux, ne veulent pas se contenter d’exécuter ce qui leur est demandé. Ils veulent décider eux-mêmes ce qu’ils vont imposer comme résultat. Il y a le «quoi faire» et il y a le «comment le faire». Le «quoi faire», le «quoi demander» doit rester la décision des personnes, des familles, des groupements libres, des gouvernements dans leurs juridictions respectives avec l’assentiment des représentants du peuple. Le «comment faire» doit être l’affaire des techniciens, des experts en exécution.

L’État étatise, installe une dictature politique

Changer les techniciens en technocrates, c’est changer le service en dictature. C’est cela qu’on essaie de bâtir dans nos pays encore libres. Si l’on ne résiste pas, si on laisse faire, on se réveillera dans une dictature politique aussi totale qu’en pays communiste. Une dictature qui ne respectera même pas ce qu’il y a de supérieur et de plus intime chez les personnes. C’est ainsi qu’on a institué dans notre province de Québec les écoles d’État, l’hospitalisation d’État, demain la médecine d’État. On aura une génération formée au goût de l’État. On aura des citoyens dont les misères physiques traitées dans des hôpitaux d’État, seront consignées dans des filières ouvertes aux fonctionnaires et aux inspecteurs de l’État.

Ces empiètements sur la liberté et la dignité de la personne ne doivent pas être le prix de la sécurité économique. La sécurité économique, la garantie du pain quotidien, sans la liberté serait un régime d’écurie, un régime d’animaux domestiques bien traités par leur maître, peut-être, mais entièrement soumis aux décisions de leur maître.

La dénonciation de tous ces empiètements fait partie du programme de notre mouvement créditiste, du mouvement créditiste de Vers Demain.

On les dénonce dans Vers Demain. On le fait par des circulaires distribuées à la grandeur du pays, partout où il y a des volontaires créditistes, petits ou grands, pour s’en occuper. On le fait par des émissions hebdomadaires de Vers Demain à la radio. Clamer la vérité, clamer les principes, stigmatiser leur violation, c’est pour nous un devoir.

Mais cela ne suffit pas. Il faut encore, et surtout, former des citoyens, des patriotes, des hommes et des femmes inflexibles, que ni argent, ni honneurs ne feront taire ni céder. Et c’est à cela que s’applique l’école de Vers Demain, avec son entraînement de jeunes et de moins jeunes à des initiatives d’hommes libres, à l’exercice de responsabilités personnelles.

Consécration au Cœur immaculé

Devant l’immense tâche à accomplir, nous reconnaissons évidemment notre faiblesse. Aussi nous tournons-nous vers le Ciel pour féconder nos efforts. Nous avons consacré notre Institut d’Action Politique à Marie, à son Cœur Douloureux et Immaculé comme elle l’a demandé à Fatima. Nous avons mis notre centre social et toutes ses activités sous le patronage de l’Archange saint Michel.

La récitation quotidienne du chapelet ou même du Rosaire et le port de la médaille miraculeuse sont à l’honneur chez les membres actifs de notre mouvement.

Nos grands «donnés», nos pèlerins, vont à la messe tous les matins quand ils ne sont pas trop loin de l’église paroissiale. Nous avons mis au programme, depuis quelques mois, les marches des chapelets pour faire un acte public de foi, face aux abandons de Dieu trop communs dans la vie publique.

Nous avons la grande grâce d’être des catholiques en même temps que des créditistes. Nous croyons combattre efficacement le matérialisme croissant et le communisme menaçant, en leur opposant, sur le terrain spirituel, une vie chrétienne intense, et sur le terrain politique, économique et social, la philosophie et les propositions concrètes du Crédit Social.

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