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Crédit Provincial - 1ière partie

Louis Even le mercredi, 23 janvier 1963. Dans Economie

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Mes bien chers amis,

Il y a quelques semaines le gouvernement de la province de Québec annonçait à la population qu’il termine son exercice financier avec un déficit de deux cent millions de dollars; cela veut dire que durant les douze mois il a été dépensé par le gouvernement deux cent millions de dollars de plus que le gouvernement n’a reçu par les taxes. Évidemment, pour pouvoir payer plus que ce qu’il a reçu par les taxes, il a fallu qu’il emprunte.

L’opposition ne manque pas de faire reproche au gouvernement Lesage de dépenser ainsi plus qu’il ne reçoit et d’endetter la province. On peut considérer qu’il y a là une double accusation, un double blâme adressé au gouvernement. Premièrement, de dépenser plus qu’il ne reçoit. Deuxièmement, d’endetter la province. Est-ce qu’il faut blâmer le premier ministre et son gouvernement d’avoir dépenser plus qu’ils n’ont reçu pour les taxes ? Nous disons non, il a bien fait. S’il n’avait pas dépensé ces deux cent millions il y aurait pour deux cent millions de moins de services, de travaux faits pour la population. Il y aurait plus de chômeurs par conséquent.

Et s’il avait tiré deux cent million de plus en taxes et bien la population aurait eu deux cent millions moins pour son usage personnel.

Donc, nous ne pouvons que féliciter le gouvernement de dépenser deux cent millions en biens pour la province sans prendre ces deux cent millions dans la poche des contribuables.

‘’oui me dira-t-on,’’ il a endetté la province pour autant et ça va être des taxes à l’avenir qu’il faudra payer et elles seront plus grosses parce qu’il faudra payer avec l’intérêt. Il faudra rembourser les emprunts avec les intérêts.’’ Là, c’est une autre affaire. Si on ne peut pas et on ne doit pas reprocher au gouvernement Lesage d’avoir dépensé ces deux cent millions, on peut certainement lui reprocher de les avoir inscrit comme dette provinciale. ‘’ Pourquoi lui reprocher de l’avoir inscrit comme dette provinciale ? Il ne peut pas en être autrement. ‘’

Comment il ne peut pas en être autrement ? Quelle dette que c’est ? Qu’est-ce que c’est que l’on doit ? À qui le doit-ton ? Qui est-ce qui le doit ? Qu’a-t-on fait avec ces deux cent millions ? ‘’ Bien des choses; disons que ça a été pour faire des routes, des ponts, des hôpitaux, mettons que c’est pour cela et d’autres choses aussi. ‘’ Mettons que c’est pour cela. Qui est-ce qui a construit des routes, ses hôpitaux, tous ces affaires là, qui est-ce qui a construit ça ? ‘’ Bien c’est des gens qui ont été engagé par le gouvernement’’, très bien et puis ils ont reçu des salaires’’, très bien, ils ont dépensé ces salaires, ils ont acheté de la nourriture, ils ont acheté des habits, ils ont payé leur loyer.’’

Qui est-ce qui a fait cette nourriture ? Qui est-ce qui a fabriqué ces habits ? Qui est-ce qui a établi ces maisons ? C’est toujours la population de la province de Québec, soit les uns soit les autres et pourtant au bout de tout cela c’est la population dans son ensemble que l’on considère comme endettée pour deux cent millions alors que c’est la population dans son ensemble qui a fait tout ce qu’il fallait, qui a produit tout ce qu’il fallait pour équivaloir ces deux cent millions.

.Depuis quand est-ce qu’on doit être endetté pour une chose qu’on a faite soi-même ? Ça paraît drôle à dire. ‘’ Oui mais il a bien fallu de l’argent pour payer ces gens là. ‘’ Très bien, il a fallu de l’argent pour payer ces gens là; ils ont fait des produits, il n’y avait pas d’argent dans la population pour les payer ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que le système de paiement n’est pas égal au système de production. Est-ce que c’est correct ça ? On travaille, on produit et on n’a pas d’argent pour payer ? Qui est-ce qui fait le travail ? Qui est-ce qui fait les produits ? La population. Qui est-ce qui fait l’argent ? Ni la population ni le gouvernement. Qui est-ce qui fait l’argent ? Pas les financiers, pas les banquiers, et c’est à eux qu’on doit nos routes ? Ils n’ont pas fait rien pour les routes, ceux qui ont fait les routes, qui ont tout fabriqué, qui ont tout construit ça ? C’est eux autres qui doivent à ceux qui n’ont rien fait ?

Ne va-ton pas trouver ça absurde ? C’est absurde au suprême degré. Et ce qui est absurde encore c’est de faire rembourser non seulement le prix de ces choses là mais de l’intérêt par dessus le marché.

Les deux cent millions ont été émis sous forme de crédit, sous forme d’argent inscrit dans les livres des banquiers ou d’autres manières même si c’est de l’argent qui a été prêté par les unes ou par les autres, qu’est-ce que c’est que l’argent ? Ce sont des chiffres qui servent à payer qui servent à acheter. Mais oui des chiffres, que ça soit des morceaux de papiers, que ça soit des rondelles de métal, que ça soit dans les livres de banques, ce sont des chiffres. Il a fallu faire des chiffres, trouver des chiffres, deux cent millions, pour permettre à la population de produire.

C’est la permission donnée à la population, accordée à la population pour pouvoir faire deux cent millions de travaux. Est-ce que ce n’est pas assez drôle que le gouvernement et que la population doivent demander la permission de produire des choses qui sont bonnes pour la province et qu’elle doive payer cette permission et qu’elle doive payer avec usure, payer de l’intérêt sur cette permission, remettre tout ça aux banquiers ?

Ça ne vaut pas grand-chose ce système là; c’est une absurdité. Et de la part du gouvernement, admettre ça et bien c’est une déchéance, une déchéance devant un pouvoir qui s’est donné qui s’est accordé la permission de contrôler ainsi la population du pays et son gouvernement.

Et ce n’est pas seulement à Québec que ça se fait. Dans les municipalités c’est la même chose. Prenez cette année on parle beaucoup du métro à Montréal. La construction d’un métro, ça a demandé plusieurs voyages en Europe, à Monsieur Drapeau et à Monsieur Saunier. Qu’est-ce qu’ils sont allés faire en Europe ? Sans doutes qu’ils sont allés voir différents plans, différentes manières de faire un métro, soit, mais ils sont allés aussi pour sonder le moyen de financer leur métro, pour savoir s’ils emprunteraient à Paris ou à Bruxelles ou à Londres plutôt qu’à New York, plutôt qu’à Montréal, plutôt qu’à Toronto pour construire le métro.

Ça veut dire que si on fait venir par exemple de l’argent de la Belgique ou de la France ou de l’Angleterre pour construire le métro, le métro va pas être construit par les Anglais ni par les Belges ni par les Français, il va être construit par les Canadiens, il va être construit par la main d’oeuvre canadienne, par des ingénieurs canadiens je suppose. Je ne pense pas qu’on en fasse venir beaucoup de l’étranger pour cela. Et ceux qui vont être payés pour cette construction là vont se nourrir avec des aliments qui sont dans nos magasins, qui viennent de la production canadienne ou d’une production étrangère en échange des surplus canadiens. Par conséquent avec de la richesse qui appartient aux canadiens, on va bâtir un métro à Montréal et après ? On va devoir payer ce métro là à qui ? À des Anglais ? À des Belges ? À des Français ?

Qu’est-ce qu’il y a de logique là dedans ? Qu’est-ce qu’il y a de compréhensible là dedans ? ‘’ Mais c’est le système financier. ‘’ On sait bien que c’est le système financier. Il y a quelque chose qui ne va pas là dedans. C’est qu’il faut redresser au lieu de se mettre comme cela les esclaves d’un système financier, mettre le système financier au service des réalités.

Il y a longtemps que les créditistes parlent de cela. Ils ont même suggéré, ils ont même demandé au gouvernement fédéral - puisqu’on a une Banque du Canada- supposée une banque pour les Canadiens, une banque qui par sa charte doit faire que l’argent, le crédit soit au service de l’industrie du pays, de la production du pays pour que la production marche effectivement et que les produits soient distribués effectivement.

Et bien, on demande au gouvernement fédéral, puisqu’on a une Banque du Canada, pourquoi nous obliger à nous endetter auprès de financiers qui profitent de ce que la population fait et qui endettent la population pour ce qu’elle fait elle-même. Pourquoi ne pas demander à la Banque du Canada d’émettre sans intérêt tous les argents, tous les crédits financiers qui sont nécessaires pour pouvoir procéder à l’exécution de choses qui sont parfaitement exécutables et qui sont demandées par la population, pour ne parler que de finance publique et que de production publique.

Mais le gouvernement fédéral n’agit pas. Il y a longtemps qu’on lui demande ça alors nous disons puisque le gouvernement fédéral n’agit pas, pourquoi est-ce que les gouvernements provinciaux ne le font-ils pas ? ‘’ C’est une question d’argent; la question d’argent ça dépend du fédéral ‘’ Il y a en effet une constitution ou une loi qu’on prend pour une constitution qui a été faite en 1867 et qui partage les juridictions entre le fédéral et le provincial et on dit le fédéral a juridiction sur les banques, sur la monnaie du pays. Très bien, mais dans la même constitution on dit que la province peut emprunter sur le crédit de la province. Elle ne peut pas emprunter sur le crédit des autres provinces ni sur le crédit du Canada tout entier mais elle peut emprunter sur le crédit de la province. Cela veut dire que chaque province a un crédit; quel est son crédit ? C’est sa capacité de production, sa capacité de produire. c’est cela qui est la base de son crédit financier.

Donc, la province de Québec, pour parler d’elle, a un crédit à sa disposition : la capacité de produire de sa population, les ressources naturelles de son pays, la main d’oeuvre de son pays, la compétence de ses gens, la bonne volonté des travailleurs, le génie de ses ingénieurs, ensuite les décisions de son gouvernement ou ses municipalités pour faire des choses. La province de Québec a un crédit; elle a le droit d’emprunter des financiers pour son crédit donc elle aurait le droit de se servir de son crédit sans passer par les financiers. Si le crédit lui appartient puisqu’elle peut emprunter sur son crédit, si son crédit lui appartient pourquoi ne s’en sert-elle pas directement pour financer ses entreprises ?

‘’Et bien comment ça. Qu’est-ce que le crédit financier ? ‘’ C’est une comptabilité qui exprime ou qui est supposée exprimer, refléter le crédit réel de la population et si la province de Québec a un crédit réel et bien que le gouvernement de Québec établisse simplement une maison comptable qu’il l’appelle du nom qu’il voudra, Succursale du Trésor, s’il veut, ou bien Crédit Provincial, ou bien Crédit Québec, qu’il l’appelle comme il voudra. On a bien un Hydro Québec par exemple, pour voir au courant électrique tiré des ressources naturelles du pays; pourquoi n’avoir pas un Crédit Québec qui sera des comptables et non pas des ingénieurs électriciens dans ce cas la, des comptables pour écrire dans des livres la représentation en chiffres de la capacité de production du pays et mettre au débit chaque fois que l’on fait une entreprise, mettre au débit les crédits qu’on laisse aller pour l’entreprise et puis obliger, avec les années à mesure que s’usent les choses à rentrer le crédit là, parce que le crédit financier doit venir avec la production et disparaître avec la consommation.

On comprend tout de suite que si cela se faisait, il n’y aurait pas de dettes provinciales de deux cent millions de plus cette année. Il n’y aurait jamais de dettes provinciales de faites là lorsqu’on produit. On produit ce serait exprimé par un crédit et on consomme ce serait exprimé par un débit. On ne peut pas consommer plus qu’on produit donc il n’y aurait jamais d’endettements considérés à la taille de la province. Or c’est cela qu’on a aujourd’hui; les endettements sont à la taille de la province puisqu’on taxe toute la population pour la payer.

Alors demandons dans la province de Québec un crédit Québec, dans l’Ontario un crédit Ontario; demandez au gouvernement de Toronto, au Nouveau-Brunswick un crédit Nouveau-Brunswick, demandez au gouvernement de Frédéricton, dans chaque province, mettons l’idée et tâchons de la faire exécuter par les gouvernements d’un crédit provincial tant que le gouvernement fédéral ne voudra pas agir à la grandeur du pays.

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