Page 15 - La démocratie économique vue à la lumière de la doctrine sociale de l'Église
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Le but de l’économie   15

        demandons pas plus. Mais demandons-lui cela. C’est à elle d’ac-
        complir cela.
                          Morale et économique
            Ne demandons pas à l’économique d’atteindre une fin mora-
        le, ni à la morale d’atteindre une fin économique. Ce serait aussi
        désordonné que de vouloir aller de Montréal à Vancouver dans le
        transpacifique, ou de New-York au Havre en chemin de fer.
            Un homme affamé ne passera pas sa faim en disant son cha-
        pelet,  mais en prenant des aliments. C’est dans l’ordre. C’est le
        Créateur qui l’a voulu ainsi et il n’y déroge que par miracle, qu’en
        déviant de l’ordre établi. Lui seul a droit de briser cet ordre. Pour
        assouvir la faim de l’homme, c’est donc l’économique qui doit in-
        tervenir, pas la morale.
            Pas plus qu’un homme qui a la conscience souillée ne la purifie-
        ra par un bon repas ou par de copieuses libations. C’est le confes-
        sionnal qu’il lui faut. C’est à la religion d’intervenir ici: activité mo-
        rale, non plus activité économique.
            Sans doute que la morale doit accompagner tous les actes
        de l’homme, même dans le domaine économique. Mais pas pour
        remplacer l’économique. Elle guide dans le choix de l’objectif et
        veille à la légitimité des moyens; mais elle n’accomplit pas ce que
        l’économique doit accomplir.
            Lors donc que l’économique n’accomplit pas sa fin, lorsque les
        choses restent dans les magasins ou dans le néant et les besoins
        dans les maisons, cherchons-en la cause dans l’ordre économique.
            Blâmons évidemment ceux qui désorganisent l’ordre économi-
        que ou ceux qui, ayant mission de le régir, le laissent dans l’anarchie.
        Eux, en n’accomplissant pas leur devoir, engagent certainement leur
        conscience et tombent sous la sanction de la morale.
            Comme quoi, si les deux choses sont bien distinctes, il arrive
        tout de même que les deux concernent le même homme et que, si
        l’une est immolée, l’autre en souffre. L’homme a le devoir moral de
        veiller à ce que l’ordre économique, le social temporel, atteigne sa
        fin propre.
            Aussi, bien  que  l’économique  ne  soit responsable  que  de  la
        satisfaction des besoins temporels des hommes, l’importance du
        bon ordre économique a été maintes fois soulignée par ceux qui
        ont charge d’âmes. C’est qu’il faut normalement un minimum de
        biens temporels pour faciliter la pratique de la vertu, comme le rap-
        pelle saint Thomas d’Aquin. Nous avons un corps et une âme, des
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