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Mort aux taxes - Deuxième partie

Louis Even le lundi, 23 décembre 1968. Dans Une lumière sur mon chemin

Système financier injuste qui affame les peuples

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Louis EvenDans la précédente causerie, on a dit comment un certain monsieur Dubois, questionnant un créditiste de son village, s’est fait expliquer où l’argent nouveau prend sa source. À la banque, chaque fois qu’un banquier inscrit au compte du gouvernement ou de gros emprunteurs des montants que ces emprunteurs n’ont point déposés. Crédit nouveau qui ne diminue rien dans aucun autre compte. La plume du banquier crée l’argent tandis que la plume du gouvernement signe des dettes envers le banquier. Une révélation pour monsieur Dubois. Visiblement impressionné, il s’exclame:

Ce que vous me dites là est frappant, renversant. Et si vous n’avez rien exagéré, je trouve que c’est là un grand désordre.

A mon sens, répond son ami, c’est le plus grand désordre de nos structures économiques, une source de maux sociaux injustifiés, pervertissant l’ordre politique, en faisant des gouvernements les valets d’intérêts privés, selon l’expression de Pie XI. Je n’ai rien exagéré et je dirai même que c’est un désordre criminel, dont ne peuvent être innocentés ceux qui le maintiennent, ou qui le soutiennent, ou qui le protègent contre les dénonciations, ou qui l’approuvent implicitement par leur silence conscient.

Système financier injuste qui affame les peuples

Ce système n’est pas seulement une cause d’injustice, il empoisonne, il affame, il tue véritablement. C’est lui qui a fait souffrir sans justification des centaines de millions d’individus, comme l’a visiblement attesté la grande crise d’avant-guerre alors que des personnes et des familles durent, par simple manque d’argent, manquer du nécessaire devant une capacité de production qui n’avait souffert d’aucune cause naturelle.

Refuser ou restreindre le crédit pour la production de vie, et le libérer en abondance pour les œuvres de guerre, c’est un crime qui dépasse tous les crimes mis ensemble des voleurs, des incendiaires, des assassins, jetés en prison ou condamnés à mort par nos cours de justice. Comptez, en effet, si vous le pouvez, le nombre de personnes que ce système a livrées à la faim, aux maladies, à la ruine, à des morts précoces, jusqu’à ce qu’il jette des millions d’hommes les uns contre les autres, dans des tueries grassement financées par ces mêmes contrôleurs du crédit. Est-ce que le nombre de ces victimes n’égale pas des centaines de fois le nombre des victimes de crimes qui ont valu la prison ou l’échafaud à leurs auteurs ? Et pourtant, quel contrôleur du crédit n’a jamais été arrêté ? C’est, au contraire, devant ces maîtres, que les ministres qui nous gouvernent se présentent chapeau bas, pour quêter la permission de répondre au moins partiellement aux besoins de la population, moyennant endettement à perpétuité.

Ainsi présentée, dit monsieur Dubois, la situation est certainement monstrueuse. On a commencé par parler de taxes et voilà que vous venez de dire beaucoup d’autres choses, d’aller beaucoup plus loin.

Tout cela se tient, monsieur, fruits mauvais d’un système perverti. Mais système qu’il serait relativement aisé d’assainir sans bouleverser les mécanismes financiers existants. Simplement en changeant la politique de ces mécanismes.

Le crédit financier, essentiellement un permis

On l’a dit, le crédit financier, comme n’importe quelle forme d’argent, consiste essentiellement en permis pour mettre en œuvre la production et pour distribuer les produits. Permis qui peuvent très bien, et très commodément être exprimés en simples chiffres légalisés transférables comme ceux qui sont dans les comptes des banques.

Mais ces permis n’ont de valeur que s’ils correspondent à une capacité de production existante. Sans cela, tout l’argent, tous les permis ne feraient rien produire et n’obtiendraient rien. Et si la capacité de production existe, à qui revient la fonction de délivrer les permis pour la mettre en mouvement ? Légitimement, seule la société peut le faire, pour plus d’une raison. D’abord, parce que c’est la vie en société qui est le grand facteur de l’abondante production de nos pays évolués.

Si les hommes devaient vivre isolément les uns des autres, la somme de leurs efforts séparés ne fournirait qu’un mince filet de production. Sans la vie en société, il n’y aurait eu ni communication ni transmission des progrès réalisés par n’importe quel isolé dans ses moyens de production; pas d’outils perfectionnés, encore moins de machines, pas de division du travail. D’ailleurs, il ne saurait être question de permis, puisque chacun n’aurait accès qu’à ce qu’il ferait lui-même.

C’est la société qui doit émettre l’argent et non pas un organisme privé tel que le système bancaire

La vie en société existe. Le progrès est transmis, grossi d’une génération à l’autre. Mais quel individu ou quelle institution privée peut s’arroger le droit d’émettre des titres au travail et aux produits de n’importe qui ? Disposer de permis qu’on possède est tout à fait légitime mais en créer de nouveaux, les émettre et les conditionner, ne peut bien être que fonction de la société elle-même, par un organisme attitré à cette fin et soumis à l’objectif social pour lequel il est établi. Un peu comme ce qui existe dans l’exercice de la justice. Qui est-ce qui songerait à faire de la justice une fonction privée ?

Tout pays civilisé possède un organisme judiciaire. Les juges sont nommés par les gouvernements, mais ils jugent indépendamment des gouvernements, Ils jugent d’après les lois du pays, des lois qui ne sont pas faites par les juges eux-mêmes, et d’après des faits que les juges n’ont pas eux-mêmes ni posés, ni inventés.

Ainsi devrait être le système monétaire. Au lieu de juges, mettez des comptables, puisqu’il s’agit d’opérations comptables. Au lieu d’infractions ou de crimes, ce serait les faits économiques de la production et de la consommation, qui sont l’œuvre, non pas de ces comptables, mais de producteurs et de consommateurs libres. Au lieu de témoignages pour déterminer la sentence du magistrat, ce serait des additions, des soustractions, des règles de trois, pour régulariser sainement la circulation du crédit financier, son entrée dans le circuit économique au rythme de la production, et son retour vers sa source au rythme de la consommation.

C’est un tel système que signifierait la mise en application des propositions financières du Crédit Social, énoncées par l’ingénieur écossais Clifford Douglas, il y a déjà un demi-siècle. Crédit «social» parce qu’il mettrait le crédit réel de la société au service de la société et de tous ses membres. Au lieu du crédit bancaire, qui est une mainmise sur le crédit de la société.

La libre circulation du crédit pour la production, tant publique que privée, supprimerait tout problème purement financier. Et le retour du crédit réglé d’après la consommation totale, publique ou privée, permettrait de supprimer le système actuel de taxation, fustigé par l’écriteau Mort aux taxes qui a suscité notre entretien. A remarquer, en passant, que ce serait aussi la mort à la dette publique puisque la consommation totale ne peut pas normalement dépasser la production totale.

Dans une conférence donnée à Londres en 1938, Douglas, le génie qui a donné au monde la lumière du Crédit Social, disait:

«Au lieu d’un système de taxes énorme, compliqué, irritant, occupant des centaines de personnes, l’objectif des taxes, dans la mesure où cet objectif peut être justifié, pourrait s’obtenir sans toute cette bureaucratie et cette comptabilité qui constituent un pur gaspillage de temps. L’objectif pourrait être atteint, beaucoup plus simplement et plus justement, par le système de prix.»

Mais pour comprendre cela, il faut d’abord rectifier certaines notions et admettre certains principes, aujourd’hui totalement ignorés dans le mécanisme des prix. A la lumière de ces notions et de ces principes, tout s’éclaire: questions de prix, questions de pouvoir d’achat, questions de taxes, question de libération de la dette publique, et bien d’autres choses encore.

Il faut penser en termes de réalité

Parle-t-on de production, de consommation, de budget, d’exportation, d’importation, etc.; il faut toujours penser ces choses en termes de réalités et non pas en termes d’argent. Qu’il s’agisse de production privée ou de production publique, c’est la capacité de produire qui doit déterminer les décisions. La finance ne doit jamais être un obstacle car l’argent, le crédit financier, ne doit être que la représentation chiffrée des réalités.

Ainsi, un budget du gouvernement ne doit pas être basé sur une capacité de payer, mais simplement sur la capacité d’exécuter physiquement des travaux ou de fournir concrètement des services d’ordre public, réclamés par la population. A mesure que travaux et services sont mis en œuvre, le moyen financier, pour mobiliser ce qu’il y a à mobiliser, doit venir automatiquement puisque la finance ne doit être que le reflet du réel, servir le réel et non pas lui faire obstacle.

De même aussi, la production consiste à fournir de la richesse répondant à des besoins. Les besoins ne se comblent pas avec de l’argent mais avec des biens réels. Ce sont ces biens qui sont une richesse, non pas l’argent.

La richesse réelle disparaît par la consommation, par la destruction ou, graduellement, par la dépréciation, l’usure, la vétusté. L’exportation, l’envoi de produits du pays à l’étranger, fait disparaître de la richesse du pays; c’est donc une consommation, un appauvrissement. Et, au contraire, l’importation, l’entrée de biens venant d’un autre pays, enrichit le pays qui reçoit ces biens. L’importation équivaut donc à une production.

Il est absurde de chercher à exporter plus qu’on importe, ce serait s’appauvrir. Si vous faites diligence pour exporter 5 voitures et si vous restreignez les importations pour ne pas en recevoir plus que 3 de la même valeur, vous vous êtes appauvris de deux voitures. Demandez donc à votre petit professeur d’économie comment il peut trouver cette opération une balance de commerce favorable!

Un pays qui veut être indépendant, non pas vivre au crochet des autres, doit viser à exporter autant qu’il importe, à payer ses importations par ses exportations. En deçà, il s’endette; au delà, il s’appauvrit. On peut toujours faire des cadeaux, c’est vrai, mais ce n’est plus du commerce. C’est de la charité, et alors il faut le dire; non pas le placer comme du commerce favorable.

Nous continuons dans la prochaine causerie en parlant d’abord de la question des prix et des moyens de supprimer le système actuel de taxes sans nuire à personne et au soulagement de tout le monde.

Louis Even

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