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Mort aux taxes - Troisième partie

Louis Even le lundi, 23 décembre 1968. Dans Une lumière sur mon chemin

Il y a deux choses qui grossissent toujours; les prix et les taxes

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Prix comptable et coût réel

Louis EvenIl y a deux choses qui grossissent toujours, à la grande désolation de tout le monde: ce sont les prix et les taxes. Deux choses dont je vais parler dans ce quart d’heure, en les considérant à la lumière du Crédit Social. C’est-à-dire en rapport avec la réalité des choses.

D’abord les prix. Il faut faire une différence entre ce que les produits coûtent en argent, ce qui est leur prix comptable; et ce qu’ils coûtent en choses, le seul véritable prix.

Le prix comptable, c’est la somme de tout ce qui est déboursé en argent ou en crédit financier au cours de la production: salaires, quote-part des frais généraux, frais de premier établissement et frais d’entretien; profits qui sont pour l’entrepreneur et ses bailleurs de fonds, ce que sont les salaires pour les employés, etc. Pour qu’une entreprise puisse tenir, il faut qu’elle récupère au moins tout ce prix de revient.

Le prix de revient est un prix comptable. Mais le coût réel, c’est autre chose. Le coût réel de la production, c’est tout ce qu’il a fallu consommer pour la réaliser.

Ainsi, une table, quel que soit son coût financier, a réellement coûté le bois qu’il a fallu sacrifier pour la construire, le travail relatif à la préparation de ce bois et à la construction de la table, la force motrice, l’usure de la machinerie utilisée, les énergies du fabricant, la nourriture et autres choses qu’il lui a fallu pour entretenir ses forces, etc. Il n’y a pas nécessairement, et sans doute jamais, égalité entre le prix de revient financier et le coût réel.

Par exemple, si l’ébéniste qui a fabriqué la table a reçu $30 de salaire, ces $30 entrent dans le prix de revient. Mais s’il ne dépense que les deux tiers de ce salaire, il n’a consommé, en ce qui le concerne, que pour $20 de produits ou de services. La production de la table aura donc absorbé, rien que sur ce point, pour $10 de moins de choses qu’il en figure dans le coût financier. Le contraire peut aussi arriver. Par exemple, si, au cours de la fabrication, l’ouvrier subit un accident exigeant beaucoup de soins et de remèdes.

Il est évidemment impossible de savoir exactement le coût réel, ainsi défini, de chaque article de production. Mais il est facile de savoir quel a été, durant une période donnée, disons une année, le coût réel de toute la production du pays. Ce coût réel, c’est le prix total de la consommation de ce pays pendant cette même période. Ou comme l’a dit Douglas, l’auteur du Crédit Social:«Le coût réel de la production, c’est le coût de la consommation».

Si dans une année toute la production, production privée et production publique, a été de 15 milliards et si, dans ce même pays pendant la même année, la consommation de toutes sortes, matériaux, produits finis, distribution, dépréciation, exportation, a été de 10 milliards; il faut conclure qu’il en a coûté réellement 10 milliards pour produire ce que la comptabilité des prix avait établi à 15 milliards.

La comptabilité des prix est pourtant exacte. La somme des prix comptables de la production est bien 15 milliards. Mais en toute justice, on ne peut pas faire payer à la population plus que le prix de ce qu’elle consomme. Donc, globalement, 10 milliards, pas plus. C’est là le «juste» prix. Il faudra donc effectuer une opération d’ajustement des prix.

Ce n’est pas seulement une question de justice. C’est aussi faire de la finance ce qu’elle doit être: le reflet exact des faits économiques, tant de la production que de la consommation. Si la production totale a été de 15 milliards, le crédit financier libéré pour la réaliser devait bien être de 15 milliards. Mais si la consommation totale n’est que de 10 milliards, le crédit total retiré de la circulation ne doit être que de 10 milliards.

Un système financier assoupli se plie à ces opérations de comptabilité, pour servir au lieu de paralyser ou de ralentir l’économie. Il s’y prête sans nuire à aucun intérêt privé, parce que tout en décrétant un abaissement des prix à payer par les consommateurs, il prendra à même le fonds de crédit communautaire ce qu’il faut pour compenser au vendeur ce que cet abaissement de prix lui fait perdre.

Le côté producteur retrouvera donc le prix comptable auquel il a droit, puisque c’est la somme de dépenses qu’il a faites au cours de la production. Justice de part et d’autre.

Une simple règle de trois, basée sur les statistiques de la production et de la consommation, indiquera quel escompte doit être accordé sur les prix marqués comptables, pour les abaisser au coût réel à payer par les consommateurs.

Fin du système de taxes

Ce mécanisme d’ajustement des prix permettrait de se dispenser du lourd, irritant et dispendieux système de taxes. Un exemple hypothétique va en donner une idée. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un système financier dans lequel on admet que tout le crédit financier doit prendre sa source dans le fonds communautaire du crédit national ou provincial, et y retourner après avoir accompli sa fonction. En reflétant fidèlement les faits économiques dans les deux sens: les faits de la production dans le courant de sortie, les faits de la consommation dans le courant de retour.

Supposons que, pendant une période donnée, la production totale du pays, privée et publique, a été de 15 milliards. Si le budget du gouvernement pour cette période était de 3 milliards, cela veut dire que la production privée, la production de biens consommables, a été de 12 milliards puisque 12 et 3 font 15.

D’autre part, supposons que la consommation totale, durant la même période a été de 10 milliards. Consommation totale: biens consommés par la population, matériaux consommés pour la production tant publique que privée, usure de la machinerie, dépréciation de biens durables, destruction par n’importe quelle cause, exportations. Tout ce qui a fait disparaître ou diminuer de la richesse dans le pays : 10 milliards seulement.

On peut écrire:

Production publique: 3 milliards
Production privée: 12 milliards
Production totale: 15 milliards
Consommation totale: 10 milliards

Les 15 milliards qui ont financé la production de toutes sortes ont bien reflété la production de richesse. Pour que la finance reflète aussi fidèlement la consommation totale, il faut que cette consommation fasse remettre dans le canal du retour du crédit vers la source, non pas les 15 milliards libérés pour la production, qui en sont le prix comptable, mais seulement les 10 milliards de consommation totale, qui sont, nous l’avons expliqué, le coût réel de la production. Le coût réel est donc ici les 2/3 du prix comptable, 10 contre 15.

Actuellement, l’argent est retiré de la circulation de deux manières: dans les prix, par la vente des biens consommables, et en taxes par les gouvernements. On pourrait donc conclure dans le cas ci-dessus, que les prix devraient être abaissés d’un tiers dans la vente aux consommateurs, et que les taxes devraient être abaissées d’un tiers du budget, tout en ayant dépensé tout le montant du budget.

Mais il y a plus simple que cela, et mieux à tous les points de vue. On va le voir. Dans le cas de la table donné, en exemple en parlant des prix, on a fait remarquer qu’il est impossible de définir le coût réel de chaque objet, alors qu’on peut très bien connaître le coût réel total de la production. De même aussi, il est impossible de dire exactement quel a été le coût réel de la consommation relatif à chacune des deux classes de production, à la production publique et à la production privée, alors que la consommation totale, englobant les deux, est connue.

Pour être juste, il faut donc considérer les deux, non plus séparément mais formant un seul tout, roulées ensemble, et en déduire que si l’on retire de la circulation, par n’importe quelle voie, le total de 10 milliards, on aura obtenu le résultat voulu: une finance reflet fidèle de réalité - consommation.

Cela permet de libérer le gouvernement de tout son système de taxes, en retenant un seul mécanisme de retrait du crédit: par la voie des prix ajustés, au niveau de la vente des produits consommables aux consommateurs.

Dans le bilan ci-dessus, deux lignes seulement vont entrer en ligne de compte pour cette opération, car seule la production privée peut être vendue.

Production privée totale: 12 milliards

Consommation totale: 10 milliards

Pour retirer de la circulation 10 milliards en vendant 12 milliards de biens consommables, escompte général de 16 et 2/3 pour cent. Les consommateurs en bénéficieront. L’Office Monétaire, chargé de l’ajustement des prix, fera le vendeur obtenir, à même le fonds l’arithmétique demande d’abaisser les prix de vente de 2 milliards sur 12, soit de 1 sur 6, soit un communautaire de crédit, le montant qu’il ne reçoit pas de l’acheteur.

Le gouvernement n’aura pas eu un homme à employer, pas une formule à imprimer, pas un contribuable à embêter, pas même un rapport à recevoir. Son travail aura consisté à soumettre à l’approbation du Parlement le programme de travaux et services publics réclamés par la population, tant qu’il est physiquement possible de les exécuter. Puis son rôle consistera encore à les faire exécuter par des entrepreneurs compétents et à recevoir les compliments de ses administrés. Ce serait vraiment la fin d’un grand gaspillage de temps, en même temps qu’un soulagement de méninges chez les ‘taxeurs’ et les taxés actuels. Les chiffres donnés dans notre exemple sont quelconques. La production publique peut être différente de ces chiffres-là. L’escompte peut être différent; cela ne change rien car en fin de compte on a toujours un pouvoir d’achat total égal au coût total réel. On a l’argent pour le payer et les gens peuvent obtenir les produits.

Toutes ces opérations sont simplement des opérations mathématiques qui ne font que refléter la réalité. Il peut rester bien des points d’interrogation dans l’esprit de l’auditeur insuffisamment renseigné sur l’ensemble de la doctrine créditiste. Mais vous n’avez qu’à lire cela dans Vers Demain qui, depuis 28 ans, parle assidûment de ces questions. Soyez assidus à les lire et vous comprendrez.

Louis Even

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