Ce livre parle du Crédit Social, mais il est loin d’être une somme créditiste. Le Crédit Social, en effet, est toute une orientation de la civilisation et touche au social et au politique autant, sinon plus, qu’à l’économique.
"On oublie, on ne voit pas, on ne veut pas voir qu’il y a des gens mal logés, des gens mal nourris, des salaires insuffisants, qu’il y a des pays tout entiers qui souffrent de la faim. Ce n’est pas chrétien de penser, à plus forte raison de dire; c’est leur faute..."
Son Eminence le Cardinal Jules-Géraud Saliège
Deux fois par année, nous invitons des évêques, surtout d’Afrique. à notre semaine d’étude sur le Crédit Social à notre maison-mère de Rougemont au Canada. Les dix évêques africains qui ont participé à notre semaine d’étude en mars et avril derniers ont été enthousiasmés et sont décidés à faire avancer notre cause dans leur diocèse. Voici les commentaires de quelques-uns de ces évêques:
Mgr Ung’Eyowun reçoit une bannière de saint Michel de la part de la directrice, Thérèse Tardif. |
De notre professeur Alain Pilote, il est sorti un véritable pilote, effectivement, qui nous a menés très haut et très loin. J’ai eu vraiment du plaisir à le suivre. Et de manière particulière, je voudrais bien souligner ce qui m’a frappé: c’est la maîtrise de la doctrine sociale de l’Église par un laïc... Tout a été présenté de manière très technique, des textes bien choisis, bien agencés, bien ordonnés, de telle manière que c’est compréhensible.
Deux aspects que j’ai appris ici. Premièrement, la grande question de l’endettement mondial, avec la répercussion sur nos États en Afrique; nous parlons beaucoup de nos gouvernants, mais maintenant j’arrive à comprendre que le grand problème, en fait, ce sont les banquiers. Nos États sont pris dans l’étau, peut-être ne le savent-ils pas beaucoup, c’est le moment d’apporter cet éclairage. C’est pourquoi la proposition d’informer les acteurs politiques est très importante, ils doivent prendre conscience que la solution se trouve chez eux, M. Pilote l’a rappelé, que chaque société, chaque État fabrique, crée son argent sans intérêt ! Si au niveau national on prend cette confiance de libérer le peuple, je crois que nous aurons fait un très grand pas.
Un deuxième point que vous avez montré, c’est que c’est un combat contre le mal. Le système est foncièrement vicié dès le point de départ. On l’a vraiment démontré durant cette semaine d’étude. Nous devons mettre toute notre intelligence, toutes nos forces, mais vous, vous avez ajouté un élément, la dimension spirituelle. C’est aussi un combat spirituel contre le mal, contre le démon. Votre emblème, que nous allons ramener chez nous, montre cette victoire de l’archange saint Michel sur le démon… Chaque jour dans ma propre «litanie» que j’ai composée, je dis: «Saint Michel, protège mon diocèse; saint Gabriel, protège mon diocèse; saint Raphaël, protège mon diocèse.» J’ai mis mon diocèse sous la protection des archanges, sachant que le combat que je mène c’est un combat très dur, et j’ai besoin de ces protecteurs que l’Église nous donne, que le Seigneur nous a donnés. Donc je suis dans cette spiritualité, et c’est avec bonheur que j’ai reçu le cadeau que vous nous avez confié (la bannière de saint Michel), parce que ça entre dans notre spiritualité.
Le premier problème de la population de mon diocèse, c’est la faim, c’est le problème de la nourriture: les gens ne mangent pas à leur faim. Et j’arrive ici, et on l’a répété plusieurs fois, et ça me touchait, ça me frappait: le premier besoin, c’est la nourriture, donner à manger à la population. Quelle interpellation pour moi ! Et le thème de notre semaine d’étude: le pain quotidien distribué à tous ! Merci beaucoup d’avoir rappelé cette question cruciale du pain pour tous. Pour moi, ce n’est pas quelque chose d’imaginaire, c’est le besoin réel de la population, c’est de donner le pain pour tous. Notre professeur citait saint Thomas d’Aquin qui mentionnait qu’il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la vertu; le premier bien-être, c’est que les gens mangent.
Je vais rentrer avec des idées neuves et novatrices, des idées qui devraient nous mettre en route, qui devraient nous pousser à l’action, ne pas rester seulement avec cette joie de connaître, mais passer à l’action…. Il faut influencer les décideurs… c’est dans ce sens-là que nous nous engageons, à ne pas laisser tout simplement nos opérateurs politiques et économiques diriger sans qu’on puisse les inquiéter — ce qui me fait penser à l’intervention du Cardinal Tumi, du Cameroun, lors du congrès eucharistique de Québec en 2008, que M. Pilote nous a montrée durant cette semaine d’étude: il faut leur donner mauvaise conscience ! Au niveau du sommet. nous devons aller jusque là. Ne pas les laisser tranquilles. Vous connaissez notre conférence épiscopale, je crois que nous ne laissons pas les choses passer, et nous allons continuer cette lutte pour que, dans la mesure du possible, demain soit meilleur; c’est le sens de votre journal — Vers Demain — demain sera meilleur. Nous y croyons, et je vous remercie.
Je suis venu ici par curiosité, et révolté contre les Américains des États-Unis et du Canada. Pourquoi ? Parce que ce sont de grosses entreprises que je vois chez moi, dans mon diocèse, qui exploitent les minerais que nous avons, laissant la population dans la misère la plus noire. En venant ici, j’ai découvert sous un autre jour les Canadiens et les Américains. Nous avons, vous et nous, un même ennemi commun.
On a ciblé le problème ici, c’est l’éducation du peuple... Merci d’avoir créé cet esprit de famille entre laïcs, prêtres et évêques, et formant cette Église-famille que nous souhaitons tous. Je me donne le devoir à moi-même et à tous mes collaborateurs d’être le relais, de propager le message du crédit social, de l’éducation du peuple à travers les pauvres moyens que nous avons, et en passant justement par les femmes. Parce que si nous ne le faisons pas, si je ne le fais pas, je serai aussi assassin financier. Je vous remercie.
J’ai été fortement impressionné par la relation des expériences d’apostolat que nous avons entendues, qui m’ont vraiment impressionné: que bénévolement, des gens aillent frapper aux portes pour proposer aux gens de prier, et qui parlent de la foi avec eux; ça m’a fait revenir en idée à un autre témoignage: il y a un avocat américain très célèbre (Samuel Pisar) qui est le seul survivant de sa famille — c’est un Juif polonais, tous ses parents ont été massacrés — il a décidé de vivre. Il a intitulé son livre Le Sang de l’Espoir. Je pense avoir vu ici comme un sang de l’espoir.
J’ai été aussi frappé ici par la dénonciation ouverte et courageuse de la franc-maçonnerie et des Illuminati. Je viens de voir tout ce qui concerne les Illuminati dans Google (sur internet) et ça m’a donné froid dans le dos... Comme vous le dites, c’est vraiment une espèce de monde satanique, dont le but final est d’en finir avec l’Église et d’installer un nouvel ordre mondial…
Quant au séminaire lui-même, j’ai appris beaucoup de choses... Ce que j’ai appris ici, avec beaucoup de délectation, c’est l’origine de l’argent, et les motivations qu’il y a derrière, parce que le système monétaire et le système bancaire pourraient apparaître au monde comme quelque chose de naturel... J’ai pu apprécier le complément d’information que j’ai reçu, les révélations sur le système monétaire et le système bancaire, et qu’il est possible de faire autrement, que la monnaie n’est pas consubstantielle à nos États. On peut faire autrement que le système que nous avons actuellement, et nous avons eu une démonstration hier (par M. de Siebenthal) sur la création d’une monnaie locale, qui nous a passionnés.
J’ai aussi apprécié cette fine connaissance de la doctrine sociale de l’Église, et c’est ce qui a d’ailleurs motivé ma participation… Nous avons, dans la province ecclésiastique dont je suis issu, brassé beaucoup d’idées sur ce qu’on appelle aujourd’hui l’Évangile social, ou encore une ecclésiologie sociale, parce que la nouvelle évangélisation en Afrique nous interpelle davantage sur les chantiers sociaux. Il y en a des quantités, la misère environnante, des questions d’injustice, des questions de manque de pain, etc., chaque jour il y a un problème en Afrique, nous sommes les laissés pour compte. L’Afrique est un continent cliniquement mort, comme on dit, tous les diagnostics ne nous donnent aucune chance: nous sommes morts du sida, nous sommes morts de l’endettement, nous sommes morts de malaria, c’est un continent pluri-mortifère. Dans la production des biens dans le monde, en 2008, l’Afrique contribuait à 0,001 pour cent dans le patrimoine mondial, et pourtant nous avons un sous-sol qu’on ne prend pas en compte. Mais c’est le système bancaire qui nous classe, ce sont les systèmes économiques qui nous évaluent, qui nous classent et qui nous donnent une étiquette, quand bien même tout ce qui fait le monde aujourd’hui — les métaux, les minerais et tout ce qu’on utilise — provient de chez nous.
J’ai appris aussi beaucoup ici sur les mécanismes en vigueur dans le monde, et ce qui m’a fait le plus plaisir, c’est la proposition d’un nouvel ordre social, une autre possibilité ou moyen de faire autrement. Un nouvel ordre social libéré de la tutelle des grandes puissances monétaires et bancaires qui n’ont pas d’autre critère d’action que leurs intérêts. Ce n’est pas l’homme qui les préoccupe, ce n’est pas cela du tout. C’est en cela qu’ils diffèrent fondamentalement d’avec la doctrine sociale de l’Église.
Ce qui m’a plu aussi c’est la proposition de remettre le pouvoir monétaire et financier aux ayants droit légitimes: la société, le peuple, l’humanité; c’est ce que j’ai compris dans ce qui a été intitulé comme étant la démocratie économique, c’est-à-dire cette fin du monopole de la monnaie par ceux qui se le sont indûment attribué.
Tout au long des exposés, je n’ai pas cessé de me demander comment il était possible que cet enseignement prenne en Afrique. Pour moi l’inquiétude se trouve dans la conscientisation: comment faire descendre cette information au niveau du petit peuple, qui est la victime immédiate et lointaine de tout ce système...
Devant ces systèmes, ces puissances, même une pensée la mieux élaborée ne suffit pas pour attaquer le système, parce qu’il est sérieusement implanté. Il a tous les moyens — les moyens militaires, les moyens financiers, les moyens systémiques, les moyens politiques et diplomatiques… Quand on regarde cela, on se dit: «Qu’est-ce que le petit Crédit Social peut faire en face de tout ça?»
Mais nous avons des exemples dans la Bible. C’est dans ce sens que David s’est retrouvé en face de Goliath. Quand vous lisez l’histoire de David, vous voyez Goliath qui invoquait ses victoires, et qui disait à David: «Qui es-tu? Je peux t’écraser!» David répondait: «Je viens à toi au nom de Yahvé Sabaoth (le Seigneur des armées)!» Il ne s’avançait pas en tant que David, il s’avançait vers lui au nom de Yahvé Sabaoth. Et à la fin, c’est lui qui a eu le dessus. Donc ça pourrait se répéter, l’histoire de David et de Goliath.
De tous les textes du manuel des 10 leçons, il y en a beaucoup qui m’ont édifié, mais spécialement ce passage tiré des pages 177 et 178: «Ce qui est infiniment mieux, c’est de corriger le problème à sa source, de s’attaquer aux causes mêmes de la pauvreté, et de rétablir chaque être humain dans ses droits et sa dignité de personne créée à l’image de Dieu, ayant droit au moins au nécessaire pour vivre.»
Et le texte continue avec la citation du Pape Paul VI tirée de son encyclique Populorum progressio: «Plus que quiconque, celui qui est animé d’une vraie charité est ingénieux à découvrir les causes de la misère, à trouver les moyens de la combattre, à la vaincre résolument.» Et l’auteur du livre continue: «Ce qu’il faut, ce sont des apôtres pour éduquer la population sur la doctrine sociale de l’Église et sur des moyens, des solutions concrètes pour l’appliquer, comme les propositions financières du Crédit Social.»
Pour moi, c’est l’essentiel. Pour passer à l’application concrète, il faut éduquer la population. Chez moi, je me donne comme devoir de faire traduire ces leçons en tshiluba, qui est la langue parlée dans mon diocèse. Et je voudrais aussi faire quelque chose pour tout le monde, c’est-à-dire partager ces idées qui cachent une richesse inouïe de notre Église, ces richesses qui sont ici synthétisées déjà par Douglas et reprises dans l’esprit de l’Église par Louis Even…
Vous, Pèlerins de saint Michel, vous avez un travail à faire. Avec Marie d’un côté et saint Michel de l’autre, de quoi pouvez-vous avoir peur?
Merci pour l’occasion que vous m’avez offerte de vous connaître ici et de vivre votre conviction concernant le Crédit Social, une autre manière d’organiser l’économie qui accorde la primauté à la personne humaine. Merci pour votre hospitalité si fraternelle et si amicale...
Ce qui m’a frappé de façon générale, c’est cette nouvelle vision des choses. Après une semaine d’étude du Crédit Social, j’admire aujourd’hui l’intelligence de Douglas, son audace et son courage d’avoir tracé une voie nouvelle, différente de celle admise et suivie par le monde entier. Il proposa une autre voie qui permet à l’homme de se libérer et d’être responsable de ce qu’il produit. Ainsi l’homme se libère d’un système économique qui le rend esclave, un système qui vise avant tout le profit égoïste. Oser tracer une telle voie contre tous, voilà ce qui exprime pour moi le génie de cet homme. Et pour cela, il fallait une bonne dose de courage prophétique. Quand nous étudions les prophètes d’Israël, nous nous rendons compte que chacun a un message à transmettre, et ce message répond à un problème précis. De son temps, Douglas a vu un problème, mais lui, fut le seul à dire: «Non, il y a une autre manière de voir les choses, d’organiser l’économie du monde.»
Le mérite de Louis Even fut très grand d’assimiler la théorie économique de Douglas, et j’ai saisi au vol cette phrase que Douglas prononça un jour au sujet de l’entreprise de Louis Even: «Après ma mort, si vous voulez des explications sur le Crédit Social, il faut vous référer à Louis Even, c’est lui qui m’a le mieux compris.» C’est dire que Louis Even avait compris le Crédit Social et avait entrepris de l’appliquer, puisqu’il a regroupé autour de lui toute une communauté, le groupe de personnes que vous êtes.
J’apprécie beaucoup ce que vous enseignez, car par le Crédit Social, vous voulez résoudre le problème de la misère et de la pauvreté en détruisant le mal à la racine. Ce qui me réjouit, c’est que vous n’êtes pas seulement au service de l’Afrique qui est en permanence sous perfusion, mais vous intervenez partout dans le monde. La misère et la pauvreté ne concernent pas seulement un pays ou un continent; tous ces problèmes si graves concernent le monde entier. Quand on découvre que le système dans lequel nous vivons a été inventé par l’homme, et qui peut être changé si les hommes le veulent, cela devient très révoltant. Comment les banques arrivent-elles à être les propriétaires, les maîtres de ce qu’elles n’ont pas produit! Voilà le problème, voilà ce qui révolte.
J’ai retenu l’essentiel, c’est-à-dire le changement de ce système qui nous écrase aujourd’hui, ce rouleau compresseur, ce bulldozer qui écrase tout sur son passage. Ce système-là, il y a moyen de le battre à plate couture, si on se met ensemble. C’est ça qui m’intéresse. Je vais commencer à appliquer chez nous ce qu’on a appris ici. Ce qui m’importe, c’est de commencer quelque chose. On a dit que le crédit social, c’est d’abord la confiance entre les personnes qui sont ensemble, c’est ça qui fait le crédit social. Parce que s’il n’y a pas de confiance, il n’y a pas moyen d’avancer, pas moyen de rester ensemble. Donc il faut d’abord avoir cet élément de base: confiance entre les personnes qui veulent faire quelque chose. C’est un combat que nous menons, et sans cette foi-là (qu’il faut être prêt même à mourir pour ce combat), parce que sans cette foi-là, nous ne pouvons pas gagner ce combat, parce que les autres sont surdéterminés, ils ont des structures bien arrêtées. Le combat est dur, et vous y laisserez des plumes. Il y aura des victimes. Mais cela ne doit pas nous faire peur. Ils peuvent tuer le corps, mais pas l’âme. Donc nous devons continuer ce combat car le système actuel fait beaucoup de victimes. On ne peut pas se taire ! On ne doit pas dire: «Voilà, si on parle, on va nous décapiter !» Non, non ! Nous devons être des pionniers. Même si on nous décapite, d’autres après nous vont venir et continueront de parler. Le sang des martyrs provoque encore beaucoup de martyrs. Nous ne pouvons pas avoir peur. Seule la peur peut vraiment stopper notre combat. Alors priez pour nous, car ce n’est pas évident de tenir chez nous un langage si évident (comme vous le faites), mais je sais que Dieu sera avec nous, et nous allons vaincre. Merci.