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tôt une paix surnaturelle profonde emplit l’âme de
soeur Faustine et la libère de ses doutes.
Le 1er mai suivant, elle fait profession per-
pétuelle avec une grande ferveur. Quatre jours
plus tard, elle entre à la chapelle pour une Heure
Sainte. «Tout d’un coup, écrit-elle, j’ai aperçu le
Seigneur, tout couvert de plaies. Il me dit:
«Vois
qui tu as épousé»
... Je contemplais ses plaies et
j’étais heureuse de souffrir avec Lui. Ô mon Dieu,
qu’il est doux de souffrir pour Toi, au plus pro-
fond de nos coeurs, à l’insu de tous... Merci,
Jésus, pour les menues croix quotidiennes,
pour les contrariétés et les peines de la vie
commune, pour les fausses interprétations
de mes desseins, pour les humiliations et
les mauvais traitements, pour les soup-
çons pénibles, pour ma santé délabrée et
mon extrême lassitude... Merci, Jésus, pour
la souffrance de l’âme, pour les aridités,
l’angoisse et l’incertitude, pour la nuit et les
ténèbres intérieures, pour les tentations et
les épreuves... Merci, Jésus, Toi qui as bu
ce calice amer avant de me l’offrir adouci.
Je ne désire que Ton bon plaisir, selon les
plans de Ton éternelle Sagesse».
Le véritable Ami
Fin mai 1933, soeur Faustine part pour
Wilno. Là, elle rencontre l’abbé Michel So-
pocko (qui sera lui-même béatifié en 2008)
qui devient son directeur de conscience.
Après bien des hésitations, celui-ci se dé-
cide à faire peindre l’image de Jésus misé-
ricordieux, mais il veut connaître la signifi-
cation des faisceaux blancs et rouges qui
rayonnent du Coeur du Seigneur. Soeur
Faustine interroge le divin Maître qui ré-
pond:
«Ils signifient l’eau et le sang. L’eau
qui justifie les âmes, le sang qui est vie de
l’âme. Ils jaillissent de mon Coeur ouvert
sur la Croix. Ces rayons mettent l’âme à
l’abri de la colère de mon Père»
, c’est-à-
dire des peines justement méritées par nos
fautes. Le dimanche de Quasimodo (Octave
de Pâques) 1935, l’icône est exposée pu-
bliquement au sanctuaire de Notre-Dame
d’Ostra Brama, et aussitôt, la Miséricorde
divine se manifeste par de nombreuses grâ-
ces de conversions extraordinaires.
Dans son Petit Journal, soeur Faustine
écrit: «La Miséricorde est le plus grand des
attributs divins». L’abbé Sopocko, d’abord
perplexe, retrouvera cette vérité dans les
oeuvres de saint Augustin et de saint Tho-
mas d’Aquin. De fait, aucun attribut de Dieu
n’est souligné aussi fortement dans la Bible
que la Miséricorde. Dieu n’est pas un être lointain
et indifférent au destin de l’homme, mais il est
l’Ami, le Sauveur, le Bon Pasteur, aux yeux de qui
chaque personne est précieuse. Après la chute de
l’homme par le péché originel, chute qui a eu tant
de conséquences tragiques (souffrance, mort...),
Dieu nous révèle pleinement sa Miséricorde dans
les mystères de l’Incarnation et de la Rédemption.
Toute la vie du Christ sur la terre, ses paroles et
ses actes, ses paraboles et ses miracles, sa mort
sur la Croix et sa Résurrection, la fondation de
son Église guidée à travers les siècles par l’Esprit-
Saint, proclament au monde entier la Miséricorde
de Dieu.
Expérimenter la Miséricorde
Être miséricordieux, c’est avoir un coeur affec-
té de tristesse à la vue de la misère d’autrui com-
me s’il s’agissait de la sienne propre, et s’efforcer,
autant que possible, de l’écarter ou de la soulager.
Le plus grand mal qui atteigne l’homme est le pé-
ché. Dieu y porte remède par sa Miséricorde. En
tant qu’offense faite à Dieu, le péché a une malice
insondable dont la conséquence éternelle a été
montrée à soeur Faustine. «Moi, soeur Faustine,
par ordre de Dieu, j’ai pénétré dans les abîmes
de l’enfer pour en parler aux âmes et témoigner
que l’enfer existe». Une autre vision met sous les
yeux de soeur Faustine les péchés des hommes:
«En un clin d’oeil, note-t-elle le 9 février 1937, le
Seigneur m’a montré les péchés du monde, com-
mis aujourd’hui. Je m’évanouis d’épouvante! Bien
que je connaisse l’abîme de l’insondable Miséri-
corde, je fus tout étonnée que Dieu permette au
monde d’exister! Alors Il me fit entendre que ce
sont les élus qui font contrepoids».
Mais, quel que soit le nombre et la gravité des
péchés, la Miséricorde de Dieu est toujours ac-
cessible ici-bas:
«Je suis Saint,
dit Jésus à soeur
Faustine,
et le moindre péché me fait horreur.
Mais lorsque les pécheurs se repentent, ma Mi-
séricorde est sans limites... Les plus grands pé-
cheurs pourraient devenir de très grands saints
s’ils se fiaient à ma Miséricorde... On ne puise
ma Miséricorde qu’avec la coupe de la confiance.
Plus on a confiance et plus on obtient... Ce m’est
une joie lorsque les pécheurs recourent à ma
Miséricorde. Je les comble au-delà de leur espé-
rance».
Le 10 octobre 1937, notre Sainte écrivait:
«J’ai vu, dans une grande lumière, l’abîme de mon
néant. Et je me suis blottie sur le Coeur de Jésus
avec tant de confiance que même si j’avais sur
la conscience tous les péchés des damnés, je ne
douterais pas de la divine Miséricorde, mais je me
précipiterais, avec un coeur contrit, dans l’abîme
de ton amour, Seigneur Jésus! Je sais que tu ne
me rejetterais pas, mais que tu me pardonnerais
par ton prêtre». La Miséricorde divine se donne
aux pécheurs principalement dans la confession:
«Dans ce sacrement, écrit le Pape Jean-Paul II,
tout homme (baptisé) peut expérimenter de ma-
nière unique la Miséricorde, c’est-à-dire l’amour
qui est plus fort que le péché» (Encyclique
Dives
in Misericordia
, 30 novembre 1980, n. 13).
La seule limite
Puissant motif d’espérance, la Miséricorde di-
vine est aussi un appel à la conversion. Sans le re-
gret sincère des péchés et la ferme résolution de
s’en corriger, la Miséricorde ne peut se répandre
sur le pécheur. «Du côté de l’homme, seul peut
limiter (la Miséricorde) le manque de bonne vo-
lonté, le manque de promptitude dans la conver-
sion et la pénitence, c’est-à-dire l’obstination
continuelle qui s’oppose à la grâce et à la vérité,
spécialement face au témoignage de la Croix et
de la Résurrection du Christ» (
Dives in Misericor-
dia
, n. 13). Saint Alphonse de Liguori note que la
Miséricorde de Dieu s’étend sur ceux qui le crai-
gnent (cf. Lc 1, 50), c’est-à-dire que «le Seigneur
use de Miséricorde envers ceux qui craignent de
l’offenser, mais non pas envers ceux qui comptent
sur sa Miséricorde pour l’offenser davantage» (La
voie du salut, 1ère partie, 8e méditation).
Si, grâce à la Passion du Christ, la Miséricor-
de divine apporte un remède souverain au
plus grand des maux qui affectent l’homme,
le péché, elle se penche aussi sur toutes
les autres misères, physiques ou morales,
qui le touchent. Parfois, elle les supprime;
mais plus souvent, elle se manifeste dans
son aspect propre et véritable «quand elle
tire le bien de toutes les formes de mal qui
existent dans le monde et dans l’homme»
(
Dives in Misericordia
, n. 6). Là se trouve le
contenu fondamental du message messiani-
que de Jésus-Christ dont la mission révèle le
«dynamisme de l’amour qui ne se laisse pas
vaincre par le mal, mais qui est vainqueur du
mal par le bien (cf. Rm 12, 21)» (i
bid
, n. 6).
Pour vaincre le mal, la Miséricorde de Dieu
donne à tous ceux qui l’invoquent, force et
patience dans l’épreuve, leur apprenant à
unir leurs souffrances à celles du divin Cru-
cifié. «Le doux visage de Jésus se présente
à celui qui est affligé par une épreuve par-
ticulièrement dure, dit le Pape Jean-Paul II;
sur lui arrivent ces rayons qui partent de son
Coeur et illuminent, qui réchauffent, qui indi-
quent le chemin et donnent espoir. Combien
d’âmes a déjà consolées l’invocation: Jésus,
j’ai confiance en Toi ! » (Homélie de la Messe
de canonisation).
La Miséricorde de Dieu suscite aussi en-
tre les hommes un amour fraternel véritable.
«Il n’est pas facile d’aimer d’un amour pro-
fond, fait d’authentique don de soi, affirme
le Pape. Cet amour ne s’apprend qu’à l’école
de Dieu, à la chaleur de sa charité. En fixant
sur Lui notre regard, en nous mettant en par-
faite harmonie avec son Coeur de Père, nous
devenons capables de regarder nos frères
avec des yeux nouveaux, dans une attitude
de gratuité et de partage, de générosité et
de pardon. Tout cela est Miséricorde»
(Ibid
.).
Jésus exhorte ses disciples à se mettre «à
l’école de Dieu», afin d’obtenir pour eux-mê-
mes la Miséricorde divine: Bienheureux les
miséricordieux, car ils obtiendront Miséri-
corde (Mt 5, 7).
Jusqu’à la fin de sa vie, soeur Faustine a ac-
compli des oeuvres de Miséricorde à l’égard de
ses proches. Depuis 1933, elle est atteinte par la
tuberculose. Ses Supérieures ne perçoivent pas
tout de suite la gravité de ce mal qu’elle supporte
en silence. En décembre 1936, alors que la mala-
die est déjà avancée, on l’envoie en sanatorium.
Elle y reste quatre mois; puis, en 1938, nouveau
séjour de cinq mois. Elle prie avec ferveur pour
les agonisants de son entourage dont elle obtient
souvent la conversion, même dans des circons-
tances humainement désespérées. Elle récite à
leur intention le «chapelet à la divine Miséricor-
de», dont la révélation lui a été faite le 14 septem-
bre 1935. Rentrée dans son couvent en septembre
1938, soeur Faustine s’endort doucement dans le
Seigneur à l’âge de 33 ans, le 5 octobre suivant.
Dans une belle prière, soeur Faustine dévoile
sa manière de pratiquer la Miséricorde).
Demandons à la Très Sainte Vierge, Mère de
Miséricorde, et à saint Joseph, de nous apprendre
à être miséricordieux comme notre Père du Ciel
afin d’obtenir Sa Miséricorde et la vie éternelle.
Dom Antoine Marie osb, abbé
Reproduit avec la permission de l’Abbaye
Saint Joseph de Clairval, en France, qui publie
chaque mois une lettre spirituelle sur la vie d’un
saint. Adresse postale: Abbaye Saint-Joseph de
Clairval, 21150 Flavigny sur Ozerain, France. Site
internet:
www.clairval.com.Saint Jean-Paul II au sanctuaire de la Miséricorde Divine
à Cracovie le 7 juin 1997, devant la tombe de Soeur Faustine
et l’image de Jésus Miséricordieux.