Québec, 14 juin 1941
Monsieur le Directeur,
Vous savez que je travaillais pour la voirie à St-Nicolas, pour la route Trans-Canada, à 30 sous de l'heure depuis trois semaines.
Eh bien, jeudi soir, le 12, on me dit de rester chez nous, de ne plus remonter pour travailler. Aucun détail. On me dit simplement d'aller voir le sous-ministre de la voirie, qui lui, me donnerait la raison de mon renvoi.
L'inspecteur général de la voirie me dit d'abord : Vous ne donnez pas un rendement raisonnable.
Je cours voir l'honorable W. Hamel. Lui, à son tour, téléphone en ma présence au même inspecteur. Et voici qu'il n'est plus du tout question de rendement par mon travail mais d'une raison très, très sérieuse, que l'on ne m'exprime pas.
Enfin, je vais voir M. le sous-ministre de la voirie. Il me dit que le gouvernement engageait et renvoyait à son gré, sans raison, qui il voulait, comme bon lui semblait. Je persiste pour savoir la "très sérieuse raison" de mon renvoi. Il me dit alors :
— Vous voulez absolument avoir la raison ?
— Oui, monsieur.
— Vous êtes un souleveur chez les gens, et votre idée diffère de la nôtre.
Et voilà comment on m'ôte le moyen de vivre et de faire vivre ma femme et mes enfants, parce que je n'ai pas les mêmes idées politiques que ceux qui dispensent les travaux.
Je vous assure, monsieur, que je n'ai pas fait de Crédit Social pendant mes heures de travail. Ils ne m'arrêteront pas d'en faire pendant mes temps libres. Nous sommes trop près du but pour arrêter.
Dénoncez. C'est tout ce que je demande. Merci.
Votre serviteur,
Paul LAMONDE
Nous n'hésitons aucunement à dénoncer pareille cochonnerie de politique partisane. Les valets de Banco sont devenus ses imitateurs.
Esclaves, contremaîtres d'esclaves. Le Crédit Social nettoiera tout cela. Qu'on se presse parce qu'il y a trop d'êtres innocents qui souffrent. Monsieur Lamonde a une famille. Que diraient le sous-ministre ou l'inspecteur-général de la voirie, s'ils n'avaient, comme ce bon citoyen, que l'air du temps et l'espoir de jours meilleurs pour donner à manger à une femme et à des enfants ?
Louis Even
"L'église a mission de faire de continuels efforts pour pénétrer de la vertu de l'Évangile les lois et les institutions des peuples." (Léon XIII, encycl. Sapientia Christiana).
Voilà une parole qui pourrait éclairer ceux qui prétendent que l'Église n'attache d'importance qu'à la réforme des mœurs, et n'accorde sa bénédiction qu'à ceux qui travaillent sur le spirituel !