M. Graham Ford Towers est gouverneur de la Banque du Canada. C'est supposé le cerveau qui oriente la politique financière du Canada. Il était autrefois du conseil d'administration de la Royal Bank, la plus grosse banque à charte du Canada.
M. Towers a toute la mentalité du banquier. C'est lui qui nous a laissé ce mot célèbre :
"La dette publique est le baromètre de la civilisation d'un pays."
Plus un pays est civilisé, plus il doit être endetté. La preuve, d'après M. Towers, c'est que les peuplades d'Afrique n'ont pas de dette publique. Les Peaux-Rouges n'en avaient pas non plus.
M. Towers pourrait sans doute ajouter que la guerre pour la défense de la civilisation augmente les dettes publiques. Donc, la dette publique et la civilisation marchent la main dans la main.
C'est merveilleux.
Eh bien, ce grand banquier est venu à Québec, et à cette occasion, le 26 octobre, il était reçu à dîner au Château Frontenac, par toute une kyrielle de clubs admirateurs de notre beau système bancaire, sous la présidence du premier magistrat de la ville, Son Honneur M. Lucien Borne.
Vous vous rappelez les années où nos hommes et nos jeunes gens chômaient faute d'argent pour les payer ; où nos femmes et nos enfants souffraient, faute de papier pour acheter. Le grand Graham Ford Towers était à la tête de la Banque Centrale du Canada en ces années-là. Il mérite, certes, les hommages et la reconnaissance des victimes.
Mais comme les victimes sont ingrates, le premier magistrat de Québec et certains clubs habitués à bien faire les choses se chargent des cérémonies du culte.
Citons les noms des associations qui savent reconnaître les mérites de ceux qui, par le contrôle de l'argent et du crédit, sont devenus "les maîtres de nos vies" et ont rendu la vie "horriblement dure, implacable et cruelle" :
Le Cercle des Femmes Canadiennes ;
Le Club Canadien ;
Le Club Rotary ;
Le Club Kiwanis ;
Le Club Optimiste ;
La Chambre de Commerce de Québec ;
La Chambre de Commerce des Jeunes de Québec.
Tous ces clubs et chambres de gogos ont annoncé dans les journaux qu'ils avaient l'honneur de recevoir M. Graham Ford Towers.
Les créditistes ont eu la sauvagerie de s'abstenir. À la prochaine occasion, si on ne les étrangle pas d'ici là, ils auront sans doute l'effronterie de placer sous chaque couvert un extrait de certains passages de Quadragesimo Anno qu'ils ont la manie de proclamer avec le même zèle que d'autres emploient à les reléguer dans l'oubli.