Déconcerte les gouvernants - Défie les charlatans du système
Ce mal universel est-il incurable ?
Dans une récente causerie du Journal Vers Demain, je parlais de l’inflation, disant que la source principale de l’inflation est dans le système financier actuel. Système financier faux; sa comptabilité monétaire est fausse parce qu’elle n’est pas conforme aux réalités de la vie économique. Par exemple le progrès rend la production de plus en plus facile et de plus en plus abondante; cela c’est une réalité. Et cela devrait être représenté par une plus grande facilité à obtenir des produits; donc, par des prix plus bas. Or, c’est le contraire qui arrive; les prix montent quand ils devraient baisser. C’est là une fausseté financière.
Il y a plus d’une cause à cette disparité entre le réel et le financier. L’une d’elles, qui empoisonne tout l’organisme économique, c’est que le système et ses règlements d’ordre financier ont fait perdre de vue la véritable fin du système économique, qui est de fournir les biens pour satisfaire les besoins humains.
On a fait des activités économiques, dans la pratique, une course à l’argent. De sorte que l’économie est régie en fonction de l’argent. La production est axée non plus sur les besoins humains, mais sur ce qu’elle rapporte en argent. Si la satisfaction des besoins entre comme nécessité dans la poursuite de l’argent, tant mieux, mais c’est secondaire, c’est seulement comme un sous produit de la poursuite de l’argent. La réussite ne s’évaluera pas d’après les besoins satisfaits, mais d’après l’argent qui en aura résulté. Une entreprise industrielle, commerciale ou agricole, qui ne ferait que satisfaire des besoins humains peut très bien faire faillite dans un système ancré sur l’argent; alors qu’une entreprise ne servant qu’à fournir des engins de destruction, ou à pourrir des esprits et salir des cœurs, pourra prospérer parce que l’argent lui affluera.
Il y a aussi le mode de financement de la production, modalités qui peuvent être diverses, mais qui toutes réclament, dans les prix, plus d’argent qu’elles n’en ont mis en circulation. Le profit d’un entrepreneur est certainement légitime tant au moins qu’il reste raisonnable. C’est pour lui ce que le salaire est pour l’ouvrier. Il peut y avoir exagération, comme il y a exagération, formidable même, chez les salariés. Mais raisonnable ou exagéré, ce supplément de montants non distribués entre dans les prix.
La disparité entre le réel physique de la production et son expression financière s’accroît d’autant. D’autant aussi, l’insuffisance de pouvoir d’achat. Et comme le pouvoir d’achat ne provient, dans le système, que de l’argent distribué par le canal de la production, les engagés de la production réclament de nouvelles hausses de salaires pour tâcher d’atteindre les prix; hausses qui, à leur tour, entreront dans les prix de revient.
Un mal non corrigé en fait naître un autre. Un faux remède peut empoisonner au lieu de guérir. On ne rectifie pas une fausse comptabilité, on ne la rend pas intègre par l’adjonction d’un autre élément de fausse comptabilité. La montée des salaires est une fausse comptabilité car elle fausse l’intégrité des prix. Où est, en effet, l’intégrité dans ces hausses de salaires, alors que le temps et l’effort fournis ne sont pas plus grands, qu’ils sont souvent moindres ? Comparez la situation d’aujourd’hui avec celle d’il y a un demi siècle, semaines de travail raccourcies et salaires triplés ou quadruplés. Et l’on se lamente devant l’inflation des prix !
Si l’on savait reconnaître, comme l’enseigne le Crédit Social, que le progrès, qui rend la production plus abondante, n’est pas gagné par ceux qui l’utilisent, que c’est un héritage communautaire, transmis par les générations et croissant encore parce qu’on ne commence pas à zéro; si, de plus, on admettait que ce capital réel, héritage commun, entre comme facteur prépondérant dans la production moderne, on exprimerait fidèlement cette réalité en distribuant à tous les membres de la société, à titre de capitalistes par héritage, un dividende périodique sur la production qui résulte de ce capital communautaire.
Ce dividende augmenterait graduellement à mesure du progrès, tandis que le total de l’argent distribué en salaires devrait plutôt diminuer à mesure que diminuent les heures d’ouvrage encore nécessitées pour mettre en œuvre le capital communautaire. Un tel dividende à tous, distribué directement par un mécanisme approprié, ne passerait pas par le canal de la production et n’entrerait pas comme les hausses de salaires dans la comptabilité des prix de revient.
Mais si vous ne voulez pas de modifications au présent système capitaliste, si vous ne voulez considérer comme capitalistes que ceux qui financent la production avec de l’argent créé par eux ou pour eux, ou aussi bien avec de l’argent volé ou arraché du public par des prix forts; si vous voulez considérer le système financier actuel comme divin et intouchable et n’imputer l’inflation qu’à la population qui en souffre, alors, battez vous contre l’inflation tant que vous voudrez, vous ne l’enterrerez pas. C’est plutôt elle qui vous enterrera, et peut-être dans un effondrement, peut-être dans un communisme dictatorial salué bêtement comme une économie de rechange à un capitalisme vicié.
Sur le plan spirituel, le communisme athée, matérialiste et contempteur des droits les plus sacrés de la personne humaine, peut trouver devant lui, pour lui résister, la foi et les œuvres de foi d’une population qui n’aura pas encore trop sorti Dieu de sa vie.
Mais sur le plan temporel, si les adversaires du communisme n’ont à lui opposer que le capitalisme vicié, faussaire, prédateur, centralisateur et dominateur d’aujourd’hui, ils sont très mal armés. Nous les avons déjà appelés ces adversaires du communisme, des «hommes de droite aux mains vides». Si mal armés, tiendront-ils longtemps ?
Nous avons entendu jusqu’à des prêtres dire sérieusement que le communisme a du bon, qu’il nous a fait redécouvrir l’Évangile, qu’il a sorti des peuples pauvres et opprimés de leur misère et de leur sujétion.
La propagande leur a fait avaler tout cela, alors qu’ils ont détourné la tête, bouché leurs oreilles, levé le nez et ricané devant la présentation du Crédit Social. C’est du Crédit Social authentique que nous traitons, non pas des ramassis de tout goût que peuvent présenter des partis politiques prévariquant le nom sacré de Crédit Social.
Le Crédit Social, qui reconnaît et traite chaque membre de la société comme un capitaliste, est certainement la meilleure arme économique à opposer aux prétentions des propagateurs du communisme. Le Crédit Social garantirait la sécurité économique à chacun dans un pays capable de répondre aux besoins normaux de toute sa population. Et cette sécurité respecterait pleinement la liberté des individus.
Elle libérerait aussi les personnes du souci absorbant du pain quotidien, permettant à l’homme de profiter de cette libération pour se livrer à d’autres fonctions humaines que la seule fonction économique, à son épanouissement culturel ou spirituel, à des activités libres, à des œuvres d’aide ou d’apostolat, etc.
Selon la phrase qui termine une brochure écrite par un Père Dominicain qui, à cette époque, savait apprécier le Crédit Social et motiver cette appréciation:
«Si vous ne voulez ni du socialisme ni du communisme, opposez-leur le Crédit Social. Il met entre vos mains une arme terrible contre ces ennemis.»
L’arme est toujours là, messieurs. Elle ne demande qu’à être utilisée. Quel cas en font les hommes de droite aux mains vides ?
Dans une économie de Crédit Social, la comptabilité du prix de revient continuerait de se faire comme aujourd’hui, par l’addition de toutes les dépenses encourues en cours de production. Dépenses qui seraient diminuées par unité de production, à mesure que le progrès réduit la nécessité de labeur humain.
Les prix seraient aussi allégés du fardeau des taxes, dans la mesure où une économie adéquatement financée, selon les propositions du Crédit Social, n’aurait plus besoin des mains ni du nez du gouvernement. Dans son ensemble, d’ailleurs, un organisme économique ainsi financé donnerait congé au gouvernement pour une multitude de fonctions qui ne sont pas de son rôle propre, mais qui seraient assumées respectivement par des personnes responsables, des familles responsables, des associations libres, compétentes et responsables.
Le Crédit Social finance automatiquement toute production et fait payer toute consommation. Quoiqu’il arrive au prix de revient, il ne peut y avoir d’inflation dans les prix à payer par les acheteurs, dans un système financier de Crédit Social, grâce à son mécanisme d’ajustement des prix. Ce mécanisme est un régulateur. Il laisse le producteur ou le marchand mettre toutes ses dépenses plus un profit raisonnable dans son prix de revient. Mais l’acheteur ne paie pas tout ce prix de revient.
Le prix payé par l’acheteur n’est pas laissé au niveau de la production mais abaissé par un escompte général, au niveau de la consommation. Autrement dit, la population dans son ensemble, ne doit pas avoir à payer le prix de tout ce qui a été produit mais seulement le prix de ce qui a été consommé. Et c’est pour cela qu’on dit ajustement des prix.
Payer le juste prix, le prix de revient de la production, est juste pour le producteur mais il ne l’est pas pour le consommateur.
Si par exemple, la production totale du Canada est de 50 milliards dans une année, et si dans la même période, la consommation totale de produits consommables, plus usure de produits durables, plus matériaux employés; si toute cette consommation forme un total de 40 milliards seulement, le prix à payer doit être seulement de 40 milliards et non pas de 50 milliards. D’où une escompte de 10 sur 50, ou 20 pour cent, sur tous les prix de revient sur tous les produits achetés par les consommateurs. Ce qui est exactement le contraire de l’inflation.
On ne peut pas consommer ce qui n’a pas été produit. La consommation totale ne peut donc jamais dépasser la production totale, à moins d’une catastrophe qui anéantirait la production avant qu’elle ait servi.
La consommation est même généralement assez en dessous de la production, comme on le constate par les produits non vendus et par les produits qui n’ont pas été produits par crainte de ne pas pouvoir les vendre.
Encore une fois, cela n’empêcherait pas le producteur d’obtenir le prix de revient pour les produits qu’il écoule. Ce qu’il n’obtiendrait pas des acheteurs, à cause de l’escompte, lui serait fourni par l’organisme financier du système.
En effet, le système proposé par Douglas est un système souple qui se plie à toutes les situations réelles de la vie économique; qui la suit dans ses développements jusqu’à n’importe quel degré de progrès, de mécanisation, de motorisation, d’automation, pour tout ce qui répond aux besoins légitimes de la production, besoins d’ordre public comme d’ordre privé.
La finance d’une économie créditiste est une finance de service, non pas une finance d’entrave, ni de conditionnement, ni de domination.