Régénérer la culture chrétienne au Québec

le jeudi, 01 mai 2003. Dans Église catholique romaine

Première homélie de S. Exc. Mgr Marc Ouellet dans son diocèse

Nous tirons de « L'Osservatore Romano » du 11 mars 2003, l'homélie de S. Exc. Mgr Ouellet, Primat de l'Église canadienne et archevêque de Québec, qui apporte beaucoup d'espérance au peuple catholique du Canada, menacé d'être submergé par les violentes vagues de l'athéisme lancées sur lui par les marxistes.

De l'Osservatore Romano

Nous publions ci-dessous l'homélie prononcée par S. Exc. Mgr Marc Ouellet, à l'occasion de la célébration eucharistique marquant le début de son ministère pastoral comme Archevêque de Québec, (Canada), le 26 janvier 2003. Auparavant, S. Exc. Mgr Ouellet était Secrétaire du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens.

Par S. Exc. Mgr Marc Ouellet

Jn 1-5, 10 -1 Co 7, 29-31 - Marc 1, 14-20

"Les temps sont accomplis et le Règne de Dieu est tout proche. Repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle".

Depuis deux mille ans, ces paroles de Jésus retentissent dans le monde comme la raison d'être de l'Église. Elles ont touché les rives du grand fleuve Saint-Laurent il y a près de 400 ans. François de Laval, premier évêque de Québec, a été le héraut le plus illustre, déclaré bienheureux par le Pape Jean Paul II en 1980, avec Marie Guyart de l'Incarnation et Kateri Tekakwitha. Ces paroles de Jésus nous sont adressées au moment où nous prenons part à l'événement hautement symbolique de la succession épiscopale sur le siège primatial du Canada. Qu'elles éclairent notre célébration et notre route à venir !

Je vous salue tous très cordialement, gens du pays et gens d'ailleurs venant des horizons les plus divers. Je vous remercie d'honorer de votre présence l'Église de Québec, cette Église-Mère de tous les diocèses catholiques au nord du Mexique. À tous je redis la salutation liturgique qui est par excellence celle de l'évêque : la Paix soit avec vous, Shalom ! C'est la salutation messianique du Christ ressuscité le soir de Pâque, qui contient tous les biens qu'un cœur humain peut désirer : Shalom ! La Paix de Dieu !

Jésus est le fils de Dieu

« Les temps sont accomplis et le Règne de Dieu est tout proche. Repentez-vous et croyez à la bonne Nouvelle ». Ce message central de la liturgie du troisième dimanche ordinaire clôture la semaine de prière pour l'unité des chrétiens. Un sentiment d'urgence et de gravité se dégage de cette annonce de Jésus à laquelle fait écho la prière pour l'unité. Ce sentiment naît du mystère même de sa Personne et de sa mission dont témoigne l'évangéliste saint Marc : Jésus est le Fils de Dieu venu donner au monde le salut par la foi. C'est pourquoi son passage sur la terre ne peut pas figurer au registre des naissances humaines comme un simple événement parmi d'autres. L'histoire de Jésus est « l'Événement des siècles » disaient les Pères de l'Église, l'Événement fondateur à partir duquel toute histoire se mesure et s'accomplit. Le Concile Vatican II a rappelé cette vérité de l'Écriture en confessant Jésus comme le centre du cosmos et de l'histoire humaine. Sa passion, sa mort et sa résurrection sont l'accomplissement du temps et de l'histoire. Elles popularisent et régénèrent toutes les recherches humaines de salut et de liberté. Elles offrent une plénitude de sens que le monde ne connaît pas et ne peut pas donner.

C'est pourquoi l'exhortation évangélique culmine par l'appel à la foi : "Repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle !" La Bonne Nouvelle c'est la Personne de Jésus, c'est le pardon des péchés et la vie éternelle qu'il donne en abondance. Une telle foi réjouit les deux milliards des chrétiens qui en font l'expérience de par le monde, malgré le scandale de leur division et les limites de leur témoignage. Elle se profile déjà chez Jonas, ce prophète malheureux qui proclamait à Ninive la grande urgence de se repentir et de faire pénitence. Cette foi au Christ rayonne chez saint Paul, l'Apôtre des Gentils, qui répond sans ambages aux questions des Corinthiens de son temps sur le mariage et la virginité : « Les temps sont courts », proclame-t-il, ébloui par la nouveauté du Christ, vivons comme des créatures nouvelles qui ne mettent rien au-dessus du Christ. Aimons les bonnes choses et protégeons la création mais ne tombons point dans l'idolâtrie de l'argent, du sexe et du pouvoir médiatique. Écoutons le message de la Croix qui jalonne l'histoire du monde et l'histoire de la Nouvelle-France de Gaspé à Montréal, de Notre-Dame-du-Cap à Notre-Dame-de-Québec. Cette croix glorieuse n'est-elle pas notre lumière et notre espérance au milieu des errances de ce temps ? N'est-elle pas notre phare pour repérer les valeurs authentiques de solidarité, de justice et de paix dont témoigne singulièrement l'Église du Canada.

Le Québec languit

Les temps sont courts, c'est le temps du réveil des consciences et de la décision de foi. Le Québec languit loin des valeurs qui ont fait la force et la gloire de ses aïeux. Sa juste volonté de survivance culturelle se heurte dramatiquement à son taux infime de natalité et au suicide catastrophique de ses adolescents. Ces suicides incompréhensibles nous déchirent et nous alarment sur la situation des familles et des valeurs qui devraient donner sens à leur vie. Ne sont-ils pas le signe de l'appauvrissement le plus grave qui frappe la société québécoise : l'oubli de son héritage spirituel, l'oubli de ses martyrs et de ses saints ? La sauvegarde du patrimoine culturel est une priorité largement reconnue, mais combien faudrait-il veiller à l'éducation des vertus et des attitudes spirituelles qui façonnent l'âme et la destinée d'un peuple !

Jean de Brébeuf, Marie de l'Incarnation, Dina Bélanger, et tant de saintes mères de famille nous précèdent et nous entraînent sur la route de la sainteté.

Les temps sont courts, l'urgence de la foi éclate de toutes parts. Il n'est pas trop tard pour chercher ensemble, pasteurs et fidèles, citoyennes et citoyens, les moyens de régénérer la culture chrétienne qui a façonné le Québec d'hier et d'aujourd'hui. Un nouveau souffle évangélique et de nouveaux moyens s'imposent pour que les jeunes communient plus largement à la joie de croire et à la joie de vivre des jeunes qui ont fait de la Journée mondiale de Toronto une Bonne Nouvelle pour le monde entier.

Héritage de sainteté

L'Église de Québec est déjà bien engagée dans cette voie. L'évangélisation est sa première priorité pastorale et les communautés se pressent pour donner suite au discernement synodal qui a identifié, parmi d'autres, les grands défis de la famille et de la jeunesse. Cette Église est justement fière de ses titres de noblesse qui sont une primauté historique, un héritage de sainteté et un immense rayonnement missionnaire. Malgré les difficultés du temps présent, elle ne cède pas à la tentation d'une nostalgie stérile, elle s'intéresse passionnément à la vie des femmes et des hommes d'aujourd'hui, épousant leurs questions et partageant leurs joies et leurs peines, tout en accordant courageusement la priorité aux pauvres. Je tiens à rendre hommage à cette Église plus modeste et plus discrète qu'autrefois, mais toujours présente dans la société comme source d'amour et un ferment d'unité.

Au moment où cette Église m'accueille comme son pasteur, je me sens profondément redevable à l'œuvre immense de mes devanciers. Je suis heureux de m'inscrire dans cette continuité en implorant l'Esprit Saint de m'aider à répondre à mon tour à la tâche pastorale des années qui viennent. Je me vois évêque de la manière dont saint Jean décrit le précurseur, comme l'ami de l'Époux qui communie à la joie des noces eucharistiques du Christ-Époux et de l'Eglise-Épouse et qui veille sur la réponse d'amour de la Communauté au Seigneur de l'Alliance. Je compte animer et gouverner cette portion du peuple de Dieu qui m'est confiée dans l'esprit de la collégialité épiscopale, en union avec mes frères évêques du Québec et du Canada et en communion d'esprit et de cœur avec l'Église universelle, sous l'autorité du Successeur de Pierre, premier responsable de l'unité de l'Église.

Congrès eucharistique

« Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche. Repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». Cette parole s'accomplit sacramentellement dans le mystère eucharistique, source et sommet de la vie de l'Église. De ce mystère de la foi par excellence jaillit le souffle d'amour et de liberté qui fait l'Église et qui nous fera témoigner à neuf, que le Père a envoyé son Fils dans le monde pour le salut de tous. Ce mystère nous fait signe déjà de préparer la table et la communauté diocésaine pour le Congrès Eucharistique International de 2008, que nous espérons célébrer ici à l'occasion du centenaire de la fondation de Québec. Dans la joie de cette première Eucharistie et en vue de ce rendez-vous historique, Dieu appelle son peuple à la ferveur de ses origines et à l'unité avec l'évêque et son presbyterium, que nous appelons de nos vœux avec les mots inoubliables de saint Ignace d'Antioche : « Chacun de vous, devenez un cœur de chant, afin que, dans l'harmonie de votre concorde, adoptant la mélodie de Dieu dans l'unité, vous chantiez pour le Père, d'une seule voix par Jésus-Christ ».

Puissions-nous cultiver ensemble, dans la paix et la concorde, les valeurs essentielles du christianisme qui gravitent autour de l'écoute de la Parole de Dieu, de l'assemblée dominicale et de la communion fraternelle nourrie au Corps et au Sang du Christ. Les jeunes générations et les pauvres nous supplient d'être cette Bonne Nouvelle du Règne de Dieu à Québec, car ils ont faim et soif du sens ultime de Dieu de la vie qui émane de notre témoignage. Qu'ils trouvent en nous, couvant peut-être sous la cendre mais toujours prête à rejaillir, la flamme qui ravive l'enthousiasme des convertis. Que l'on se garde, oui que l'on se garde bien d'éteindre chez nous ce flambeau de la foi bimillénaire de l'Église qui passe de continent en continent et d'Église en Église, par des missionnaires québécois qui font encore l'admiration de l'Église tout entière ! La société pluraliste d'aujourd'hui en serait grandement appauvrie et le peuple québécois, qui peine à sauver sa culture, perdrait son âme s'il perdait le Christ, Seigneur de la vie et de l'histoire. Que la Vierge immaculée, patronne de cette Église-Mère, intercède pour nous afin que le Québec d'aujourd'hui et de demain vive sa vocation divine dans le concert des nations !

+ Mgr Marc Ouellet

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