Un prêtre américain qui s'intéresse à notre mouvement nous communique les réflexions suivantes, dont voudront bénéficier nos lecteurs :
Un être est parfait en autant qu'il possède les perfections requises par sa nature.
Un homme est parfait au physique, s'il est de grandeur moyenne, avec un poids proportionné à sa taille, des membres développés en harmonie avec le reste du corps. Une tête trop grosse ou trop petite, des pieds trop longs ou trop courts, un corps obèse ou trop fluet seraient des accrocs à la perfection physique.
Dans la partie supérieure de son être, un homme sera parfait s'il possède une intelligence capable de saisir la vérité, de découvrir l'erreur qui pourrait s'y glisser, capable de s'approprier cette vérité pour s'en faire une règle de conduite à laquelle s'attachera fermement sa volonté, sans jamais dévier.
Dans le domaine des spécialités, l'homme sera un parfait cultivateur, s'il possède la science de la culture et la connaissance de sa terre, et s'il applique les principes de sa science à sa culture. Autrement, il sera un cultivateur plus ou moins manqué.
Il en est ainsi de toutes les spécialités, même du créditiste. Voyons quelques-unes des qualités qu'il doit posséder.
La première semble bien être une bonne connaissance du Crédit Social. C'est le fondement de toute conviction et de toute activité qui doit être durable. À mesure que je connais mieux le Crédit Social, je me rends compte que les solutions créditistes dépassent en efficacité tout ce que j'ai entendu jusqu'ici ; et me voilà plus attaché au système, plus déterminé à le faire triompher.
Si je veux en parler à des amis que je désire convaincre, une connaissance assez avancée du système est précieuse. Autrement, on peut me blâmer de recommander une chose que je comprends mal, je puis éloigner mon interlocuteur au lieu de le rapprocher.
D'ailleurs, on tire d'autant plus de profit d'une chose qu'on la connaît mieux. Le cultivateur obtiendra de sa terre tout son rendement seulement s'il la connaît bien. De même l'automobiliste, de sa voiture. Sans doute, la science d'ingénieur ne s'impose pas ; mais il faut avoir des idées assez précises, qui de sa terre, qui de sa voiture, pour employer les meilleures méthodes et tirer tout le parti possible de son bien.
Tout cela peut s'appliquer au Crédit Social.
Il n'est pas nécessaire que je connaisse toute la technique d'application du Crédit Social (c'est l'affaire des techniciens créditistes). Mais je dois en posséder les grandes lignes, savoir ce que je puis attendre du Crédit Social, afin d'en réclamer tous les avantages et de ne pas le laisser amoindrir par des saboteurs.
C'est la masse des créditistes qui veillera sur son bien et en empêchera le pillage ; à condition qu'elle soit assez éclairée pour être vigilante.
C'est donc un devoir, pour tout créditiste qui tend à devenir un créditiste parfait, d'étudier de plus en plus les principes du Crédit Social, ses objectifs, les grandes lignes de son application, les répercussions bienveillantes qu'on peut en attendre dans tous les secteurs de la vie économique, politique, sociale et même morale.
Puis, il est intéressant aussi de savoir un peu la technique créditiste : pour sa propre satisfaction d'abord et aussi pour pouvoir mieux gagner des esprits où se dressent des objections quant au mode d'application du Crédit Social.
Tout cela suppose que l'on a étudié et que l'on continue à le faire. Il est normal qu'un créditiste possède bien son Syllabaire du Crédit Social, qu'il soit familier avec l'Île du Salut. C'est un précieux commencement. Mais ce n'est qu'un commencement.
Le créditiste continue par la lecture attentive de tous les numéros de "Vers Demain". Les abonnés de récente date gagneront énormément à se procurer l'album des articles classés de la Première Année de "Vers demain", puis la Deuxième Année reliée.
Mais, à la lecture il faut joindre la réflexion. Les conversations, entre créditistes, où l'on s'éclaire mutuellement, où l'on dispose des objections rencontrées ici et là, où l'on commente les événements courants à la lumière du Crédit Social — tout cela finit par faire de chaque créditiste un homme éclairé.
Grâce à cette connaissance, le créditiste aimera son mouvement, s'intéressera à son développement, se donnera lui-même pour le propager plus rapidement.
Nous n'avons pas de temps à perdre. Si nous ne voulons pas du communisme, ni du socialisme, chez nous, il est urgent de nous mettre à bâtir le Crédit Social. Les créditistes savent qu'avec le communisme ou le socialisme (deux frères), c'en est fini de nos espoirs de liberté.
Pour eux-mêmes, pour leurs frères non-créditistes par ignorance, les créditistes éclairés doivent entreprendre une intense campagne de propagande et d'organisation visant à des réalisations. Si ce n'est pas eux qui font cette propagande, par qui sera-t-elle faite ? Si les créditistes ne prennent pas possession du champ, ce sont les adversaires de la liberté qui feront leur propre propagande et établiront leurs forces subversives. Il ne doit pas être écrit que les créditistes sont moins ardents à répandre le bien que les communistes le sont à répandre le mal.
Que personne ne remette sur les autres la tâche à accomplir. Ce serait de l'égoïsme. Et celui qui s'en rendrait coupable ne serait pas un vrai créditiste. Le Crédit Social n'est-il pas tout de charité ? N'est-il pas la plus belle expression de la coopération de tous dans la recherche du bien de tous et de chacun ? Quiconque ne recherche pas le bien de ses frères en même temps que le sien propre n'a pas l'esprit du Crédit Social. C'est du reste un fait que le vrai bien de l'un contribue toujours au bien des autres.
Mais nous sommes et devons être créditistes pour quelque chose de plus haut que la vie d'ici-bas. Tout dans notre vie terrestre doit nous conduire à la vie céleste. Pour cela, le créditiste doit être un parfait chrétien.
Rien de plus normal, du reste, car les enseignements du Crédit Social sont étonnamment conformes à ceux de l'Évangile. Pour le moment, contentons-nous d'affirmer que notre redressement social et religieux serait immensément facilité par l'application du système créditiste, alors que ce même redressement est pratiquement impossible dans les conditions actuelles. C'est un point qui ferait le sujet d'un beau chapitre.
Le parfait créditiste s'efforce donc d'être aussi un parfait chrétien, s'appliquant à servir vraiment Dieu de tout son cœur. Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? Avec Dieu, nous aurons les hommes. Sans Dieu, comment atteindre les hommes ? Seuls, nous pouvons peu sur l'esprit des hommes, encore moins sur leur cœur, sur leur volonté.
Dieu est aussi le seul à donner les biens, dont il est seul le propriétaire absolu. Si Dieu ne bénit pas notre travail, à quoi sert-il ? Nous avons beau semer, arroser, si Dieu ne donne pas la croissance...
Être un parfait chrétien. Aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces, de tout notre esprit. Puis aimer également notre prochain comme nous-mêmes.
Le vrai chrétien, donc le vrai créditiste, doit donner la première place à Dieu dans son cœur, dans sa pensée, dans ses préoccupations. Dans toute sa conduite, avoir le souci de ne transgresser en rien la volonté divine ; réaliser au contraire ce que commande cette volonté divine. Offrir à Dieu tous les jours, plusieurs fois par jour, notre travail, ce qui rend joyeux comme ce qui rend triste. Lui offrir toute la création. Lui offrir surtout Notre-Seigneur, en qui il trouve toutes ses complaisances. Ainsi nous acquitterons-nous en grande partie de notre devoir de la prière.
Puis, ne pas oublier notre prochain, l'aidant chaque fois que nous pouvons. Sur ce point, le créditiste a cette obligation particulière, de faire tout en son pouvoir pour l'avènement d'un ordre temporel meilleur, basé sur la justice, rendant possible une pratique plus générale de la charité et de la paix.
HILDEBRAND L., ptre.