Le Rosaire, ou chapelet de la Vierge Marie, est une prière d'une puissance extraordinaire pour obtenir la paix et la protection du ciel sur les familles, qui a été recommandée fortement par tous les papes récents, de Léon XIII jusqu'à aujourd'hui. Par exemple, le pape Léon XIII a écrit, entre 1883 et 1898, pas moins de onze encycliques spécifiquement consacrées au Rosaire. En 1974, le pape saint Paul VI consacrait une exhortation apostolique sur le culte marial dans laquelle il suggérait « quelques réflexions pour une reprise vigoureuse et plus consciente de la récitation du Rosaire », faisant entre autres remarquer un élément essentiel de cette prière, la contemplation.
Et on se souvient tous de la dévotion spéciale de saint Jean-Paul II envers la Vierge Marie et le chapelet. Deux semaines après son élection en 1978, il déclarait d'ailleurs que le chapelet était sa prière préférée. Et en 2002, il a publié une lettre apostolique précisément consacrée au Rosaire, Rosarium Virginis Mariae, dans laquelle il proposait la méditation de cinq nouveaux mystères, les mystères lumineux de la vie de Jésus, s'ajoutant aux mystères joyeux, douloureux et glorieux.
Qu'est-ce que le chapelet ? Saint Louis Marie Grignion de Montfort, un grand saint français, a écrit un livre intitulé Le secret admirable du Très Saint Rosaire, divisé en 50 chapitres, qu'il appelle « roses ». Voici ce qu'il écrit dans les premiers chapitres :
« Le Rosaire renferme deux choses, savoir : l'oraison mentale et l'oraison vocale. L'oraison mentale du saint Rosaire n'est autre que la méditation des principaux mystères de la vie, de la mort et de la gloire de Jésus-Christ et de sa très sainte Mère. L'oraison vocale du Rosaire consiste à dire quinze dizaines d'Ave Maria précédées par un Pater pendant qu'on médite et qu'on contemple les quinze vertus principales que Jésus et Marie ont pratiquées dans les quinze mystères du saint Rosaire. Dans le premier chapelet, qui est de cinq dizaines, on honore et on considère les cinq mystères joyeux ; au second les cinq mystères douloureux, et au troisième les cinq mystères glorieux. »
« Cependant le saint Rosaire, dans sa forme et la méthode dont on le récite à présent, n'a été inspiré à son Église, donné de la très sainte Vierge à saint Dominique pour convertir les hérétiques albigeois et les pécheurs, qu'en l'an 1214, de la manière que je vais dire, comme le rapporte le
bienheureux Alain de la Roche :
« Saint Dominique, voyant que les crimes des hommes mettaient obstacle à la conversion des Albigeois, entra dans une forêt proche de Toulouse et y passa trois jours et trois nuits dans une continuelle oraison et pénitence ; il ne cessait de gémir, de pleurer et de se macérer le corps à coups de discipline, afin d'apaiser la colère de Dieu, de sorte qu'il tomba à demi mort. La Sainte Vierge lui apparut, accompagnée de trois princesses du ciel et lui dit : "Sais-tu, mon cher Dominique, de quelle arme la Sainte-Trinité s'est servie pour réformer le monde ? – Ô Madame, répondit-il, vous le savez mieux que moi, car après votre Fils Jésus-Christ vous avez été le principal instrument de notre salut." Elle ajouta : "Sache que la principale pièce de batterie a été le psautier angélique, qui est le fondement du Nouveau Testament ; c'est pourquoi, si tu veux gagner à Dieu ces cœurs endurcis, prêche mon psautier." »
Au trente-troisième chapitre de son livre Le secret admirable du Très Saint Rosaire, saint Louis Marie Grignion de Montfort raconte un fait qu'il a vu de ses propres yeux, qui témoigne de la puissance du Rosaire :
« Saint Dominique, prêchant près de Carcassone (au sud de la France) le saint Rosaire, on lui amena un hérétique albigeois possédé par le démon. Le saint l'exorcisa en présence d'une grande multitude du peuple ; on tient qu'il y avait plus de douze mille hommes à l'entendre. Les démons, qui possédaient ce pauvre misérable, étant obligés de répondre malgré eux aux interrogations que le saint leur faisait, dirent :
« 1. Qu'ils étaient quinze mille dans le corps de ce misérable, parce qu'il avait attaqué les quinze mystères du Rosaire ; 2. Que, par le Rosaire qu'il prêchait, il mettait la terreur et l'épouvante dans tout l'enfer, et qu'il était l'homme du monde qu'ils haïssaient davantage à cause des âmes qu'il leur enlevait par la dévotion du Rosaire ; 3. Ils révélèrent plusieurs autres particularités.
« Saint Dominique, ayant jeté son rosaire au cou du possédé, leur demanda qui, de tous les saints du ciel, ils craignaient davantage et devait être plus aimé et honoré des hommes. A cette interrogation, ils firent des cris si épouvantables que la plupart des auditeurs, saisis d'effroi, tombèrent par terre. Ensuite, ces malins esprits, pour ne pas répondre, pleurèrent et se lamentèrent d'une manière si pitoyable, si touchante, que plusieurs des assistants en pleurèrent eux-mêmes, par une pitié naturelle. Ils disaient par la bouche du possédé d'un ton de voix lamentable : "Dominique, Dominique, aie pitié de nous, nous te promettons que nous ne te nuirons jamais. Toi qui as tant pitié des pécheurs et misérables, aie pitié de nous, misérables. Hélas, nous souffrons, pourquoi prends-tu plaisir à augmenter nos peines ? Contente-toi des peines que nous endurons. Miséricorde ! miséricorde ! miséricorde !"
« Le saint leur répondit qu'il ne cesserait de les tourmenter jusqu'à ce qu'ils eussent répondu à la question. Les démons lui dirent qu'ils y répondraient, mais en secret et à l'oreille, et non pas devant tout le monde. Le saint incite et leur commande de parler et répondre tout haut. Les diables ne voulurent plus dire mot, quelque commandement qu'il leur fit. Il se mit à genoux et fit cette prière à la sainte Vierge : "Ô très sainte Vierge Marie, par la vertu du saint Rosaire, ordonnez à ces ennemis du genre humain de répondre à ma question".
« Cette prière étant faite, voilà qu'une flamme ardente sortit des oreilles, des narines et de la bouche du possédé, qui fit trembler tout le monde, mais cependant qui ne fit de mal à personne. Alors les diables s'écrièrent : "Dominique, nous te prions, par la passion de Jésus-Christ et par les mérites de sa sainte Mère et de tous les saints, que tu nous permettes de sortir de ce corps sans rien dire ; car les anges, quand tu le voudras, te le révéleront. Ne sommes-nous pas des menteurs ? Pourquoi veux-tu nous croire ? Ne nous tourmente pas davantage, aie pitié de nous".
« "Malheureux que vous êtes, indignes d'être exaucés", dit saint Dominique, qui, se mettant encore à genoux, fit sa prière à la sainte Vierge : "Ô très digne Mère de la Sagesse, je prie pour ce peuple ici présent, qui déjà est instruit de la manière de bien dire la Salutation angélique. Forcez vos ennemis à confesser en public la vérité pleine et sincère sur ce point."
« Il n'eut pas plus tôt fini sa prière, qu'il vit la sainte Vierge auprès de lui, entourée d'une grande multitude d'anges, qui, avec une verge d'or qu'elle tenait à la main, frappait le démoniaque en lui disant : "Réponds à mon serviteur Dominique, selon sa demande". Il faut remarquer que le peuple n'entendait ni ne voyait point la sainte Vierge ; il n'y avait que saint Dominique.
« Alors les démons commencèrent à s'écrier en disant : "Ô notre ennemie, ô notre ruine, ô notre confusion, pourquoi êtes-vous venue exprès du ciel pour nous tourmenter si fort ? Faut-il que, malgré nous, ô avocate des pécheurs qui les retirez des enfers, ô chemin très assuré du paradis, nous soyons obligés de dire toute la vérité ? Faut-il que nous confessions devant tout le monde ce qui sera la cause de notre confusion et de notre ruine ? Malheur à nous, malheur à nos princes des ténèbres."
« "Écoutez donc, chrétiens. Cette Mère de Jésus-Christ est toute puissante pour empêcher que ses serviteurs ne tombent en enfer ; c'est elle qui, comme un soleil, dissipe les ténèbres de nos mines, qui rompt nos pièges et rend toutes nos tentations inutiles et sans effet. Nous sommes contraints d'avouer qu'aucun de ceux qui persévèrent dans son service n'est damné avec nous. Un seul de ses soupirs, qu'elle offre à la Sainte-Trinité, surpasse toutes les prières, les vœux et les désirs de tous les saints. Nous la craignons plus que tous les bienheureux ensemble et nous ne pouvons rien contre ses fidèles serviteurs."
« "Plusieurs chrétiens mêmes qui l'invoquent à la mort, et qui devraient selon nos lois ordinaires être damnés, sont sauvés par son intercession. Ah ! si cette Mariette (c'est ainsi que leur rage la faisait appeler) ne s'était opposée à nos desseins et à nos efforts, nous aurions depuis longtemps renversé et détruit l'Église et fait tomber tous ses ordres dans l'erreur et l'infidélité. Nous protestons de plus, par la violence qu'on nous fait, qu'aucun de ceux qui persévèrent à dire le Rosaire n'est damné ; car elle obtient à ses dévots serviteurs une vraie contrition de leurs péchés par laquelle ils en obtiennent le pardon et l'indulgence".
« Alors saint Dominique fit réciter le Rosaire à tout le peuple, fort lentement et dévotement, et, à chaque Ave Maria que le saint et le peuple récitaient (chose étonnante), il sortait du corps de ce malheureux une grande multitude de démons, en forme de charbons ardents. Les démons étant tous sortis et l'hérétique fut tout à fait délivré, la sainte Vierge donna, quoique invisiblement, sa bénédiction à tout le peuple, qui en ressentit une joie très sensible. Ce miracle fut cause qu'un grand nombre d'hérétiques se convertirent et se mirent de la confrérie du saint Rosaire. »