Chaque année, le 15 août, nous célébrons une fête grandiose de Marie, son « Assomption ou Entrée au ciel ». C’est l’un des mystères glorieux du Rosaire. Pour une meilleure compréhension, il convient d’examiner avant tout ce dogme à la lumière de la Résurrection du Christ.
La Résurrection du Christ procède d’une initiative absolue de Dieu qui arrache son Fils au tombeau pour faire de Lui le premier-né d’entre les morts (Actes 2, 24 ; 10, 40 ; 13, 30).
Rappelons-nous que la « Résurrection », au sens biblique, ne peut être conçue comme la réanimation d’un mort, tel Lazare, ni comme la « simple immortalité d’une âme dépourvue de tout caractère corporel », ni comme une forme de réincarnation dans une autre existence qui serait encor soumise aux limites de l’espace et du temps. Elle est plutôt « résurrection de la chair », comme le dit le Symbole des Apôtres. La « chair » désigne ici la personne dans son unité et son intégrité, c’est-à-dire tout à la fois son « esprit », son « âme » et son « corps ». Il faut comprendre le mot « corps » ici, non pas au sens de tout ce qui le compose physiquement et qui est destiné à périr, mais bien au sens d’être intimement lié à l’identité de la personne humaine : ainsi, Pierre n’est pas Paul, Louise n’est pas Jeanne. C’est que la vie nouvelle que le chrétien ou la chrétienne espère ne concerne pas seulement son âme, mais sa personne tout entière, qui a été nécessairement marquée par sa vie corporelle dans le monde, par sa façon de se comporter, par les événements qui ont marqué sa vie : en un mot, par tout ce qui a permis à cette personne de devenir ce qu’elle est : ce qu’exprime bien G. Greshake dans son livre Plus fort que la mort : « Tout comme dans les rides d’un vieux visage se trouve inscrite l’histoire de toute une vie, de même dans le sujet humain se trouve conservée indéfectiblement l’histoire d’un monde qui est « sien ».
La « chair » qui ressuscite, c’est donc tout ce qui porte la marque d’un être humain dans sa manière de se rapporter à soi-même, au monde, aux autres et à Dieu. C’est une telle « résurrection » que notre foi reconnaît à Jésus, et qui est le fondement même de notre propre espérance : « Si en effet nous croyons que Jésus est mort et qu’Il est ressuscité, dit saint Paul, de même aussi, ceux qui sont morts, Dieu les ramènera par Jésus avec Lui » (1 Th 4, 14). Or l’Assomption signifie que cette espérance est déjà accomplie dans le cas de Marie, et que Dieu l’a fait bénéficier de la « résurrection de la chair », en l’élevant « avec son corps et son âme à la gloire du ciel ». Dieu lui a communiqué ainsi cela même dont la Résurrection du Christ était la promesse et le gage pour tout croyant.
La destinée de Marie ne peut d’aucune façon être dissociée de celle que la tradition chrétienne a très tôt reconnue aux martyrs ou plus largement aux saints désignés parfois comme d’autres Christs. C’est la révélation que le dogme de l’Assomption ait été promulguée en la fête de la Toussaint (1er novembre 1950) : ce qu’il dit de Marie doit être replacé dans l’horizon de la communion des saints, de la « nuée de témoins » qui précède les croyants dans leur marche à la suite du Christ (Hébreux 12, 1), de l’assemblée dont les noms sont inscrits dans les cieux (Hébreux 12, 23).
C’est vrai que l’Assomption n’est explicitement reconnue qu’à propos de Marie en raison de son Immaculée Conception qui la place dans une situation particulière et unique. Marie, dès le premier instant de sa conception, par une grâce et un privilège singulier de Dieu tout-puissant, et en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, ayant été préservée et exempte de toute tache du péché originel et de ses conséquences, la mort comprise, était prête, dès la fion de sa vie terrestre, à voir s’accomplir pour elle-même les promesses du Père, à commencer par la résurrection, dont elle est la première bénéficiaire avant l’heure, mais à son heure toutefois.
Ce dogme de l’Assomption répond à celui de l’Immaculée Conception par la logique immanente du même amour, Dieu est tellement fidèle qu’Il va au terme de ce qu’Il a commencé. Ainsi, l’Assomption achève la victoire commencée jadis par une libération anticipée du péché. Mais l’Assomption a pour nous une profonde signification : ne nous enseigne-t-elle pas l’accomplissement d’un salut qui n’est pas réservé à elle seule mais que Dieu désire pour nous tous. Elle désigne l’objet de notre espérance qui est nôtre dès aujourd’hui car, dit saint Paul, « la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu », et « nous-mêmes, bien que nous ayons reçu l’Esprit comme un premier don, nous gémissons en nous-mêmes dans l’attente de nos droits de fils et de la rédemption de notre corps » (Romains 8, 19, 23). L’Assomption atteste que Dieu a déjà anticipé pour la Mère de son Fils le salut tant espéré par les chrétiens.
Pour conclure, disons que Marie, par son « fiat », est la Mère de Jésus rédempteur et sauveur, et partant notre Mère à tous. Elle est restée parfaitement fidèle à la personne et à la mission de ce Fils, dans sa foi et dans son obéissance. Pour ces motifs, Marie, servante du Seigneur, depuis son entrée dans la gloire du Royaume du Père, continue son rôle salvifique dans lequel s’exerce sa médiation maternelle, subordonnée à celui qui est l’unique Médiateur. Dans la lumière de Dieu, elle connaît parfaitement tous nos besoins. Elle se fait notre « avocate » auprès de Jésus qui, selon saint Paul, est toujours vivant pour intercéder en notre faveur. Marie est tellement unie à Jésus que sa prière est sûre d’être exaucée, comme il nous l’a promis. Dans notre perpétuel « état de manque », c’est-à-dire nos besoins et nos détresses, recourons à elle en toute confiance. C’est ainsi que nous partagerons, un jour, avec elle, la joie de Dieu.
Roger Bouchard, prêtre STD