Si la civilisation de demain consiste à avoir du travail pour tout le monde, un nouvel ennemi de cette civilisation est en train de prendre du développement. Il est né et grandit en Angleterre.
Il s'agit d'une machine qui peut planter des choux — et d'autres légumes — à raison de 200 plants à la minute. Lisez bien, à la minute ; soit 12,000 plants à l'heure, avec l'aide de quatre opérateurs pour la fournir.
Accrochée à un tracteur, cette planteuse automatique comporte une chaîne roulante munie de doigts ou griffes métalliques. C'est la chaîne qu'on alimente de plants.
La machine creuse dans le sol un large sillon, à l'intérieur duquel les plants, suspendus aux griffes, sont déposés aux distances voulues ; deux roues compriment fortement le sol autour de la plante.
La machine peut aussi être pourvue d'un réservoir à eau de 40 gallons, permettant d'arroser automatiquement les racines mêmes de la plante.
L'espacement des plantes dans la rangée est d'une précision mathématique et peut être commandé et réglé à volonté. Ainsi en est-il de la profondeur à laquelle sont enfouis les jeunes plants.
La même machine peut aussi servir à planter les pommes de terre, en adaptant sur les griffes un dispositif fort simple de godets. On peut également l'employer pour planter la laitue, les oignons, les poireaux, les choux-raves, les betteraves à sucre, les fraisiers, les plants de tomates, etc.
Les doigts métalliques ont un revêtement en caoutchouc, qui leur permet de manipuler les plants les plus délicats avec la plus grande douceur, tout en les plaçant fermement et régulièrement dans les sillons.
La découpure de journal où nous prenons cette description est datée du 8 août dernier et ajoute que cette machine est construite en Angleterre à raison de plus d'un millier par année.
Le gouvernement encourage la fabrication et l'emploi de ce "jardinier de fer", à cause du manque de main-d'œuvre résultant de la guerre. Le ministre anglais de l'agriculture en a acheté un très grand nombre pour les comités agricoles de guerre institués dans les différents comtés de la Grande-Bretagne.
Mais, la paix revenue, avec un surplus de main-d'œuvre disponible, croit-on que les exploitants de fermes potagères jetteront leur machine à la ferraille pour reprendre des salariés ?
Sous un régime créditiste, une invention comme celle-là serait toujours bienvenue : elle soulagerait le travailleur du sol et augmenterait sa production, sans nuire à personne ; tous les consommateurs en bénéficieraient. Mais, avec le système actuel et les règlements actuels pour les droits à la production, voilà un ennemi nouveau sorti du cerveau trop fécond de l'homme.
Si l'on ne veut pas changer de régime, ne devrait-on pas adopter d'urgence, dans tous les pays civilisés, une loi pour imposer l'ignorance obligatoire ?