Sadisme à Valcartier

le vendredi, 15 février 1946. Dans Conscription

On fait grand cas des actes de cruauté de la Gestapo nazie et des atrocités relevées dans les camps allemands de concentration.

Le sadisme n'est pas confiné à l'Allemagne. On en trouve malheureusement de tristes exemples aussi dans les camps militaires canadiens.

Voici quelques genres de traitement qu'ont subi des conscrits canadiens-français à Valcartier, d'a­près une lettre que le bureau de Vers Demain vient de recevoir. Il s'agit sans doute de jeunes qu'on voulait punir — peut-être des déserteurs rattrapés par les chasseurs d'hommes qu'on voit encore à l'œuvre six mois après la fin de la guerre.

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"Tous les matins, lever à cinq heures. On les fait mettre face au mur, et on leur frappe les jambes avec une baguette, et on leur dit : Dites Baveux. On les frappe jusqu'à ce qu'ils aient dit : Baveux.

"Lorsqu'ils ont prononcé le mot, on leur crie : "Ah ! vous nous traitez de baveux !" Suivent des coups de pied, des taloches, trois jours au pain et à l'eau.

"On leur fait transporter des sacs de sable ici et là, jusqu'à ce qu'ils tombent épuisés. On les frappe à coups de pied. C'est du vaudeville pour les bour­reaux. On leur donne des douches d'eau glacée pendant 10 à 15 minutes. Ensuite un des sergents leur passe la brosse, du cou jusque sur les jam­bes. Le sang coule dans le dos, puisqu'ils leur ont plumé la peau.

"On leur fait laver le plancher avec des brosses à dents, pour rire d'eux. Puis la même chose pour les murs. Et cela tous les jours.

"On les fait se traîner dans la boue à plat-ventre, toujours pour rire d'eux. On leur donne 4 minutes pour se raser, et ils doivent le faire en dansant ; s'ils ne sont pas bien rasés, trois jours au pain et à l'eau. Cela ménage les provisions !"

Notre correspondant nous donne ici les noms de trois sergents et de trois gardes qui ont ainsi mar­tyrisé ces jeunes gens : les sergents L..., L..., B..., et les gardes T..., D..., D...

Il ajoute :

"C'est un monsieur de Chicoutimi qui a tout déclaré, car les conscrits ne pouvaient pas parler.

"Ces traitements décourageaient les jeunes gens. Même il y en a un ou deux qui se sont pendus avec des cordons de bottines. D'autres ont avalé un paquet de broquettes pour tâcher de mourir ; d'autres ont mangé une boîte de noir à chaussures.

"Un jeune pour avoir un peu de repos s'est fait arracher les dents, pour avoir une journée à l'écart. Une journée, les dents du haut ; au bout de deux jours, les dents du bas. Il dit : Je n'avais jamais eu de douleur dans les dents, mais c'était pour avoir un peu de repos...

"Mon voisin, son frère, pesait 155 livres quand il est parti pour Valcartier ; il a baissé à 105 livres."

— J.A. B. 

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Ce n'est pas la seule communication du genre que nous recevons, et Valcartier n'est pas la seule place où l'on prend plaisir à malmener nos jeunes gens.

Il y a quelques semaines, c'est une veuve de St-Jérôme (comté de Terrebonne), qui se plaignait que son député fédéral, M. Bertrand, avait conseillé à son fils, Rodrigue M., de se rapporter, et que lui, le député, allait fait raccourcir sa sentence. La mère écrit au député :

"Loin de nous avoir aidés, je crois que vous l'avez vendu, comme Judas a vendu Notre-Sei­gneur.

"J'ai toujours été Rouge, mais j'en garderai un bon souvenir, si les choses ne changent pas ! Nos jeunes sont maltraités comme des animaux par d'autres Canadiens français. N'est-ce pas honteux ?

"Mon fils me reviendra sa santé souillée. Il y a pourtant de la protection pour les animaux ; pour nous, rien.

"Je suis une mère affligée de 60 ans. C'était mon seul garçon. J'ai eu bien de la peine à élever mes enfants, seule depuis 26 ans. Beau gouvernement ! Nous, les mères et les veuves, on ne compte pas pour grand'chose..."

Elle signe "Mère affligée, découragée, choquée.

C. D. M."

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Nous demandons de plus en plus vigoureuse­ment la démobilisation immédiate de tous les cons­crits qui le désirent, et l'amnistie générale, com­plète et immédiate à tous les déserteurs et délin­quants qui ont refusé d'aller se battre pour Churchill, pour Staline et pour les Juifs.

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